Quelques mois plus tôt.
Je prends une grande inspiration, colle mon plus beau sourire étincelant sur mon visage et pousse la double porte afin de pénétrer dans un long couloir triste, immaculé et déprimant. Je fais du bénévolat à l'hôpital aujourd'hui. Je n'aime pas particulièrement ces lieux, voire pas du tout, mais ma mère est infirmière alors je suis habituée à errer dans ces couloirs sinueux et labyrinthiques assez régulièrement. Je rends visite aux malades, c'est un devoir pour moi : leur apporter mon soutien et ce qui leur manque le plus : le rire, la joie, l'espoir ou tout simplement un peu de compagnie.
J'essaie de venir au moins une fois par semaine, en général le mercredi soir. C'est un réel plaisir pour moi : voir leur visage s'éclairer, entendre les rires des enfants, m'occuper des nourrissons qui pleurent pour les rassurer, écouter les vieilles personnes pour les éloigner de la solitude créée par le manque de présence de leur famille. C'est un réel plaisir mais aussi une épreuve de chaque seconde, surtout quand on finit par s'attacher. Mais il le faut, je veux que leurs derniers instants, ou leur chemin vers la guérison, soient parfois illuminés par des moments de bonheur, même courts. Alors je garde mon sourire et reste forte : ils le sont, pourquoi pas moi ? Je les admire. J'entre finalement dans la loge des infirmières et fais la bise à certaines d'entre elles en demandant des nouvelles de patients réguliers.
- Comment va-t-elle aujourd'hui ? me renseigné-je.
Mon interlocutrice me fait un sourire contrit en secouant la tête de droite à gauche sans rien me répondre et je sens ma gorge se serrer, comme à chaque fois que l'état d'un patient empire. Après m'être renseignée un peu auprès d'Olivia, une autre collègue de ma mère, je me dirige vers la chambre 345 dans laquelle maman est censée se trouver auprès d'elle : une petite que j'adore, atteinte pour mon plus grand malheur d'une leucémie : Anaëlle.
Comme précédemment, je prends une grande inspiration, scotche un sourire éclatant sur mon visage et, après avoir frappé à la porte, fais mon entrée. La tornade qui est censée venir se jeter sur moi et se pendre à mon cou ne vient pas. A la place, je découvre ma princesse perdue dans son lit d'hôpital, branchée à tout un tas de fils et un espace envahi par les bips des machines. Ses yeux d'habitude bien éveillés et remplis d'étoiles sont entourés de cernes violets presque noirs et je remarque avec dépit qu'elle a perdu beaucoup de poids. Je plaque une expression neutre sur mon visage pour ne pas qu'elle se sente mal et perçoive ma réaction. Je détache un moment mes prunelles de cette vision et observe l'ensemble de la chambre.
Je remarque, à mon plus grand étonnement, qu'un jeune homme est assis sur le lit en face d'Anaëlle, penché vers elle, mais je n'y fais pas vraiment attention. Ma mère se trouve à un mètre d'eux à peine et remplit une fiche debout, tournée vers une des nombreuses machines. Alors que je fais quelques pas à l'intérieur cette dernière se retourne et sourit en m'apercevant.
- Bonjour, ma petite étoile, m'accueille ma mère.
- Eh bien il y a foule aujourd'hui, t'as la côte dis-moi, Ani, dis-je à la petite fille sans répondre à ma génitrice.
Je colle un baiser sur la joue de ma mère puis elle m'en donne un sur le front et je me dirige vers la malade qui s'assoit avec difficultés. Je tente de l'en empêcher pour ménager ses forces mais elle serre ses petits bras frêles autour de mon cou. Je m'abandonne alors à son étreinte en fermant légèrement les yeux. J'essaie de ne pas penser à l'impression que je vais la briser tant elle me paraît fragile comme une poupée en porcelaine et la relâche après un moment. Brisant le silence, ma mère prend la parole :
- Je vous laisse, les jeunes. J'ai du travail, à plus tard. Liana, tu viendras me voir avant de partir, chérie.
J'acquiesce sans me retourner et me concentre sur Anaëlle, qui gratte son crâne chauve et affreusement pâle, bien trop pâle.
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A bout de souffle 💜 [𝕋𝕖𝕣𝕞𝕚𝕟𝕖́]
ContoEntre les murs défraîchis et déprimants de l'hôpital commence à s'écrire lentement leur histoire tumultueuse. Amitié sans faille et sentiments inavoués. Nathanaël Reinhart a toujours repoussé ardemment l'affection et l'amour des autres. Il a touj...