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Le repas s'était déroulé comme sur des roulettes ! Tante Christine s'était, pour mon plus grand amusement, étouffée avec l'une de ses dernières dents qui avait décidée de prendre son indépendance. Je ne pouvais pas prétendre ne pas l'avoir avertie au préalable.

Quant à Ambre, elle n'avait plus prononcé un mot depuis que les escargots avaient quitté la nappe de soie, jetant juste un coup d'œil à son portable chaque demie-heure durant. Elle semblait perdue dans ses pensées, ce qui, pendant un moment, avait captivé mon attention. Son habituel éclat semblait avoir disparu.

Spocelini, lui, de son côté, était constamment absorbé par son téléphone, comme s'il guettait un message de sa maîtresse. La goutte de sueur perlant le long de son front, son genou remuant sans cesse, et la quantité de verres d'eau qu'il avait ingurgité laissaient penser qu'il était sous tension. Peut-être attendait-il finalement un message de son amant. Persuadée de son penchant pour les hommes, je ne pouvais m'empêcher de ricaner dans mon coin.

Mes parents, eux, s'étaient disputés entre le deuxième et le troisième plat de résistance. Cassant deux verres et une assiette. Peut-être trois verres, je ne sais plus. Je ne me rappelle plus non plus la source de cette bataille. Il me semblait tout de même avoir entendu mon prénom à certain moment, entre deux injures. L'alcool ne me réussissait pas, il ne leur réussissait pas non plus. C'était sûrement de famille.

Dans tout ce raffut, une seule personne était restée à peu près normale. Comme si ce qui se passait autour de lui ne l'intéressait pas. L'étrange bonhomme avalait dignement chaque plat, sans dire un mot. Une fois le dessert terminé, il avait soigneusement essuyé le coin de ses lèvres rosées avec la serviette en soie, puis s'était tourné vers moi.


— Je donnerais tout pour devenir ce verre de champagne.

Je m'étais arrêtée avec dégoût et avait posé le verre sur la nappe. Je ne lui avais pas répondu, à quoi bon ? Perdre de la salive, tout comme mère le faisait à mon égard, était tout bonnement inutile. L'ignorant, je m'étais levée, narguant cette famille que je côtoyais depuis bien trop longtemps. J'avais attrapé la bouteille de champagne et, en emmenant le goulot à mes lèvres, m'inclinai légèrement pour les saluer.

— Avec cette charmante révérence, je vous souhaite à toutes et à tous une fin de journée des plus désagréables. À l'année prochaine pour les festivités funèbres de notre chère tante.

— Célestine, commença dramatiquement Ambre, attend, nous devons discuter.

— Envoie-moi une lettre via pigeon voyageur, c'est plus approprié pour notre famille.

— Célestine, s'énervait Ambre. C'est importa-

— Un instant, jeune fille.

Une voix granuleuse et menaçante s'éleva derrière moi, stoppant net ma marche et interrompant l'élan de ma sœur. Instable, je me retournai pour observer cette femme, pourrie, dont les cheveux poivre et sel se mêlaient au ciel qui se couvrait doucement. La contempler, c'était comme avoir une vision terrifiante de ma chère mère, mais en plus vieille et en plus affreuse. Il ne manquait plus qu'elle après tout.

— Tiens, grand-mère, n'y a-t-il pas une limite d'âge pour ce mariage ? J'aurais eu vent de ta venue, j'aurais apporté des Chrysanthèmes.

— Épargne-moi tes balivernes et assieds-toi sur ce siège, indiqua-t-elle du bout de sa canne. Le repas n'est pas terminé.

— Ne l'était-il pas ? demandais-je en haussant un sourcil, posant mon postérieur sur la chaise comme si gentiment demander.

— Il faut bien un petit digestif, mon enfant, tu ne crois pas ?

CélestineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant