Plusieurs jours ont passé depuis que j'ai dit à Liana de s'en aller ; deux semaines pour être exact. Elles ont été les pires moments de ma vie, comme si, après la lumière étincelante dont elle a paré ma vie, tout me paraissait plus gris et terne, sans elle. Elle est le filtre sans lequel toute mon existence perd son sens. Elle est mon Soleil, ma Lune et mes étoiles.
Le peu d'oxygène que contient mon pauvre corps malade a été remplacé par son souvenir, comme si elle était la pièce manquante et que je n'étais complet que depuis le jour de notre rencontre. Sans elle, je n'ai envie de rien aujourd'hui, si ce n'est de me laisser mourir. Crever. Me laisser mourir les matins d'hiver en dansant sous les lumières de phares cassés de vieilles voitures.
"N'oublie pas : être heureux, il faut le vouloir." Cette foutue phrase qu'elle m'a presque jetée dessus me tourmente à n'en plus finir. Pourquoi des mots sur un post-it me font-ils cet effet ? C'est à n'y rien comprendre. Sans compter que de voir la déception, la douleur, la tristesse et surtout les larmes dans ses yeux bleus a été un véritable calvaire. J'ai été à deux doigts de la prendre dans mes bras et de lui dire que je regrettais mes mots. Mais voilà, je ne pouvais pas : c'était mieux ainsi pour tout le monde. Non ? Je tourne et retourne ce foutu papier rose dans mes mains comme si un message caché allait apparaître comme par magie.
- Crétin ! m'insultais-je en le jetant en travers de la pièce rageusement.
J'ai le sentiment d'étouffer entre ces quatre murs. Je vire mes draps au loin et me lève au ralenti à cause de ma fatigue accumulée, ou de mon apitoiement sur moi-même, je ne sais pas trop. J'ai besoin d'air. C'est ironique quand j'y pense. J'ai toujours manqué d'air, ça n'est pas aujourd'hui que cette tendance va s'inverser.
Mon téléphone sonne et le nom de ma mère s'affiche à l'écran. Je ne veux parler à personne, personne qui ne soit pas elle. Je traverse mon horrible chambre d'hôpital sur mes jambes flageolantes en ignorant l'appel et ouvre la porte en grand, bien décidé à me trouver un semblant de calme quelque part dans cet endroit de malheur.
Alors que je mets un pied en dehors de la pièce, je suis intercepté par l'une de mes nombreuses visiteuses du jour : ma kinésithérapeute. Elle est censée me faire cracher ce foutu liquide qui emplit mes poumons jusqu'à m'étouffer. Avant qu'elle ne dise quoi que ce soit, je m'élance dans le couloir pour la semer. Elle me crie de m'arrêter mais je compte bien ignorer cette demande. Par chance, l'ascenseur est déjà là et je m'y engouffre in-extremis avant que les deux lourdes portes ne se referment derrière moi, laissant ma chère kinésithérapeute et les quelques infirmières au milieu du couloir avec des regards outrés.
J'appuie sur un bouton au hasard et me retrouve seul de nouveau. Je reprends mon souffle, penché en avant avec mes deux mains appuyées sur mes genoux, le temps que l'ascenseur ne finisse sa descente vers une destination inconnue. Alors que le tintement spécifique retentit, je sors de l'habitacle et m'avance dans le couloir de l'étage en dessous du mien.
Et si j'allais voir Anaëlle ? Je l'ai un peu trop délaissée, voire totalement, ces derniers temps et je m'en veux. J'entre dans la chambre 345 après avoir frappé pour annoncer mon arrivée et découvre la petite princesse toute souriante entourée de ses deux pères. Quand elle m'aperçoit, elle se lève d'un bond en criant de joie pour venir me faire un câlin.
- Nat' ça fait longtemps que tu n'étais pas venu ! Je croyais que tu ne voulais plus être mon ami, lance-t-elle avec une moue rassurée. Je suis contente de te voir.
- Voyons, pourquoi est-ce que je ne voudrais plus être ami avec une petite fille aussi géniale que toi ? demandé-je.
Je la fais descendre puis vais serrer la main de chacun de ses pères tour à tour. Je les connais plutôt bien ; il ne passe pas deux jours sans qu'ils ne viennent voir leur fille malgré leur emploi du temps chargé. Ils sont tous deux très sympathiques et très amoureux, autant tous les deux que de leur adorable petite fille.
