Chapitre I

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Les vacances de Noël. Ce moment de l’année où les aéroports deviennent de vrais foyers de voyageurs en tout genre, qui partent rendre visite à leur famille, vont s’amuser dans des stations de ski d’une beauté à couper le souffle, ou vont tout simplement changer d’air. Moi je suis condamnée à rester ici, avec mon invivable frère et mon intolérable demi-frère. C’est déjà difficile de vivre tous les jours avec ce cher Sébastian comme colocataire, mais maintenant je vais devoir supporter Zachary Collins. J’adore son père, Dorian. Depuis que ma mère l’a épousé, elle se sent à nouveau heureuse je le sais et c’est tout ce que je voulais. Mais ce satané déchet de la nature me tape constamment sur les nerfs. Il fait toujours des remarques agaçantes et il aime ça. Le pire c’est quand lui et mon frère s’y mettent à deux. Je n’ai absolument pas hâte de le revoir.
— Amyra !
Mon frère. Encore. Comme d’habitude il doit crier de sa chambre parce que monsieur est trop paresseux pour bouger ne serait-ce que de deux pas.
— Quoi ? !
— Maman veut que tu ailles chercher Charlie avant l’arrivée de Zachary!
Traduction: Maman m’a demandé d’y aller mais puisque je suis beaucoup trop fainéant pour le faire et que ma petite sœur est là je vais lui demander de le faire à ma place. Et comme je suis dingue de cette petite frimousse de cinq ans, je ne vais évidemment pas dire non. Charlie est la petite sœur de Zachary, elle a un petit problème d’hyperactivité c’est pourquoi on l’a inscrite à des cours de karaté pour qu’elle puisse se défouler. Et la plupart du temps elle est assez épuisée pour s’endormir très vite. Je vais donc enfiler un gilet rouge sur mon débardeur beaucoup trop décolleté pour être vu par des enfants de cinq ans et je descends les escaliers à toute vitesse. J’arrive dans le salon en passant devant le bureau de ma mère qui est comme toujours en train de travailler. Elle est archéologue, c’est d’ailleurs grâce à ce métier qu’elle à rencontré son collègue et mari Dorian Collins. Je me souviens du jour où elle nous l’a présenté, un an après son divorce avec notre père qui aujourd’hui est en train de s’amuser sur un autre continent avec sa nouvelle femme. Sébastian ne l’appréciait pas, mais moi j’étais heureuse que ma mère se construise une nouvelle vie. Et je l’étais encore plus après leur mariage il y a deux ans. Bon l'inconvénient là-dedans c’est que je dois désormais supporter un nouveau demi-frère, mais ma mère est heureuse et rien d’autre n’a d'importance. Elle lève la tête en me voyant passer et se met à sourire, exaspérée.
— Ton frère t’a encore refilé son boulot ? soupire-t-elle en secouant la tête de gauche à droite.
— La prochaine fois demande-le moi directement maman.
— Il changera bien un jour ou l’autre.
— Un jour très lointain alors.
Je lui fais un clin d’œil avant de prendre ses clés de voiture et de partir. Ma voiture est au garage, à cause d’un certain frère qui me l’a volée pour aller s’amuser en soirée, je vous laisse imaginer dans quel état il me l’a ramenée et dans quel état étaient ma mère et Dorian. D’ailleurs je croise mon beau-père dans l’entrée, il revient d’une réunion importante.
— Salut Dorian.
— Salut princesse.
Il passe sa main sur ma tête et met un bazar pas possible dans mes cheveux déjà bouclés et donc assez emmêlés. J’ai hérité des cheveux afro de mon père et c’est bien la seule chose que j’ai de lui. Pour le reste, tout me vient de ma mère, mon teint assez pâle, mes yeux bruns, mon petit nez retroussé ou même mes fossettes, sont tous là pour me rappeler que je suis bien sa fille. Contrairement à mon frère qui a tout eu du côté masculin. Les cheveux frisés, impossibles à coiffer, la peau aussi bronzée que celle d’un surfeur, les grains de beauté partout dans le cou, les yeux verts, absolument tout. C’est pourquoi il s’est toujours mieux entendu avec notre père. Et qu’il déteste Dorian.
