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12 Juillet, 01h23, Paris

Je progressais avec lenteur, submergé par le sentiment que les rues s'étendaient à l'infini. Chaque réverbère, chaque immeuble, chaque porte et même chaque bouche d'égout semblait se fondre dans une monotonie désespérante. La fatigue de cette marche interminable s'emparait de moi, j'en avais assez et ne désirais qu'une chose : trouver la quiétude pour m'abandonner au sommeil. C'était ma seule requête à cet instant. En titubant, je rêvais de me glisser sous ma couette malgré la chaleur étouffante, m'immerger dans un repos réparateur, et m'abandonner aux bras de Morphée sans aucune intention de les quitter.

La journée avait été riche en événements, mais toute aussi épuisante. Le soleil avait été accablant, mère, tante Christine, et peut-être un brin de mon rhum. Assise sur le seuil d'une porte d'une rue que je semblais arpenter depuis des minutes, je réfléchissais à cette journée haute en couleurs. Tout du moins j'essayais.


— Je crains que tu ne sois trop saoul pour me suivre convenablement.

Je sursautais. Depuis quand ce mec me suivait-il ? Il ne me lâchait décidément pas la grappe. Stoïque devant moi, il se contentait de me regarder blanchir contre cette porte, une clope au bec. L'odeur du tabac me prenait au nez, c'était désagréable.

— Avez-vous de nouveau envie de vomir ?

— Comment connaissez vous mon oncle ?

— Je te le dirai un plus tard dans la soirée.

Je plongeais mon regard évasif dans le sien, fixe et comme vidé de toutes émotions. Comment ma famille a t-elle pu accorder à cet homme de prendre ma main ? Remise de mes émotions, je fronçais les sourcils comme à mon habitude, ancrant davantage cette ride du lion au milieu de mon front et analysai davantage cette figure étonnante au-dessus de moi. Très rapidement je fermais les yeux en soupirant. Il me donnait mal au crâne.

— Il est parti ? demandai-je.

— Ton ancien fiancé ?

— Ce n'est pas mon ancien fiancé.

— Ton ami alors ?

— Ai-je l'air de l'apprécier ?

— Tant mieux, car je peux t'assurer qu'il ne te causera plus aucuns soucis. Je ne m'attendais pas à ce que tu connaisses un fidèle de Raphaël. Je les croyais tous morts, souffla-il. M'enfin, c'est à présent le cas.

J'haussais un sourcil et le regardais comme un chiot plongé dans l'incompréhension. Je ne comprenais pas un piètre mot de ce que cet homme déblatérait à cet instant. Toujours et bonnement pour la même raison que je ne citerais pas.

— Où habites-tu ? Je vais te ramener. Nous discuterons sur le chemin.

Une brève hésitation imprégnait l'atmosphère, puis, après une pause théâtrale d'exactement vingt-deux secondes, je décidai finalement de lui donner une réponse aussi précise que possible.

— Peut-être par là, indiquai-je d'un geste évasif, pointant du doigt le lointain de la rue.

— Peut-être ? reprit l'homme, déconcerté par l'absurdité de la réponse.

— Ou peut-être de l'autre côté...? suggérai-je.

***

J'avais mal. Un mal sourd qui envahissait tout mon corps : mes jambes, mon dos, et surtout ma tête, prise dans un étau douloureux. Et j'avais chaud. Atrocement chaud. Les yeux encore fermés, je tentai de me défaire de ce qui semblait être un haut collant. Au milieu de cette odeur d'humidité familière, je discernai l'arôme distinct et désagréable de mon vieux canapé en cuir. J'étais donc chez moi. Mais comment avais-je bien pu rentrer ? Impossible de m'en souvenir. Quant à l'état dans lequel je me trouvais, j'avais une petite idée...

CélestineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant