LES HUIT CHANTS DU FEU AUX POUDRES
ou
DIRIGEZ-VOUS !
Exhortation au peuple infâme
pour s'affranchir du mépris
Grandeur signifie Direction
Nietzsche, Humain, trop humain
Chant premier :
Accusation liminaire
Ô peuple mécontent, incompris, délaissé, tâche au moins de ne pas mériter le mépris dont t'accablent ceux qui te gouvernent ! Efforce-toi résolument afin que ce soit à bon droit que tu t'indignes d'être méjugé, déclassé et sali ! Or, cela ne se peut que si tu vaux vraiment quelque chose : apporte donc la preuve de ta valeur ! Et tiens pour assuré que celui qui n'agit pas ne vaut rien, aussi sûrement que celui qui se tait paraît toujours consentir.
Pour l'heure, le sort que tu endures, le dédain dont tu souffres, la totale mésestime qui pleut sur toi, est le juste effet de ta bêtise, de ta lâcheté, de tes compromissions. Ceux qui d'en haut te regardent te négligent, parce que pour l'heure ils te sont supérieurs, parce que tu t'es montré bas et ridicule à leurs yeux. Leurs regards ne te souillent pas ni ne t'avilissent : tu t'es toi-même couvert d'opprobre, ô peuple ignominieux et infâme ! Voudras-tu t'en défendre ? Mais qui le fera, sinon toi-même ?
Aujourd'hui, tes révoltes sont de pauvres murmures, tes bravoures de pusillanimes pitiés. Tu crois crier, mais tu n'oses qu'un timide et guttural vagissement : ton maigre souffle n'arrive nulle part et n'atteint personne, comme un piètre vent sur une plaine désertée. Tu es pareil au veau qui remue avant d'être saigné : on ne l'entend même plus à l'abattoir, on ne se souvient que du rare animal qui a blessé celui qui l'a mené ; mais il fut seul, et des milliers de patiences soumises ont brisé son souvenir... parce que la multitude consent.
Pour l'heure, tu n'es rien de mieux que cette multitude.
Ô foule grégaire, compromise, infertile, donne-toi au moins pour principe de ne pas entraver le geste du Glorieux qui résiste ! Que ta faiblesse et tes plaintes, au moins, trouvent une icône pour couvrir ton odieuse misère, et que ton suffrage aille indéfectiblement à Celui – puissant et facile à reconnaître – que tu auras élu. Dès lors, si tu n'es pas toi-même assez digne pour commander, sers-Le sans faillir, quoi qu'Il t'ordonne. Et qu'ainsi ta misère, au moins, ait pour insigne, pour honneur, pour étendard – non l'obéissance aveugle, mais – la fidélité à la Grandeur.
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Du Feu aux poudres [Disponible imprimé]
No FicciónVoici ce qu'il advient lorsqu'un suprême Orgueil, croyant s'adresser au triste lecteur d'une société compromise, tâche à expliquer en quoi consiste l'Art véritable de se conduire : une de ces œuvres qu'on adore ou qu'on déteste - rien au milieu ! Et...