XI

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Il lui était impossible de dire s'il faisait jour ou nuit ni depuis combien de temps elle était là. Cela ne devait faire que quelques jours mais le temps ne passait pas entre ces quatre murs. Allongée sur le lit, Jourdan regardait le plafond avant qu'une personne accompagnée d'un soldat n'entre. La Major se redressa et l'infirmier changea son pansement qu'elle avait à l'épaule. Il ressortit aussitôt fini, le soldat pointant son arme sur la jeune femme. Il sortit à son tour et la porte se verrouilla derrière eux. Elle soupira longuement après avoir passé une main sur son visage. Elle ne remarquait aucun changement au niveau de son organisme et les médecins prétendaient pourtant qu'il ne fallait que quelques heures au maximum pour que l'infection se propage dans tout l'organisme.
Alors que l'infirmier était passé il y a quelques heures déjà, la porte s'ouvrit à nouveau et le médecin principal se tenait dans l'encadrement de la porte. Il lui sourit légèrement et lui fit un signe de tête. Jourdan se leva et rejoignit le docteur à l'extérieur de sa chambre. 

-Vous n'avez aucun signe de la maladie et votre épaule cicatrise relativement bien.

-Je ne suis pas contaminée ?
-Non. Rien du tout. Le gène que vous portez vous immunise complètement. Nous avions la solution sous les yeux depuis le début, dit-il sur un ton enthousiaste.
-Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Vous m'avez aussi fait des prélèvements. Nous n'aviez pas encore testé mon sang ?
-Bon, je vais être honnête avec vous mais gardez vos poings dans vos poches.
-Je peux essayer de faire un effort, répondit-elle ironiquement.
-Nous l'utilisions pour avoir plus de patient...

En entendant les mots du médecin, elle l'empoigna par le col de sa chemise et le plaqua contre un mur. La rage se lisait sur son visage et l'homme suait la peur.

-Vous savez déjà à quel point c'est contagieux et vous avez contaminé encore plus de personne ?! Est-ce que vous êtes complètement débile ou vous le faites exprès ?!

-Ils se décomposent et il devient dur d'avoir de bons prélèvements et on ne peut plus les soigner si ça fait trop longtemps.
-Vous êtes pas sérieux ? Ce sont des gens ! Des gens vivants à qui vous ôtez la vie pour faire des expériences ? Et si c'est ça, vous ne sauverez pas ma soeur alors qu'est-ce que vous cherchez à faire ?
-Nous avons des ordres, nous les exécutons, dit le docteur sur un ton solennel.
-De qui viennent-ils ?!

Le médecin ne lui répondit rien, fuyant le regard de la jeune femme. Rapidement, elle comprit qui était à l'origine de ces ordres. Sa mâchoire se contracta sous la colère et elle relâcha l'homme avant de marcher d'un pas décidé vers l'ascenseur. Elle arriva à l'étage où sa soeur était. Jourdan s'arrêta devant son père tandis qu'il lui souriait. Elle défit la pression de son holster et attrapa l'arme du haut gradé. Elle tira sur le panneau contrôlant la porte et elle s'ouvrit. Dans un instinct animal, Alison se rua vers la sortie. Le colère et la rage de savoir que sa soeur ne serait pas sauvée lui fit perdre le contrôle, laissant ses émotions guider ses gestes. Jourdan tira une seconde fois. La balle siffla et percuta le front de sa soeur. Son corps tomba lourdement au sol. Elle était partie pour de bon.
Jourdan regardait le corps d'Alison qui n'avait plus rien à voir avec la vraie. Sa main qui tenait l'arme était tremblante. Elle avait la gorge serrée et l'estomac noué. Une envie de vomir la prenait alors que la colère et la tristesse l'envahissaient. Elle réalisait qu'elle venait de tuer sa soeur sous l'impulsivité. La Major ne reverrait plus jamais sa jumelle, en chair ou en os mais c'était pour son bien. Elle refusait qu'elle soit leur rat de laboratoire et qu'ils ne fassent rien pour la sauver. Et ces gens qu'ils avaient contaminé sous des prétextes infondés. La jeune femme se disait que finalement, elle aurait peut-être du le faire avant. Ne pas laisser Alison dans cet état. 
Le père attrapa son arme et la prit par le bras avant de la coller contre la vitre de la chambre où sa soeur résidait. Son regard était noir, il était bien plus énervé qu'il ne l'avait jamais été auparavant. 

-Pourquoi ?! Pourquoi tu as fait ça ?! dit-il en la secouant.

La jeune femme resta quelques secondes sans rien dire avant de revenir sur terre tandis qu'il réitérait sa question.

-Parce qu'il était hors de question qu'ils la gardent pour leurs expériences minables !
-Tu n'avais pas le droit de la tuer !

-Elle était déjà morte ! Tu ne faisais que l'utiliser ! T'avais pas le droit de faire une chose pareille !
-Ce virus peut nous être utile et elle était la propriété de l'armée.
-J'en ai rien à foutre et elle était ta fille et ma soeur ! T'avais pas le droit de l'utiliser comme ça, de la garder dans cet état ! Et Alison n'était pas un objet ! Elle n'était la propriété de personne !
-Tu voulais aussi qu'elle reste, toi aussi tu voulais la garder pour pouvoir lui rendre visite.
-Peut-être... Mais j'ai été enfermée durant un trentième du temps qu'elle a passé ici et c'est pas humain d'enfermer les gens. 
-Ce n'était plus une personne, Jourdan. Elle était déjà morte, tu l'as dit toi-même.
-Maintenant, elle l'est pour de bon. Elle aura enfin trouvé la paix.


Le haut gradé la gardait coincée entre lui et la vitre, ne répondant rien. L'homme approcha sa main de sa veste et il arracha l'écusson qui était cousu et le jeta au sol.

-Tu es suspendue. Reprends tes esprits et reviens quand tu auras retrouvé le sens des priorités.

Elle tenta de se défaire de l'emprise de son père et il la lâcha d'un coup, elle glissa et tomba au sol. Jourdan se retrouva face à face avec Alison. Brusquement, elle se releva avant d'inspirer profondément. 

-Tu sais à quoi tu ressembleras quand tu seras morte maintenant.

Elle se tourna vers son père, le regardant choquée par ses paroles. Elle ne reconnaissait plus cet homme. Il ne ressemblait plus au père aimant qu'elles avaient connues. La jeune femme se recula de lui avant de tourner les talons. Une fois dehors, elle s'alluma une cigarette et leva les yeux vers le ciel dans lequel le soleil brillait. Elle mit une main devant ses yeux en visière avant de soupirer sa fumée. La jeune femme baissa la tête et se mit à marcher. N'ayant pas sa voiture et étant hors de question qu'elle rentre avec son père, elle comptait bien aller à pied jusqu'à la caserne. 
Il faisait une chaleur écrasante. Le soleil était assez haut dans le ciel, il devait être à peine une heure ou deux de l'après midi. Elle retira sa veste et attacha ses cheveux en un chignon grossier. Elle tenait son vêtement dans la main droite, l'autre main dans la poche. Jourdan avait toujours un peu de mal à réaliser ce qu'elle avait fait. Elle avait passé plus de deux mois à lui rendre visite, à l'observer se décomposer jour après jour sans jamais se dire qu'ils n'avaient pas le droit. Elle avait gardé l'espoir de la retrouver mais il aurait fallu être réaliste dés le début. Elle sorti sa main gauche de sa poche et la passa sur son visage. Et ces gens ? D'où venaient les gens qu'ils avaient contaminés pour tester le virus ? Elle ne comprenait pas comment ces gens avaient pu faire ça de façon volontaire. Ils ont tué ces personnes juste pour tenter de le comprendre et d'y trouver un remède mais il aurait juste suffit qu'ils tuent Alison pour éviter ces morts inutiles. Le virus aurait été éradiqué et Jourdan en restait la porteuse et immunisée qui plus est. Personne ne risquait rien tant qu'elle ne donnait pas ses organes ou son sang. Tout cela ne se serait jamais passé. Cela lui rappelait le dilemme du train: sur les rails, il y a d'un côté une seule personne et de l'autre cinq personnes. Faut-il tué une personne pour en sauver cinq ou ne rien faire ? Certains diraient qu'il faut en tuer une mais d'autres répondraient que cela reste immoral. Personne n'a le droit de sacrifié des vies pour en sauver d'autres et c'est à peu près ce qu'ils avaient fait. En apparence du moins puisque les médecins savaient parfaitement qu'ils n'avaient aucun moyen de sauver Alison vu l'état dans lequel elle était. Jourdan lâcha un long soupir, continuant à marcher sous le soleil de plomb.

Ne te retourne pas : Qui tu es (Tome 2) [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant