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"Prolonger le doute, c'était prolonger l'espoir. "

Jane Eyre_C.Brontë

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Moi ? Je ne suis personne. Je n'ai jamais considérée ma vie comme "exceptionnelle", je ne suis même pas sure de l'avoir déjà considérée. Je pensais philo, ou bien je pensais penser philo, je pensais réfléchir à ma vie, je pensais réfléchir au monde, mais jamais je n'y ai vraiment réfléchis. Je me pensais raisonnablement brillante, raisonnablement jolie, raisonnablement triste. Ma vie était irraisonnablement raisonnable. Je ne sais pas si je me suis un jour rendue compte, qu'un jour, je mourrais. Je crois que je m'en fichais. Je sais pas, c'était pas important. Je riais au blagues des autres, je faisais des blagues auxquelles riaient les autres, je regardais le temps passer, sur les petits chiffres pixelisés de mon ordinateur. Je voulais être différente, comme tout le monde en fait. J'ai essayée d'être un peu excentrique, je finissais toujours par être banale, je portais mon petit masque, me faisant croire à moi même que c'était mon vrai visage. J'avais mes problèmes, vécus par des centaines de millions d'ados déprimées avant moi et j'essayais de ne pas pensée que je jouais la même pièce qu'avait joués mes parents à mon âge. Et j'essayais de ne pas pleurer le soir quand je voyais mon visage dans le miroir. Il faut dire que j'étais surement la pote rêvée, peut être même que certain mec voulait sortir avec moi, je me flattais si c'était le cas, mais jamais plus. C'est triste d'être dans une case. Mais je m'y suis installée confortablement dans cette case et bientôt je voyais à travers.

Et puis un jour j'ai suivi, croyant que je faisais différemment, mieux peut être. On l'a tous fait, on avait, l'âge, la fantaisie, le temps... et puis on se disait qu'il fallait commencer un jour. Mais est ce qu'on pouvait assumer ? On se répétait inlassablement que oui. Mais je ne crois pas. Nous ne voyions que le "en théorie", cela n'arrivait qu'aux "autres". Les dépravés, les traînées qui passaient leurs temps à ça. Mais nous, non, c'était... un hobbies, voilà.

Les putes qui tombaient enceintes et nous qui étions tranquilles. Nous nous noyions dans les clichés, nous avalions la tasse dans ce ramassis de foutaises.

Et maintenant, je remonte à la surface. Je me noie plus douloureusement dans l'air pur de la réalité que dans l'eau trouble des songes. Je vais vomir. Au sens propre comme au figuré. Vomir sur celle que j'étais hier, insouciante, belle, heureuse et naïve, sur celle que je suis aujourd'hui, laide, déprimée, perdue et malade. Je vais vomir sur mon passé, sur le futur que je vais haïr, sur le présent qui ne sait pas ce qu'il veut, sauter, vaciller, s'effondrer, vomir sur tous ceux qui m'abandonneront, pour le lâche qui a fait ça et qui je pense partira comme si j'avais fais cette... chose seule. Je vais vomir sur le sol froid de la salle de bain, la moquette grumeleuse du salon, le parquet ciré de la cuisine, le tapis hypnotisant de ma chambre, la cuvette immaculée des toilettes, le test positif que je tiens toujours dans ma main, sur la chose qu'y habite mon coeur, que je porte, qu'il faudra que je nourrisse, ce clandestin, qui rame dans mes boyaux. Ce monstre qui va pourrir tout ce qu'il y aura autour de lui, mes études, ma famille, mon corps... mon esprit. Cette petite boule gluante qui va investir mes pensées mes doutes mes regrets. Jusqu'à ce que je l'expulse, et je le ferais, je n'attendrais pas 9 putains de mois pour que cette... chose sorte de moi, je ne veux pas qu'elle sorte sinon, soit elle sort maintenant, soit jamais, parce que je ne veut pas voir son visage, ses yeux, son nez, par dessus tout, je ne veux jamais l'aimer.

9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant