Alors que je m'apprête à sortir ce soir pour rejoindre Nat', ma mère qui a une journée de repos me rappelle dans la cuisine. Elle ferme les yeux sur nos évasions répétitives de l'hôpital et n'a pas encore vendue la mèche alors que l'on s'est fait réprimandés durement tous les deux. Sa santé est mise en danger visiblement ; il faut qu'il reste enfermé entre quatre murs. Conneries !
- Où vas-tu comme ça ? m'interroge-t-elle.
Je rougis jusqu'à la racine des cheveux en lui répondant.
- Voir Nat'.
- Je voulais te parler de lui justement. Tu ne crois pas que tu devrais prendre tes distances, un peu ? Tu passes déjà presque tout ton temps avec lui. Et si... Et si, il s'en va... Tu...
Elle bafouille lamentablement et fuit mon regard. Oh, maman. Ces mots que tu te refuses de dire sont imprimés derrière mes paupières chaque fois que je les ferme. Je suis parfaitement consciente du fait qu'il pourrait me quitter dans dix ans comme dans trois jours. Ce que tu ne sais pas c'est que c'est pour cette raison que je m'accroche encore plus ; il n'y a pas une seule seconde à perdre. Et je préfère être certaine d'avoir le cœur en miette à la fin et ne pas être sûre de m'en remettre que de ne rien tenter et de passer à côté de tous ces moments à couper le souffle. Je l'aime, c'est la seule raison valable. J'aimerais tant lui faire comprendre. Mais les mots se mélangent dans mon esprit et rien ne sort, alors, devant mon silence, elle tente de poursuivre :
- Comprend-moi. Je ne veux pas que tu souffres, ma petite étoile. Tu-
Je la coupe sans même écouter, alors qu'elle continue à argumenter, sachant maintenant parfaitement quoi dire pour lui faire comprendre.
- Trouve ce que tu aimes et laisse-le te tuer, maman.
Elle s'interrompt dans son plaidoyer, instantanément et peut-être un peu étonnée, puis me regarde tendrement alors que les larmes commencent à perler dans le coin de ses yeux. Je sais parfaitement à qui elle pense à cet instant : mon père. Ma mère est une grande romantique ; un peu comme moi, d'ailleurs. Elle m'attrape alors par les épaules.
- Je. Suis. Fière. De. Toi. Mon bébé. Ma petite étoile. Si fière. Allez, file le rejoindre.
Elle a vite changé d'avis... Plus vite que je ne le pensais. Attendrie, je la prends dans mes bras rapidement avant de la relâcher pour partir enfin. Ça n'est pas le moment de se mettre à pleurer comme une idiote émotive. Alors que j'atteins la porte, je l'entends ajouter :
- Et chérie ?
Je me retourne.
- Oui ?
- Protégez-vous, d'accord ? lance-t-elle le plus naturellement du monde.
- Maman !! Mais ça ne va pas la tête ?! m'écrié-je scandalisée presque en m'étouffant.
Non mais je rêve ! Je m'enfuis presque en courant alors qu'elle se tient les côtes, morte de rire. Ma mère, je vous jure. Si elle n'avait pas déjà eu la ménopause, je jurerais qu'elle est enceinte à changer d'humeur comme de chemise en une fraction de seconde. Je secoue la tête, amusée par la situation puis me dirige vers la voiture - sa voiture - stationnée en face de chez moi. Oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, il avait une voiture et le permis qui allait avec, lui aussi. Son éternel bonnet vissé sur la tête, il m'attend avec un sourire en coin et une main sur le volant. Je m'engouffre dans le véhicule et claque la portière, puis attache ma ceinture.
- Salut toi, lance-t-il. Viens par là.
Il se penche en posant sa main sur ma joue et effleure doucement mes lèvres des siennes. J'en frissonne tant ça m'avait manqué. Alors qu'il se recule déjà, je l'attrape en riant par le tee-shirt et l'embrasse une seconde fois, ne voulant pas rompre ce contact. Je le relâche finalement et il démarre sans pouvoir s'empêcher de sourire comme un idiot. Je dois approximativement faire la même tête que lui, d'ailleurs.
VOUS LISEZ
A bout de souffle 💜 [𝕋𝕖𝕣𝕞𝕚𝕟𝕖́]
Short StoryEntre les murs défraîchis et déprimants de l'hôpital commence à s'écrire lentement leur histoire tumultueuse. Amitié sans faille et sentiments inavoués. Nathanaël Reinhart a toujours repoussé ardemment l'affection et l'amour des autres. Il a touj...