Sister or not

sept7️⃣

7 juillet 2017, rue de Philadelphie, 15h33

(Moi) – Ça fait une heure qu'on marche, Mattou, on arrive quand ?  Vent
Shawny d'amour, je peux monter sur ton dos ? Tornade
Y a un marchand de glace là-bas. Je pointe la roulotte On peut y aller ? Ouragan

Décidément, j'adore ma vie... Non, sérieusement. Une heure à marcher dans les rues presque désertes de Philadelphie. Une heure à parler dans le vide. On dirait que dès que j'ouvre la bouche, c'est comme si tout le monde mettait son cerveau sur pause. Le silence général, c'est carrément une spécialité ici.

(Moi) – On pourrait au moins...

(Nash) – C'est bon, Shawny, tu casses les couilles, là.

Bon, enfin, quelqu'un qui daigne parler. Une bouffée d'air frais dans ce silence qui commence à me peser.

(Moi) – Miracle, vous parlez. Et pour une fois, c'est pas moi qui soupire mais tout le monde... C'est comme si c'était une règle non écrite : si ce n'est pas moi qui soupire, c'est les autres qui le font à ma place. Allez, je soupire à mon tour.

Je me mets légèrement à l'écart, sans vraiment savoir pourquoi. Cette sensation de ne pas être à ma place me colle à la peau. Je les observe, eux, s'éclater ensemble. Ils parlent entre eux, s'amusent, rigolent. Et moi, je suis là, seule à l'arrière. Seule, même parmi eux. À part Matthew avec qui j'ai échangé deux ou trois mots, Maho et Jacob avec qui je partage ma chambre, personne n'a daigné m'adresser la parole. Même pas Shawn. Je sais qu'ils ne se sont pas retrouvés ensemble depuis un moment, mais sérieusement, si c'était pour me laisser de côté et ne m'adresser la parole que le soir avant de dormir, Shawn aurait mieux fait de me laisser chez moi. À quoi bon me forcer à faire partie de ce groupe si c'est juste pour me sentir de trop ?

Je soupire encore, puis je me dirige vers Shawn et lui prends ses écouteurs, l'interrompant dans sa conversation avec les autres. Je branche mes écouteurs à mon iPhone et, dès que la musique de Lost Boy se fait entendre dans mes oreilles, je ferme les yeux un instant. Les paroles me résonnent, je les murmure doucement en me balançant légèrement au rythme de la mélodie. Je les observe tous, à l'avant, sans vraiment les voir. À l'avant, Shawn et les jacks parlent de leur tournée. Juste à côté d'eux, Cameron et Nash discutent de leur famille, de leurs amis, et des petites amies de Nash. Derrière eux, Carter, Hayes et Matthew sont en train de faire les cons comme à leur habitude. Maho et Jacob sont derrière eux. Maho parle avec Aaron tandis que Jacob semble avoir toute son attention sur Taylor. Leurs épaules se frôlent parfois, mais ils font comme si de rien n'était, bien qu'il soit évident qu'ils savourent ce contact furtif. Et moi ? Je suis là, seule, tout au fond. Et ça me pèse, mais d'un autre côté, je m'y suis tellement habituée que c'en est presque devenu naturel.

Je les regarde tous, et une pointe de jalousie me saisit. Pourquoi eux, pourquoi pas moi ? Pourquoi eux sont-ils aussi soudés, et pourquoi je me sens toujours à l'écart ? Mais d'un autre côté, cette solitude me connaît. Je suis habituée à être seule. À part Shawn, je n'ai jamais eu d'amis proches. Les quelques personnes avec qui je traînais étaient des amis de Shawn. Quand lui a quitté l'école, ils ne m'ont pas abandonnée tout de suite, parce que j'étais avec Jason, le capitaine de l'équipe de basket et le meilleur pote de Shawn après moi. Mais quand Jason m'a laissée, tout a changé. Les autres m'ont peu à peu ignorée, comme si mon lien avec lui était la seule raison pour laquelle ils me parlaient. Ça m'a fait quitter l'équipe de cheerleading, et je me suis enfermée dans ma bulle. C'est drôle... J'ai passé tout ce temps à faire semblant que ça allait, alors que tout ce que je voulais, c'était être vue pour ce que je suis, et non pas juste comme la copine de Shawn.

Flashback : Un an plus tôt

Du: Le voleur de nom
Viens vite, c'est urgent.

Je prends un instant pour lire le message. Le cœur battant, je saute du lit, manquant de tomber plusieurs fois en dévalant les escaliers. Je me précipite dehors, claquant la porte derrière moi, et je traverse la rue pour entrer dans la maison voisine. Aaliyah me fait à peine signe, et je monte précipitamment les escaliers. Là, je le trouve : Shawn, de dos, devant sa caméra. Je sais exactement ce qu'il veut, mais je n'ai aucune envie d'y participer. Il ne m'a pas encore vue. Je tourne les talons, prête à partir, mais il m'arrête dans ma fuite.

(Shawn) – Allez Shawny, c'est juste une vidéo.

(Moi) – Tu sais très bien pourquoi je ne veux pas être vue avec toi. Pourquoi insistes-tu pour que je fasse une vidéo avec toi ?

(Shawn) – Tu sais bien, elles ne sont pas comme eux. Regarde Aaliyah, rien ne lui est arrivé. Pourquoi ça serait différent pour toi ?

(Moi) – Peut-être, mais Aaliyah c'est ta sœur, et pas moi.

(Shawn) – Pour moi, tu es comme une sœur.

(Moi) – Pour toi, mais pas pour les autres.

(Shawn) – S'il te plaît, fais-le au moins pour moi.

Je soupire profondément et me place devant la caméra, sans vraiment y réfléchir.

Retour à la réalité

Shawn a cette facilité déroutante de me faire faire ce qu'il veut. Il sait que je ferais n'importe quoi pour les gens qui comptent pour moi. Et je me surprends à sourire en repensant à ce jour-là. Au fond, il avait raison. Elles n'étaient pas comme eux. Elles ne jugeaient pas.

Les paroles de Memories résonnent dans mes oreilles, et sans trop réfléchir, je me mets à chanter. D'abord à peine un murmure, puis de plus en plus fort, comme si la musique était la seule chose qui me relie à la réalité. C'est quand tout le monde s'arrête de marcher, et que leurs regards se tournent vers moi, surpris, que je cesse brusquement de chanter.

(Moi) – Quoi ? Vous n'avez jamais entendu quelqu'un chanter ou quoi ?

Je me sens immédiatement gênée, mais je cache ça sous un sourire. Et sans attendre de réponse, je me détourne et commence à m'éloigner, décidant de rentrer seule à l'hôtel. Je suis fatiguée de cette dynamique, fatiguée de ne jamais trouver ma place. Je préfère être seule que de me forcer à rester là, à faire semblant que ça me va.

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