— Tu vas chercher ma fille ? m’interroge ce dernier en souriant comme toujours.
— Oui.
— Bien, fais attention sur la route.
— Je fais toujours attention, c’est d’un autre Salem que tu parles.
Il pose son doigt sur ses lèvres pour me faire signe de ne pas me faire entendre par l’adolescent qui séjourne à l’étage. Il risquerait de nous faire une autre crise existentielle. Je fais donc semblant de fermer mes lèvres comme une fermeture éclair et je sors en riant.
Le soleil m’éblouit aussitôt et la chaleur revient me frapper de plein fouet. Vivre à Shelter Meek n’est pas toujours facile. Mais on s’y fait. Dans la voiture, j’active la climatisation. Ça fait du bien, surtout que ce gilet me donne affreusement chaud. Si seulement je n'avais pas une poitrine aussi généreuse. Un autre cadeau de ma mère. La plupart des filles de mon âge voudraient avoir la même mais elles ne comprennent pas ce que ça signifie. Les recherches du parfait soutien-gorge, les remarques incessantes des garçons, les chemises impossibles à mettre… bref c’est une torture. Mais je dois vivre avec ça aussi. Je démarre rapidement et roule vers le dojo. Les rues sont toujours animées ici. Les palmiers et les cocotiers, ainsi que les plages nous donnent l’impression d’être en Californie ou à Miami Beach. C’est magnifique. Mon téléphone se met à sonner quand je sors de la voiture. C’est ma meilleure amie, Sofia. Elle est géniale, je la connais depuis notre arrivée ici, on est inséparables. Je réponds en poussant la porte en verre, la fraîcheur de l’intérieur m’envahit.
— Sofia tu n’imagines même pas à quel point je suis heureuse de t’entendre.
— Tu l’es toujours, me répond mon amie sur un ton moqueur.
Et j’imagine très bien je ressens la même chose quand j’entends ma splendide voix.
Je souris et cherche du regard la petite boule d’énergie que je suis venue récupérer. Ils sont plusieurs à rassembler leurs affaires près des bancs et la majorité des parents ou des accompagnateurs sont présents aussi. Je la repère enfin après quelques secondes, avec ses deux petites tresses faites par mes soins avant que Dorian ne la dépose ici. Elle porte son kimono et sa ceinture blanche qu’elle rêve d’échanger pour une jaune. Je souris quand je vois un garçon de son âge aller la voir pour lui offrir une fleur un peu abîmée mais belle dans l’intention. Elle le remercie rapidement avant de lui tourner le dos. Dis donc elle fait déjà tourner les têtes des garçons à son âge. Je siffle assez fort pour qu’elle me voie enfin et se mette à courir vers moi pour enrouler ses bras autour de mes jambes.
— Amyra !
— Tu t’es bien amusée ?
— Oui j’ai tapé sur des gens!
J’entends la voix de mon amie dans mon téléphone qui est toujours collé à mon oreille.
— Waouh, vous n’êtes pas de la même famille pour rien vous deux !
Je lui dirais bien de la fermer mais puisque je suis dans un lieu rempli d’enfants je vais m’abstenir. À la place je passe ma main sur la tête de la petite et je me penche vers elle.
— Va chercher tes affaires chérie je te ramène à la maison avant que ton frère n’arrive.
Je l’admets, ça m’écorche la bouche de dire ça, d’admettre l’arrivée de Zachary, mais je ne peux pas l’insulter devant sa petite sœur, elle se rendra bien compte par elle-même plus tard que c’est un crétin. Pour l’instant elle pousse un cri de joie phénoménale et court vers le banc pour prendre ses affaires. Sofia profite de son absence pour reprendre la parole.
— Prête à accueillir le gars hyper sexy qui te sert de demi-frère ?
— Beurk. Ne dis pas des trucs comme ça.
— Je dis la vérité, ce gars est tellement beau que je pourrais te donner des millions pour louer ta chambre et dormir à quelques mètres de lui. D’ailleurs je ne serais pas la seule capable de faire ça.
— Je vais ouvrir mon business de location alors, je deviendrais sûrement riche.
