Mémoire BH28R147 - They bring me to you [Jessica]

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11 Avril 2050 - PARIS : UTC/GMT +1 heure
Le lendemain du coup d'État de Valhalla

Jérémy me déposa devant la maison. Je l'embrassai légèrement. Ces moments privilégiés et intimes que je passais avec lui étaient trop rares et trop courts, mais tant que je m'occuperais des garçons et les considérerais comme mes propres petits frères rien ne changerait, et Jérémy acceptait que les choses soient ainsi pour le moment, car il était compréhensif.

Je quittai donc la voiture et entrai dans la maison sur la pointe des pieds. Tout était calme. Seuls Ezy et Bolt étaient réveillés et vinrent me saluer en me faisant la fête, excités de me revoir. Bien entendu, les parents des garçons étaient déjà partis, à moins qu'ils ne soient tout simplement pas rentrés, comme cela arrivait souvent. Kyle et Lucas devaient encore être en train de dormir à poings fermés. En revanche, aucune trace de Charlie. J'avais du mal à y croire, mais peut-être dormait-il encore, lui aussi. Dieu seul savait ce qui avait bien pu se passer en mon absence avec celui-là...

Je craignais toujours le pire pour lui, l'aîné des trois, qui rentrait la tête dans les épaules et faisait le dos rond pour encaisser les coups et protéger ses frères, celui qui ne disait rien quand le sort le maudissait, celui qui intériorisait tout et ne disait jamais rien. A cause de mon inquiétude incessante pour lui, chacun de mes jours de congé était, d'une certaine façon, plus stressant que mes jours de travail lorsque les parents des garçons étaient à la maison. Mais je ne lui en voulais absolument par pour cela car je l'aimais avec toute l'affection qu'il n'avait jamais reçue de ses parents, et c'était cette affection que j'avais pour lui qui provoquait une inquiétude incessante.

Qu'avait fait Charlie en mon absence ? Cette question m'obsédait car j'imaginais toujours les pires scénario s'il avait le malheur de changer un temps soit peu ses habitudes. Faites qu'il n'ait pas fait de bêtises !

Je gagnai mon petit studio aménagé dans la maison – si « petit » était qualifié pour définir les 50m² que le studio en question faisait. Ma chambre était aussi grande que le séjour dans l'appartement de Jérémy, la salle de bain était plus grande que sa cuisine, et ma cuisine à moi, de taille modeste mais qui avait le mérite d'être dans une pièce séparée, ne servait jamais. Quant à mon salon-séjour, il valait bien la taille de ma chambre et pourtant je ne m'y arrêtais jamais. Mon dressing, attenant à la salle de bain, était pratiquement vide.

Je posai donc mon sac sur ma chaise de bureau et mon manteau sur le dossier sans m'attarder dans ce studio où je ne mettais les pieds que pour dormir. Je me sentais plus chez moi dans cette grande maison que dans ce petit endroit dédié rien qu'à moi où je ne passais pas plus de huit heures par jours. Puis, je me rendis dans la cuisine.

Jérémy disait toujours que j'étais trop bonne pour ces gens au cœur de pierre, et il avait raison, mais il comprenait aussi que je ne restais pas pour ces gens qui m'employaient mais pour mes trois garçons qui avaient besoin de moi comme j'avais besoin d'eux. Car oui, ils étaient devenus une composante vitale de ma vie. Nous nous étions adoptés mutuellement, et même Jérémy avait appris à les considérer comme des membres de notre famille. Il les voyait presque comme je les voyais : comme mes frères. Nous étions seulement inquiets tous les deux au sujet de Charlie.

Lorsque Lucas descendit prendre son petit-déjeuner aux alentours de dix heures, il était le premier des trois que je voyais aujourd'hui.

— Bonjour bonhomme. Tu as bien dormi ?

Il opina distraitement en baillant.

— Salut Jess...

Je déposai son bol de chocolat chaud devant lui, mais il le regarda d'une drôle de façon, un peu consterné. Il se frotta les yeux avant de les lever vers moi.

Skyline Emrys - Memory DiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant