Louise embrassa sa mère et son père, son grand frère puis grimpa dans le carosse où son oncle l'attendait, agacé parce qu'elle avait les larmes aux yeux.
Celui-ci l'accompagnait à Versailles pour qu'elle fasse ses premiers pas à la cour. Il lui avait trouvé une place auprès de la récente duchesse d'Orléans, et espérait avec son père pouvoir trouver à cette beauté un bon parti.
La jeune fille regardait défiler les paysages de sa Bretagne natale, retenant ses larmes à grande peine, pour que le frère de sa mère n'ait rien à redire sur sa conduite. Le comte de Keruic n'était pas connu pour sa grande sensibilité, après tout.
Ses propres enfants étant trop jeunes pour l'aider dans sa quête de pouvoir, le comte se servait de sa nièce. N'était-ce pas un gâchis d'enfermer cette beauté dans un coin reculé de la Bretagne ? Qui plus est, une beauté fille de marquis et nièce de comte. Tout cela permettrait d'oublier sa petite dot. De plus, il lui avait obtenu une place auprès de la princesse Palatine, belle-sœur du roi. D'ici peu, un duc demanderait la main de la jeune fille et ce serait la richesse assurée pour sa famille ! Peut-être même que le Roi la remarquerait...
Il fallait savoir qu'Antoine de Keruic n'aimait rien de plus que le pouvoir. Pour cela, il avait intrigué et avait obtenu une charge à la cour. Cela ne suffisant pas, il avait quémandé et eut un logement à Versailles, et trouvé une bonne place pour sa nièce. C'était le courtisan typique, prêt à se damner pour avoir ce qu'il voulait. Et actuellement, ce que le comte souhaitait, c'était plus de privilèges.
Louise ne dit rien du voyage. Versailles était à un peu moins de cent lieues, et le voyage ne fut pas bien gai. Au fond, la jeune fille regrettait qu'on l'arrache à sa vie. Dans sa tête, Louise attendrait l'année prochaine et épouserait un cousin, vivant une vie paisible pas trop loin de ses parents ou d'Henri, son frère. Lorsque son oncle avait annoncé à la demoiselle de 18 ans qu'elle allait vivre à la cour, elle avait bien failli tomber en pâmoison de peur et de tristesse. Mais elle était obéissante, et avait donc acquiescé.
Lorsque la voiture arriva à Versailles, Louise dormait. Elle était épuisée. Son oncle ne lui avait pas lancé un regard, et elle en était bien aise. Elle sortit du véhicule, et le comte la guida vers ses propres appartements, où il logeait et où une chambre attendait sa nièce.
«Peste, nous avons du retard ! Nous devrions être arrivés hier ! La princesse risque d'offrir la place à une autre fille, et je le refuse !» s'écria le comte une fois dans ses appartements
Une bonne arriva alors et sans dire un mot, entraîna Louise dans une salle où l'attendait un baquet rempli d'eau. La jouvencelle se glissa avec délice dans l'eau, soupirant de bien être. La crasse des jours passés sur les routes pleines de poussière rendait l'eau trouble. Si on avait laissé le choix à la jeune fille, elle y aurait passé sa vie.
Il fallut bien pourtant qu'elle sorte. La bonne s'affaira à la sécher, puis la revêtie d'une ravissante robe. Celle-ci, d'un beau bleu sombre, mettait en valeur sa personne en entière. La servante lui fit alors une ravissante coiffure, frisant ici et là une mèche, mettait un peu de poudre... Lorsque Louise se vit enfin, elle ne se reconnaissait point. Était-ce bien elle ?
Elle retourna dans sa chambre, et son oncle la regardait de la tête aux pieds.
« Bien ma nièce. Faites honneur à notre famille, ne me décevez pas et surtout... trouvez vous un époux noble et riche ». La voix de son oncle était puissante, comme celle d'un ogre.
Louise hocha la tête et suivit son parent. Ils arrivèrent enfin aux appartements de la princesse. On les annonça, et ils entrèrent.
La jeune fille plongea dans une révérence parfaite devant la princesse.
«Votre Altesse, permettez moi de vous présenter ma nièce, Louise de Kernezac, fille du marquis de Kernezac et de son épouse, ma sœur.
- Enchantée, mademoiselle...»Elle rencontra la princesse le 25 janvier 1673.
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Louise et le Soleil
Narrativa StoricaLouise n'est pas idiote. Elle sait que pour tous, elle n'est qu'un pion dans un jeu qui la dépasse. Mais il ne faut pas se leurrer. Qu'ils se leurrent. Car Louise sait tirer son épingle du jeu. À la Cour de Louis XIV, elle n'est officiellement que...