La Prophétie des Surnaturels ~ 2. Élue

18. La peur de tuer ceux qu'on aime

- Tu fumes, toi ?

Son regard ne se tourna pas vers moi – il savait déjà à qui il avait à faire – mais vers sa cigarette.

- Non. A vrai dire, je déteste ça, ça m'embrouille l'esprit et j'ai l'impression qu'après c'est toujours pire. Mais je suis dans le pendant pour l'instant.

Je m'assis à côté de lui, silencieuse.

- Comment vas-tu ?

- Je ne sais pas. Je ne ressens pas, habituellement, et cette espèce de compression dans mon torse... ça fait mal.

Il posa une main au niveau de son cœur.

- Je ne sais pas ce que c'est, et je ne veux pas le savoir, Aria. Je voudrais tellement que tout redevienne comme avant...

- Comme avant ? Tu veux dire, à regarder l'amour sans pouvoir le ressentir ? A condamner chaque personne qui t'aime à la mort ?

Il tira une bouffée de sa cigarette et observa le ciel, recrachant la fumée.

- Ce n'est pas avant, ça, Aria. C'est ma réalité. Mélina...

Je vis son regard se remplir de douleur, et je fus surprise de la clarté de ses émotions. Cam n'avait jamais rien ressenti, alors il n'avait jamais appris à cacher ses sentiments.

- Mélina est en train de mourir.

J'appuyais ma tête sur son épaule.

- Comment... ?

- Par ma faute. Tu l'as sans doute déjà remarqué, mais elle a... un problème. A cause de mon deal avec Lucifer, à cause de ma malédiction, son corps commence à mourir. La première étape, c'était les vagues de frissons qui lui implantaient... ça. Comme un virus. Nous en sommes déjà à la deuxième, mais à un tel... niveau, que je ne sais pas ce qu'il va se passer.

- C'est-à-dire ?

Il grogna, et j'eus peur d'aller trop loin. Je ne devais pas le forcer.

- Ne fais pas l'innocence, Aria... Tu m'as vu, chez les Démons Originels.

Je fermai les yeux une seconde, me souvenant du choc de voir les larmes du démon rouler sur ses joues. Du démon qui n'aurait rien dû ressentir.

- Habituellement, il s'agit simplement d'un peu de désir, ou d'une envie particulière. Mais là... j'ai recommencé à éprouver des choses, à ressentir pour elle. Et ça ne fait que renforcer ma peur de la perdre, une petite surnaturelle que je ne devrais même pas regarder.

- Je ne comprends pas, secouai-je la tête en me redressant. Quel est le problème ? Peut-être que la malédiction se dénoue...

Il rit, amer, et reprit de sa cigarette, qui perdit encore quelques millimètres.

- Bien sûr que non. Tu as dû remarquer l'état du corps de Mélina – et je ne parle pas de blessures externes. Elle a commencé à développer une sorte de dépendance... à mon corps.

- Alors c'était ça... La raison pour laquelle elle tremblait tout le temps, sauf avec toi.

- Ça va empirer, continua-t-il en contemplant la cigarette. Ça va empirer, à un tel point que si je ne la touche pas constamment, elle va en mourir. Ça a déjà commencé, et m'éloigner d'elle ne fera rien changer.

Il jeta sa cigarette au sol, la balançant dans le vide. Je l'éteignis avec un coup de main – histoire de ne pas mettre le feu à l'école. Cam se prit la tête entre les mains.