Je l’entends rire, j’adore son rire, il est très communicatif. Surtout en cours quand il ne devrait absolument pas l’être. Je ne peux jamais m’empêcher d’au moins sourire en l’entendant et c’est ce que je fais. Jusqu’à ce que je me tourne et que je voie le grand frère d’une des amies de Charlie juste à côté de moi. Il me sourit. Il faut que je raccroche, puisque visiblement il veut me parler.
— Sofia je dois te laisser je te rappelle dans quelques secondes.
— Il est beau au moins pour que tu me laisses tomber comme ça ? s’indigne-t-elle néanmoins curieuse.
Elle sait toujours tout sur tout, je suis sûre qu’elle est voyante. Je raccroche tout de même sans répondre et me tourne vers le garçon, un grand sourire aux lèvres. Je crois qu’il a l’âge de Sébastian, c’est-à-dire un an de plus que moi. C’est vrai qu’il n’est pas désagréable à regarder, des beaux yeux gris, un sourire à tomber, des tatouages recouvrant ses bras musclés et une vraie carrure de sportif. Mais je ne dois pas m’emballer. Comment il s’appelle déjà ? Enzo… Elio…
Eliott!
— Salut. Eliott c’est ça ?
— Oui c’est moi, me répond-il avec un sourire ravageur qui ferait tomber amoureuse n’importe quelle fille. Et toi c’est Amyra, la demi-sœur de Charlie, je suis le frère de Livia.
— Ah oui elle vient parfois à la maison, c’est déjà difficile d’en gérer une mais quand elles sont deux ça devient presque impossible.
Il rit à ma remarque puis il se met à se gratter la nuque gêné.
— Je voulais savoir si tu accepterais d’aller… prendre un café ou d’aller au cinéma un de ces jours. Avec moi. Bien sûr.
Attendez il me propose un rendez-vous là ? Comme un vrai rendez-vous ? Je dis quoi ? J’accepte, je refuse ? Si seulement je n’avais pas raccroché, Sofia sait toujours quoi faire dans ce genre de situation mais moi je suis complètement larguée. Bon, je vais bien devoir lui répondre à un moment. Alors je dis la première réponse qui me passe par la tête :
— D’accord.
Je viens d’accepter un rendez-vous de la part d’un beau garçon ? Je deviens folle. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive mais là c’est un garçon plus âgé et il a un de ces sourires. Surtout quand j’accepte sa proposition.
— Super, alors… tu me donnes ton numéro?
— Ouais.
Il me tend son téléphone et j’enregistre mon numéro avant de le lui rendre fière de moi. Et c’est ce moment que choisit Charlie pour revenir.
— Amyra vite Zachary va arriver! me gronde la petite.
— Zachary? m’interroge Eliott curieux, il revient en ville ?
— Pour les vacances oui.
— Super, tu lui diras de m’appeler ?
— Je le ferai.
Ou bien j’oublierai malencontreusement.
— Alors à bientôt Amyra.
— À bientôt.
Il me fait un signe de main avant de s’éloigner. Charlie lève la tête vers moi.
— Vous allez vous marier ?
Je ris en la soulevant pour la poser sur mes épaules et me diriger vers la sortie.
— On n’en est pas encore là.
Une fois installées dans la voiture j’appelle à nouveau mon amie en activant le kit mains libres évidemment. J’ai une petite fille à garder en vie avec moi après tout. Elle répond aussitôt.
— Bon alors, ce mec il était comment ?
— Sofia je suis dans la voiture, avec Charlie.
— Quelle rabat-joie ! Enfin bref, je voulais savoir si une soirée samedi soir ça te tente.
— Tant que ce n’est pas chez moi.
— Très drôle. Évidemment ça sera chez moi idiote.
— Dans ce cas je viendrai.
— Moi aussi je peux venir ? me demande aussitôt la petite à l’arrière avec une petite voix qu’elle utilise toujours pour me faire craquer.
— Quand tu auras le triple de ton âge chérie, répond du tac au tac mon amie.
