Chapitre 1.5 :

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Le Manoir.

   Oubliant la présence dans les bois, Elisabeth quitta l'abri que lui offrait le saule. Le regard tournée vers la lisière de la forêt, la panique se rependait dans ses veines. Elle avançait en direction des grilles lorsque de nouvelles pétarades percèrent le silence. Plus nombreux et plus forts, les coups de feux étaient accompagnés d'un sinistre orchestre de cris dont-ils battaient la mesure.

   Elle se mit à courir.

   La terreur lui glaçait le sang. Elle se précipitait entre les tombes, le regard rivé vers les bois sombres d'où elle venait. Son espoir de le voir en émerger était douloureux. Où était-il ? criait son esprit tétanisé et apeuré. Où était Peter ? Elle ne comprenait rien à ce qui se passait, à la tournure qu'avait pris cette nuit. Elle avait quitté sa chambre le cœur léger et désormais, ce même cœur s'emballait, prit de panique dans sa poitrine. Il martelait ses côtes avec fracas, cognait dans sa cache thoracique comme pour s'en extraire. Il battait avec tant de force dans sa gorge qu'elle peinait à respirer. Ses pensées lui échappaient, étaient emportées, noyées par l'effroi.

   L'adolescente s'apprêtait à franchir le portillon lorsqu'une masse noir la heurta de plein fouet. La violence du choc lui coupa le souffle alors qu'elle s'écroulait dans l'herbe. Sa tête percuta un obstacle et des vrilles de douleurs se mirent à lui lacérer impitoyablement le crâne. Elle gémit, face contre terre, les oreilles sifflantes, la vision brouillée tandis que ses yeux s'humidifiaient sous les assauts d'une souffrance insoutenable. Une main lui agrippa brutalement l'épaule. Elisabeth résista contre la prise de son attaquant lorsqu'il la fit rouler sans ménagement sur le dos. Seulement, pliée par la douleur, elle réagit trop tard et ne parvint pas à le repousser lorsqu'il s'assit sur son bassin. Protégé de ses éventuels coups de pieds, il bloqua ses pathétiques tentatives de se débattre.

   Et alors qu'il parait la plupart de ses coups, l'homme qui la dominait laissa échapper un grognement de frustration lorsqu'elle parvient à la frapper à la mâchoire.

   - Arrête de te débattre ! Gronda-t-il en la plaquant brutalement au sol. Je te sauve la vie !

   Élisabeth tressaillit en l'entendant hurler. Sa voix dure et tranchante interdisait toute protestation. Voyant qu'elle cessait de lutter, son agresseur s'écarta un peu pour relever la tête en direction de la forêt et la partie inférieure de son visage apparut dissimulée sous un masque. La respiration haletante de l'adolescente se transforma en sanglot lorsqu'une nouvelle salve retentit dans l'obscurité. L'horreur qui se déroulait la déchirait en un écho cauchemardesque de souvenirs refoulés et emplis de cruautés. Les larmes glissèrent sur sa peau. Elle serra les paupières dans un vain espoir de les contenir. La souffrance la tiraillait quand elle serra les poings, ses phalanges écorchées de s'être inutilement acharnées contre le gilet par balle de son tortionnaire.

   - S'il vous plaît... Supplia-t-elle lorsqu'il baissa enfin le regard vers elle. Il y a des enfants dans cette maison...

   Elisabeth ne reconnut pas sa voix. Elle sonnait fragile, misérable. Elle se sentait fragile et misérable.

   L'adolescente ne savait pas si le sens de ses mots compterait pour cet homme. Cela n'avait pas compté pour les siens à l'époque. Femmes et enfants avaient été exécutés avec la même froide détermination que le reste de leur famille. Et aujourd'hui, l'Ordre était venu finir ce qu'il n'était parvenu à accomplir au cours de la Purge.

   Les exterminer.

   Cette prise de conscience fit redoubler ses sanglots alors qu'elle la plongeait dans l'horreur.

   - Il ne peut pas avoir d'enfants... C'est un quartier général.

   Un démenti plein de rejets. Ses yeux clairs se troublèrent alors qu'il la considérait. Son agresseur se tendit. Regardait-il pour la première fois l'adolescente qu'il brutalisait ? Remarquait-il pour la première fois la jeunesse de cette fille qu'il maintenait au sol ? Son hésitation était palpable lorsqu'il releva la tête vers les bois emplis d'ombres. Ses doigts gantés se desserrèrent légèrement sur ses poignets épinglés de chaque côté de sa tête.

BROTHERHOODOù les histoires vivent. Découvrez maintenant