Le Domaine, 2010.
Elisabeth remua les pieds dans l'eau tiède. Un soupir franchit ses lèvres. La chaleur était étouffante en cette après-midi. En quelques semaines à peine, l'été avait durement imposé sa gouvernance, assaillant par vagues farouches les terres du Domaine. La douceur du printemps n'était déjà plus qu'un tendre souvenir pour ses habitants alors que la saison débutait à peine.
Assise sur le ponton de bois, les jambes immergées jusqu'aux genoux, Elisabeth regardait distraitement le vent faire ployer les branches vertes des arbres qui jouxtaient les berges du lac. La brise n'était pas assez forte pour être agréable, chargée de la même lourdeur que l'air autour d'eux. Elle faisait néanmoins s'élever une captivante mélodie de bruissements qu'accompagnait les clapotis irréguliers de l'eau. Bien loin de l'agitation et de l'effervescence à laquelle l'adolescente était accoutumée, le silence régnait en maître sur ce coin sauvage, que seuls quelques oiseaux se permettaient de troubler de leurs chants.
Un petit morceau de paradis.
Cette pensée effleurant son esprit, Elisabeth leva le visage vers le soleil et un sourire de plaisir étira ses lèvres. Elle était grisée par la sensation de liberté que procurait ce refuge qui demeurait comme hors du temps. Loin au cœur de la forêt, le Ponton se trouvait sur une partie du lac où plus aucun membre de leur communauté ne s'aventurait, car beaucoup trop éloigné des résidences. Un endroit magnifique peu à peu oublié de la mémoire collective pour être laissé à la merci des éléments.
- On pourrait presque oublier où l'on se trouve, murmura l'adolescente en rouvrant les yeux.
Presque. Les mots franchissaient à peine ses lèvres qu'une brusque rafale fit se plier la cime vertes des grands chênes, sycomores et autres bouleaux sur l'autre berge. Pendant un court instant, les rutilantes tuiles noires du Manoir se dévoilèrent à l'horizon. Elisabeth se figea. Car avec elles, c'était le rappel qu'à la fin de cette journée, les conséquences de sa défection la rattraperaient. Après tout, elle avait manquée à ses responsabilité ce jour-là. Et elle allait bientôt devoir répondre de ses actes. La chaleur caniculaire ne parvient pas à empêcher son sang de se glacer dans ses veines, tandis que cette pensée s'imposait cruellement à son esprit.
Une main s'enroula sur la peau moite de son poignet, tranchant vivement le cours désagréable de ses pensées.
- Même quand tu n'es pas là-bas, tu y penses.
Elisabeth jeta par-dessus son épaule un regard surpris au jeune homme qui s'était exprimé en un murmure bougon. Paresseusement allongé à ses coté, un bras replié derrière la tête, son compagnon d'escapade l'observait avec attention de ses yeux si singuliers, auxquels rien ne semblaient jamais échapper. La chaleur monta aux joues de l'adolescente. Elle l'avait cru trop assoupit pour lui prêter la moindre attention. Visiblement, Peter ne s'était reposé que d'un œil.
- Difficile de faire autrement, confessa-t-elle en détournant le regard pour suivre la progression de ses pieds sous l'eau, un peu gênée. Où que j'aille, j'ai l'impression qu'il m'observe.
Les doigts du jeune homme se crispèrent sur son poignet lorsque les mots franchirent le seuil de ses lèvres, une confidence passée leurs donnant un sens amer. Son étreinte se desserra l'instant d'après, son pouce allant et venant sur sa peau sensible en un geste affectueux. L'embarra monta au joue d'Elizabeth en une seconde vague de chaleur lorsqu'elle prit conscience du sursaut qu'elle n'avait réussi à contenir à son contact si soudain. Observateur comme il l'était, songea-t-elle, la réaction involontaire de son corps n'avait pas dû, pas pu, lui échapper. Elle espérait seulement qu'il ne remarquerait...
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BROTHERHOOD
FanfictionAussi loin que remonte l'Histoire, une guerre sans merci opposent la Confrérie des Assassins et l'Ordre des Templiers. Née au sein de la Confrérie, Élisabeth O'Brien a grandit dans l'ombre de se conflit secret et sanglant. Sa vie bascule lorsque...