Charlie croise les bras mécontente mais je sais très bien qu’à la fin de ce trajet elle aura déjà oublié pourquoi elle boudait. Elle n’est absolument pas rancunière alors c’est vraiment trop mignon quand elle essaie de l’être. On passe le reste du trajet à rigoler toutes les trois. Au sujet d’Eliott, du jeune garçon qui a abordé ma jolie petite demi-sœur au dojo… bref on ne parle que des garçons comme le font la plupart des filles. Quand on arrive enfin à la maison, la petite court comme une fusée jusqu’à la porte ce qui m’oblige à me demander si ses cours de karaté sont toujours aussi efficaces contre son hyperactivité. Elle entre sans m’attendre et je la perds très vite de vue. Je souris en entrant à mon tour et je m’empresse d’enlever à la hâte ce gilet affreux qui me fait mourir de chaud.
— Tu es si heureuse de me revoir au point de te déshabiller devant moi ? s’exclame une voix derrière moi que je reconnais trop bien pour ne pas la détester.
Je me retourne aussitôt et la voilà. Cette gueule d’ange qui ne lui sert que de façade pour cacher cet air arrogant qu’il ne réserve qu’à moi. Ces yeux bruns qui me fixent comme si je n’étais qu’un bout de viande, ce sourire arrogant que je déteste voir. Physiquement il est le portrait craché de sa petite sœur. Mais à la différence de la petite, lui, c’est un connard. Je fais de mon mieux pour ne montrer aucune expression mais là, tout de suite, je n’ai qu’une envie, le gifler de toutes mes forces. Mais lui, il sourit, et son regard descend vers une zone que je repère tout de suite et que je cache avec le gilet que je reprends précipitamment. Et le parasite rit de plus belle.
— Joli décolleté Amyra Salem. Je vois que tu es moins coincée qu’avant.
— Je ne l’ai jamais été Zachary Collins. C’est toi qui ne l’étais sûrement pas assez. Et j’imagine que toi tu n’as pas changé du tout pour mon grand plaisir.
— Attends tu veux dire que tu m’aimes comme je suis ?
— Oui parce que comme ça je n’ai absolument aucun mal à te détester. C’est super non?
Dorian arrive derrière son fils à ce moment-là et il pose sa main sur son épaule d’un geste à la fois doux et brutal qui fait rire et grimacer Zachary.
— Fiston je crois t’avoir déjà dit de ne pas embêter les jolies filles.
— Parce que tu en vois une dans les parages ? le questionne l’autre imbécile en souriant de sa blague.
— La réplique parfaite de quelqu’un qui n’a plus de sarcasme en stock et qui choisit une réplique de gosse pour répondre à la phrase sensée d’un adulte ! Réponds-je sur un ton désolé pour lui.
— Je te rappelle que je suis plus vieux que toi, rétorque aussitôt le crétin.
Heureusement mon beau-père reprend avant que je ne sorte une réplique cinglante.
— Peut-être mais en âge mental ça reste à prouver.
Je souris, fière, en lui lançant un air satisfait et aussi arrogant que celui qu’il affiche toujours pour m’agacer. Avec délectation, je le vois serrer les dents et se tourner vers son père.
— Papa la solidarité masculine tu connais ?
— Crois-moi un jour tu comprendras que les femmes sont plus fortes que la solidarité masculine.
Il donne encore une légère tape sur l’épaule de son fils avant de se retourner pour partir.
— Heureux de te revoir fils.
— Moi aussi papa.
Mais l’arrogant continue de me fixer comme un lion observe sa proie. Je lui souris faussement, puis me dirige vers les escaliers. Comme il est sur ma route il ne se gêne pas pour attraper mon poignet et me retourner vers lui. Ce qui fait évidemment tomber le gilet que je tenais.
— Admets-le Amyra Salem. Je t’ai manqué.
— Si par manquer tu veux dire que j’ai attendu chaque jour ton retour depuis ton départ pour pouvoir te balancer des objets en tout genre à la figure alors…
Je retire mon poignet de son emprise d’un geste brusque, gardant tout de même la proximité entre nous.
— Oui tu m’as atrocement manqué Zachary Collins.
Il sourit à nouveau, puis se baisse pour attraper le gilet par terre et me le tendre.
— Toi aussi tu m’as manqué.
Je laisse s’échapper un léger rictus et j’attrape le tissu rouge. Je monte dans ma chambre où se trouve mon frère. Il est allongé sur mon lit comme si c’était le sien et pianote sur son téléphone. Il m’énerve !
