Hey salut toi,
ça va faire dix-huit ans qu'on est colocataires, toi et moi, et pourtant je me rends compte que je ne me suis jamais vraiment adressée à toi comme j'aurais dû le faire.
Longtemps, l'ambiance fut glaciale. Je t'ai haï pendant toute mon enfance, et une grosse partie de mon adolescence, avec toute la bêtise humaine dont je suis emplie.
Nous avons grandi ensemble, pourtant, les seules paroles que je t'ai offertes sont des critiques méchantes et futiles.
Je t'ai reproché la bosse dont tu as orné mon ventre.
Je t'ai reproché l'épaisseur de mes bras, la largeur de mes épaules.
Je t'ai reproché l'ampleur de mes cuisses et celle de ma taille.
Je t'ai reproché l'espace entre mes dents, l'angle carré de ma mâchoire.
Je t'ai reproché la pilosité sur ma peau, les taches et défauts qu'on aimerait effacer.
Je t'ai reproché la mesure de mes pieds, la défaillance de ma vue, la rondeur de mon nez.
Je t'ai reproché la largeur de mon dos et l'angle médiocre qu'il forme parfois quand je me tiens debout.
Je t'ai reproché la différence béante entre ma poitrine et celle des mannequins croisés en photographie artistique.
Je t'ai reproché la vision que tu m'envoyais à travers le miroir, et les détails que tu ne parvenais pas à embellir dans le reflet.
Dégoûtée, agacée, lassée, désespérée, je n'ai jamais songé à tout ce que tu m'as apporté. Mon corps, tu m'as donné la santé, et j'ai été incapable de te remercier pour ce privilège que tu m'as si longtemps accordé.
Je n'ai jamais pris le temps de m'attarder sur la souplesse de mes cheveux, la douceur de mes lèvres, la beauté de mes yeux, la pâleur vampirique de ma peau, la finesse de mes doigts, la longueur de mes ongles ou la forme de mes hanches.
Je n'ai jamais pris de temps de te remercier pour mon coeur qui bat si bien lorsque je cours tôt le matin, pour l'endurance dont tu fais preuve quand je te fais travailler sans sommeil, pour la force de mon foie qui supporte avec honneur mes soirées les plus alcoolisées, pour la patience que tu m'accordes dans les moments où je suis le moins raisonnable.
Ce soir, je prends conscience que tu es avec moi depuis toujours, efficace et discret, et que tu le seras jusqu'à la fin. Je comprends enfin que tes imperfections sont naturelles et que je n'aurais jamais de corps parfait, mais c'est mieux ainsi. Délaisse la rancoeur que je t'ai montrée tout ce temps.
Ce soir, les courbes de ma plume sont pour tes courbes à toi.
Parce qu'en fin de compte, je t'aime bien.
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Spontanéité
RandomRecueil imprécis, improvisé. Recueil plein de mots pas forcément ordonnés. Recueil de l'intérieur de ma tête. Recueil d'impatience, parce que mes projets sont longs à venir. Recueil d'attente. Recueil tout simplement. [TW : pas de thèmes particuli...