Après un moment à discuter, bien qu'ils m'aient tous trois assuré que je ne dérangeais pas, je décide de les laisser en famille et m'en vais déambuler d'un pas traînant dans les couloirs. Ces couloirs immenses dénués du moindre attrait m'ont toujours donné l'impression d'être seul au monde. Je pourrais être dans un hôpital abandonné ou une ville fantôme, ça me ferait le même effet. Je marche un long moment perdu dans mes pensées puis, alors que je tourne à droite, je l'aperçois par l'entrebâillement d'une porte. Liana est assise face à un vieux monsieur et, sur la table entre eux, est disposé un jeu d'échec. La partie paraît entamée depuis un moment. Sans réfléchir, je me plaque au mur en espérant qu'aucun des deux ne m'ait aperçu.
Elle est là, face à moi. Je la détaille. Je la vois discuter avec le vieil homme, qui doit être Monsieur Georges. Je la vois rire, mais son rire sonne faux. Toute cette apparence de bonne humeur sonne faux. C'est l'évidence même : ses yeux bouffis et ses cernes sombres confirment. Elle a pleuré. Bien sûr, qu'elle a pleuré. Elle a la tête de ceux qui pleurent toutes leurs nuits jusqu'à ne plus parvenir à fermer un œil pour s'abandonner au sommeil. Et pourtant, putain, ce qu'elle peut être belle. C'est à en perdre la tête.
Ce qu'elle peut être belle. Ce que je peux être idiot.
Rien ne va plus dans cette vie. Je ne sais même pas si je peux appeler ça une vie. J'ai tellement mal que je ne ressens plus ma douleur, je me sens tellement coupable. Elle souffre, je souffre, nous souffrons. Le monde n'est plus qu'une bulle gigantesque de douleur et de souffrance. Et je vois tout à présent qui s'écroule devant moi. "Accroches-toi, ce qui va suivre sera plus douloureux que tout ce qu'il y a eu avant." Je ne sais plus qui a écrit ça. Mais, putain, qu'est-ce qu'il avait raison. J'y crois maintenant.
Je ne pensais pas que voir une personne que tu aimes souffrir faisait aussi mal. C'est comme si on te poignardait et tournait quatre fois le couteau dans la plaie. J'ignore comment font les autres mais je ne pourrais pas le supporter plus longtemps. Je sature. On ne s'habitue jamais à la douleur. On essaie juste de sourire comme on peut pour ne pas inquiéter les autres. Mais plus ça va et plus je me dis que, ma vie sans elle, ce n'est pas concevable... J'ai besoin d'elle, j'ai besoin de ma bouffée d'oxygène. J'en ai besoin, sous peine de mourir.
Finalement, je recule lentement de ma cachette et retourne ruminer dans ma chambre pendant plusieurs heures. Je me sens plus seul que jamais, plus déprimé aussi. Être malade cela veut-il réellement dire que je n'ai pas le droit de me laisser être aimé ou d'aimer en retour ? Et ce, juste parce que je pourrais mourir à tout instant ? Cela veut-il vraiment dire qu'il faut que je reste enfermé ici comme un animal en cage ? Non. Non, non et non.
Je suis peut-être un animal mais je ne me laisserai plus jamais enfermer dans leurs cages. Et s'il a fallu deux yeux bleus, une infinité de listes, que je retrouve mon envie de vivre et des dizaines de rires à n'en plus finir pour que je le comprenne, il n'est peut-être pas trop tard. Je regarde le tatouage qui orne mon poignet, le même que le sien. C'est une ligne toute bête, une ligne de vie, un battement de cœur : mon amour pour elle... En baissant les yeux vers celui-ci, mon regard tombe sur un papier rose : "N'oublie pas : être heureux, il faut le vouloir." Eh bien, je le veux. Quand je la regarde, je le veux plus que tout au monde. Ma décision est prise.
Je n'ai jamais autant stressé de ma vie. Et si jamais elle ne veut plus me voir, ni me parler ? Je suis un abruti fini, c'est certain. Mais c'est mieux ainsi, non ? Non, j'ai l'impression de mourir à petit feu sans elle. Enfin, plus que d'habitude. Avant de perdre le peu de courage que j'ai, je compose son numéro. Alors que je pensais ma tentative perdue d'avance, au bout de trois sonneries, elle décroche. Je l'entends respirer à l'autre bout du fil, mais elle ne dit rien. Alors que, pour la première fois depuis un petit moment, j'ai enfin l'impression de respirer un peu mieux, hésitant, je me lance :
- A... Allô ?
Héhé x) ! J'arrête ce chapitre ici.
Que pensez-vous de ce chapitre ? Quel est votre chapitre ou moment préféré jusqu'ici ?
La suite arrive bientôt x).
Kiss !
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A bout de souffle 💜 [𝕋𝕖𝕣𝕞𝕚𝕟𝕖́]
القصة القصيرةEntre les murs défraîchis et déprimants de l'hôpital commence à s'écrire lentement leur histoire tumultueuse. Amitié sans faille et sentiments inavoués. Nathanaël Reinhart a toujours repoussé ardemment l'affection et l'amour des autres. Il a touj...