— Qu’est-ce que tu fais dans ma chambre ?
— J’entre dans ton intimité comme tu le fais avec la mienne frangine.
— Je n’ai rien fait à ton intimité alors enlève tout de suite tes baskets dégoûtantes de mon lit.
Ma menace s’accompagne d’un coup dans sa jambe pour la faire descendre sur le sol. Il se redresse et se met debout face à moi.
— Eliott, reprend ce dernier en colère. Tu as accepté un rendez-vous avec Eliott.
— Et alors ?
— C’est un de mes amis. Je t’interdis de sortir avec un de mes amis.
Cette simple phrase arrive à me mettre hors de moi. De quel droit il peut se permettre de me dire ça ? Non mais je fais ce que je veux et je n’ai pas besoin de son autorisation pour vivre ma vie. Et dire qu’avant le divorce de nos parents il était toujours gentil avec tout le monde. C’était le grand frère parfait. Il a bien changé.
— Primo frangin, je n’ai absolument aucun ordre à recevoir de toi. Deuzio je ne savais même pas que tu connaissais ce gars même si je n’en ai rien à faire maintenant que je suis au courant. Et tertio, je fais ce que je veux quand je veux avec qui je veux et ton petit numéro d’adolescent en crise n’y changera rien. Alors je te conseille de vite te calmer.
Je vois son poing se serrer et se desserrer presque aussi vite, malgré sa colère il se souvient que je suis sa petite sœur et qu’il ne peut pas me faire de mal. Je n’arrive pas à croire qu’on en soit arrivés là lui et moi. Avant, on était tellement complices et aujourd’hui on veut s’entre-tuer. Heureusement la petite Charlie entre dans ma chambre en se jetant sur moi.
— Amyra ! Tu as vu il est de retour!
Je tourne la tête vers Zachary qui est sur le pas de la porte et je me force à sourire à la gamine de cinq ans qui ne peut évidemment pas comprendre qu’elle vient d’arriver en plein milieu d’une dispute.
— Oui j’ai vu chérie, je lui réponds sur un ton plus calme que celui que j’utilisais quelques secondes plus tôt.
Sébastian profite de ce moment pour partir en bousculant Zachary, qui lui a deviné ce qui vient de se passer. Mais encore une fois Charlie intervient.
— Donne-moi le cadeau vite !
Elle m’avait demandé de garder dans ma chambre le cadeau qu’elle avait fabriqué pour son frère. Elle est tellement désordonnée qu’elle perd toujours tout. Je lui souris et je vais vers mon armoire chercher le cadeau, emballé dans du papier journal par ses soins. Mais cette dispute avec mon frère m’a fichu le moral à zéro. Je sens les larmes venir, je m’empresse donc de donner le cadeau à Charlie avant de sortir sous le regard de Zachary presque… inquiet ? Ou jouissif je ne sais pas. Mais généralement me voir souffrir l’amuse. Je descends les escaliers et me précipite vers la voiture de ma mère. Je ne veux pas rester ici avec mon crétin de frère et mon crétin de demi-frère. C’est à croire que j’ai un véritable problème avec le sexe opposé. Je roule jusqu’à mon bar à jus de fruits préféré, retrouver ma meilleure amie. Elle y travaille tous les jours après les cours pour pouvoir s’acheter de nouveaux vêtements. Elle est passionnée par la mode. Avec un corps de rêve comme le sien qui peut porter n'importe quel habit ce n’est pas étonnant. Comme le bar doit se fermer pendant les vacances elle va devoir se contenter de son simple argent de poche, et du mien par la même occasion malheureusement. Je passe par la terrasse où des couples se réunissent souvent et entre dans la salle, comme à chaque fois aveuglée par les couleurs jaunes et oranges des murs. Sofia est assise sur le comptoir dos à moi, en train de lire des messages sur son téléphone. Ses longs cheveux bruns sont attachés grâce à un stylo sur le haut de sa tête et elle porte l'uniforme du bar, un simple t-shirt orange et un short vert. Même ça, ça lui va.
L’endroit est rempli de clients, tous déjà servis. Je m’approche donc discrètement pour surgir derrière elle en posant mes mains sur ses épaules d’un geste brusque qui la fait sursauter. Moi ça m’amuse. Je me moque :
— Ça t’apprendra à discuter avec des gens pendant ton service.
