Louise et le Soleil

II. Discussion

« Louise. Tu es en retard.
– Excusez-moi mon oncle. J'étais dans les jardins et je n'ai pas vu le temps passé...
– Tu étais seule dans les jardins ?! Sans tes compagnes ?! Combien de fois devrais-je te dire que tu n'es plus dans ta campagne et que si ta réputation est bafouée, celle de toute la famille sera tâchée ?! Serais-tu égoïste, ma fille ?
– Non point mon oncle. Mais... tout le monde était autour du roi, tout au sud des jardins, et j'étais plus au nord. Je ne voyais pas de danger...
– Qu'en sais-tu ? Il y a des vauriens partout !
– Pardonnez moi mon oncle, murmura Louise
– Va, ce n'est rien. J'ai reçu le vicomte d'Hurlie. Sais-tu ce qu'il m'a demandé ? »

Louise secoua la tête en signe de négation et suivit son oncle autour de la table où était disposés plusieurs mets. La jeune fille piocha ici et là de quoi manger et partit s'assoir sur un fauteuil. Son oncle s'installa en face.

«Il m'a demandé ta main. J'ai refusé bien sûr. Il aurait été fils aîné... mais son frère a trois garçons en pleine formes, et l'aîné à lui-même un fils. Bref il n'héritera jamais d'un titre à notre niveau.
– Du reste, il a cinquante ans, mon oncle...
– Oh peu importe l'âge. Mais un vicomte ? Non, jamais. Ton père m'a chargé de te trouver un mari convenable, et je m'y emploi chaque jour que le Seigneur fait.»

Louise se retint d'ajouter qu'il s'était lui-même proposé de chercher un époux pour elle. Son père était un homme faible, et au décès de son propre père, n'ayant jamais eu une force de caractère et ayant perdu son guide, il trouva en son beau-frère un modèle idéal.

« Je le sais mon oncle.
– Bien. Toujours est-il que je l'ai repoussé. Ce n'est pas un homme très influent, alors ce n'est pas grave. J'ai entendu dire que tu accompagnerais la princesse au bal de mardi-gras ? C'est bien. Enfin tu seras masquée, alors bien sûr ce ne sera guère pratique pour te faire remarquer, mais c'est toujours cela de fait. Nous sommes en mars, et on ne peut pas dire que tu as été de toutes les fêtes. Il faudra que j'appelle une couturière, je suppose.
– C'est inutile, mon oncle. La princesse offre les robes de ses suivantes. Elle nous en a fait la surprise ce matin-même. C'est d'ailleurs elle qui a choisit mon costume.
– C'est un grand honneur, ma nièce. Remerciez la princesse Palatine comme il se doit, mon enfant.
– Oui, mon oncle. »

Louise ne parla plus. Elle mangea rapidement ce qu'il y avait dans son assiette. Au fond, elle avait de la peine pour le vicomte d'Hurlie. Pas qu'elle veuille l'épouser, mais c'était un brave homme. Il était assez gentil. Certe, il avait 50 ans, et avait un fils de 29 ans, né d'une précédente union. Sa seule erreur était d'être né cadet et de n'avoir eu qu'un titre de vicomte. Enfin, la jeune fille savait bien que le seul but du vicomte était d'avoir une jolie femme pour parader à son bras et éventuellement lui donner d'autres fils.

Mais au moins, il avait bien traité feu sa femme et les paysans vivants sur ses terres. Pas comme son oncle, par exemple...

La jeune bretonne prit vite congé de son oncle, et retourna dans les appartements de sa maîtresse. Lorsqu'elle entra, une servante lui apprit que la princesse chassait avec le Roi cet après-midi, et qu'elle avait donc l'après-dînée de libre. Heureuse de cette bonne surprise, la jeune fille chercha une compagne avait qui elle pourrait aller dans les jardins, quand son regard tomba sur Marie-Anne de Mormont-Lanssac. Elle était une amie de la princesse, aussi la connaissait-elle bien.

Celle-ci l'apperçu aussi, et se dirigea vers elle.

«Ma chère Louise, feriez-vous quelques pas dehors avec moi ?
– Bien sûre madame.»

La duchesse avait 21 ans, tout comme la princesse. C'était la fille du comte Henri III de Sedan, et elle avait épousé l'année précédente le duc de Mormont-Lanssac. Elle prit le bras de Louise, et elles allèrent dans les jardins.