— Dit celle qui n’y connaît rien au monde du travail.
— C’est clair que tu travailles dur excuse-moi de me moquer de…ta capacité incroyable à envoyer cinq messages en deux secondes.
Je m’assois à côté d’elle, continuant de me moquer pendant encore quelques secondes, puis reprends mon air sérieux.
— Je devrais peut-être me trouver un boulot moi aussi, ça me permettrait de sortir de chez moi de temps en temps.
Elle me regarde d’abord amusée, puis confuse, puis elle comprend toute seule.
— Encore un problème avec tes frères ?
— Zachary n’est pas mon frère. Sébastian oui à mon grand regret.
— Qu’est-ce qu’ils ont fait ?
— Zachary continue d’être insupportable et… mon cher frère m’interdit carrément de sortir avec Eliott.
— Pardon ? Mais c’est complètement…
— Stupide ? Idiot ?
— Insensé.
Je soupire avant de sortir mon téléphone à mon tour. Mon écran d’accueil est évidemment une photo de Sofia et moi, mais mon fond d’écran qui s’affiche une fois déverrouillé me montre une photo de mon frère et moi avant toute cette histoire de mariage, de déménagement et de nouvelle famille.
— J’aimerais juste que les choses redeviennent comme avant entre nous.
— Alors parle-lui.
Lui parler ? C’est inutile, il ne m’écoute plus depuis longtemps. Et j’ai déjà fait trop d’efforts pour lui, c’est à lui de se bouger maintenant parce que j’en ai plus qu’assez de ses caprices. À commencer par celui qu’il m’a fait tout à l’heure.
— En tout cas je ne le laisserai pas me dire ce que je dois faire. Je vais sortir avec Eliott qu’il le veuille ou non.
— Ça, c’est ma meilleure amie. Et vous allez faire quoi ?
Et justement mon téléphone vibre au même moment, c’est un message d’un numéro inconnu qui est en réalité celui d’Eliott. Sofia lit par-dessus mon épaule.
— Il te propose d’aller boire un café ? C’est tellement ringard.
— Sofia !
— Quoi ? C’est vrai. Non vous n’allez pas aller boire un café, invite-le à ma soirée.
— Parce qu’une soirée de lycéens c’est mieux qu’un café peut-être ?
— Il a un an de plus que nous, il ne va pas mourir en traînant avec des gens plus jeunes. Je te dis que c’est une bonne idée pour vous rapprocher dès le premier rendez-vous.
Je la regarde sans réelle conviction. Une soirée ? Est-ce que c’est vraiment une bonne idée ? Après tout il y aura du bruit, des gens qui auront beaucoup trop bu et sûrement des amis à lui. Niveau rapprochement je ne vois pas pire comme conditions.
— Fais-moi confiance Amyra est-ce qu’une seule fois je t’ai déçue avec un conseil ?
— Eh bien…
— Ferme-la et écrit.
Elle a raison, ses conseils sont toujours très bénéfiques pour moi au final. Je capitule et réponds à Eliott en lui proposant à la place du café de m’accompagner à la soirée. Je n’ai absolument aucune idée de la façon dont ça risque de se terminer mais je ne peux le savoir qu’en essayant.
— Et pour ce qui est de Zachary, reprend mon amie. Essaie d’arranger un truc entre lui et moi, je suis sûre qu’il sera trop occupé pour t’embêter ensuite.
Je ris en mettant mon bras autour d’elle.
— Je crois que pour ton bien je vais éviter ce conseil.
— J’aurais essayé, plaisante-t-elle en riant à son tour.
Mais la sonnette posée derrière nous sur le comptoir nous interrompt. Des clients.
— Bon fini l’amusement Salem, je dois bosser moi.
Elle se tourne et prend la commande tandis que j'observe mon téléphone sans détourner le regard un seul instant. J'attends impatiemment la réponse d’Eliott, qui arrive après quelques secondes seulement. Il accepte avec plaisir de venir avec moi à la soirée. Ça y est, je panique ! Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas eu de rendez-vous que je me demande si je sais encore comment m’y prendre.

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