Chapitre VII

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Bientôt Noël. Déjà. J’ai l’impression que celui de l’année dernière était hier, et pourtant revoilà la foule de gens qui se précipitent dans tous les sens pour faire leurs achats. Les rues sont décorées le jour et illuminées la nuit. Le rouge et le vert sont à l’honneur, j’aime bien cette période de l’année, c’est le seul moment où tout le monde est de bonne humeur et oublie les tensions. Ça ne fait pas longtemps que je suis venue au centre commercial, pourtant le décor est totalement différent. Pour ceux qui le visitent tous les jours ce changement doit paraître normal maintenant, mais moi je ne peux pas m’empêcher de m’émerveiller. Je me demande comment ils font pour installer ces boules de Noël gigantesques au plafond, je me demande si elles sont lourdes d’ailleurs. Et puis il y a toutes ces guirlandes qui ressemblent à des boas de stars d’Hollywood, enroulés autour des piliers et des rambardes, dans les vitrines des magasins, toujours accompagnés de petites ampoules dissimulées, qui une fois la nuit tombée s’éclairent pour offrir un spectacle incroyable. Les stands de Père Noël ne désemplissent pas et chaque enfant se bouscule pour avoir sa place sur les genoux d’un des imposteurs vêtus de rouge et blanc. « All I Want For Christmas Is You » résonne dans l’immeuble tout entier, cette chanson a toujours le don de me mettre de bonne humeur, elle arrive à me plonger dans l’esprit des fêtes et à me faire danser. Et puis il y a ce sapin géant d’au moins vingt mètres de haut, décoré de la tête aux pieds. La tradition de ce centre commercial veut que chaque client vienne y accrocher une boule sur laquelle il a écrit son nom et un vœu.
— Allez Amyra c’est amusant, me supplie ma meilleure amie en me tirant vers le sapin.
Je n’arrive pas à croire que chaque année elle arrive à me traîner ici.
— Tu trouves ça amusant toi ? De faire un vœu chaque année pour qu’au final il ne se réalise pas ?
— Oui parce que si je continue peut-être qu’un jour ça fonctionnera et ce jour-là, je serai heureuse de ne pas avoir laissé tomber.
Elle est d’une logique si imparable que je me demande si c’est encore utile de la contredire parfois. Je la suis jusqu’au stand de grosses boules de Noël, j’en prends une rouge et avec un marqueur vert je note « Amyra : Partir d’ici ». Oui je manque d’originalité.
Mais puisque je fais ce même vœu depuis mon arrivée ici et qu’il n’a jamais fonctionné, je me dis que je n’ai rien à perdre, ça ne changera rien à ma vie. Puis Sofia et moi, choisissons deux côtés différents du sapin pour y accrocher nos boules sans que l’une ne puisse voir le vœu de l’autre. Même si je doute qu’il y ait d’autres Amyra et Sofia dans cette ville. Mais bon, si mon amie veut participer à cette tradition je me dois de la suivre. Je me demande quand même comment ils ont fait pour installer tout ça en si peu de temps. En seulement deux jours ils ont réussi à passer de rien du tout à tout ça. Je pense qu’ils ont travaillé toute la nuit non-stop. Ce devait être épuisant. Devant le grand sapin imposant, je me demande si cette année il y en aura un à la maison. L’année dernière on a frôlé la catastrophe, Dorian et ma mère étaient trop occupés pour aller en chercher un ou pour nous emmener. Ça s’est fait à la dernière minute parce qu’ils ont pensé à la déception de Charlie. Je pense que ça va recommencer comme ça cette année. D’ailleurs ils ont l’air bizarre depuis l’anniversaire de la petite. Et je crois bien avoir entendu ma mère parler d’une nouvelle découverte, ce qui veut dire un nouveau déplacement, ce qui veut dire pas de parents à la maison ni de Charlie pendant plusieurs jours.
Ils l’emmènent toujours avec eux par peur qu’elle s’ennuie ici et les réclame. Ils m’ont déjà proposé de venir avec eux mais tous ces trucs de découvertes et tout le reste ce n’est absolument pas mon truc.
Même si, bien sûr, je dois supporter Zachary et Sébastian en même temps. D’ailleurs en parlant de mon frère, depuis notre discussion je ne l’ai plus revu. Il reste enfermé dans sa chambre, plus que d’habitude ou alors il sort avec ses amis sans prévenir personne. Je ne saurais dire s’il m’en veut. J’ai peut-être dit quelque chose de mal ?
— Amyra ?
Je réalise que Sofia tente d’attirer mon attention depuis un moment et que j’étais perdue dans mes pensées. Je cligne des yeux, secoue la tête et lui souris.
— Désolée tu disais quoi ?
— On doit y aller vite si on veut avoir une chance de trouver les bonnes affaires.
— On ?
Ce simple mot lui rappelle que contrairement à elle moi je suis prévoyante, et que j’ai déjà acheté mes cadeaux pour tout le monde.
Elle lève les yeux au ciel en attrapant mon bras pour me traîner vers les magasins.
— Oui on. Tu es ma meilleure amie, tu es là pour m’encourager.
L’encourager. À l’entendre on croirait qu’elle est sur le point de traverser une horde de chiens sauvages. Ce qui n’est pas totalement faux mais je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’elle exagère.
Et que si elle avait comme moi, fait ses achats à l’avance, je serais sûrement allongée dans mon lit en train de dormir. Je me souviendrai de ça pour l’année prochaine. Mais pour l’instant je suis bien obligée de la suivre sans me plaindre. Quoique je peux me plaindre de quelque chose que je lui reproche depuis mon réveil de notre petite soirée en boîte de nuit.
— Alors quand tu as mis en place ce plan stupide l’autre nuit pour que Zachary me voie en sous-vêtements et totalement hors de contrôle, tu jouais ton rôle de meilleure amie encourageante ?
Je la vois se gifler intérieurement encore une fois. Je lui fais ce reproche sans cesse et c’est bien justifié. Elle avait tout prévu depuis le début. C’est pourquoi elle m’avait fait enfiler ces vêtements, m’avait emmenée en boîte de nuit, fait boire comme une vraie alcoolique et ramenée chez moi où était, bien sûr, Zachary.
— Amyra je me suis déjà excusée des centaines de fois.
— Oui et tu es sur la bonne voie. Encore un bon milliard d’excuses et tu seras entièrement pardonnée chérie.
Après tout je me suis tapé la honte devant celui que je supporte le moins au monde à cause d’elle. D’ailleurs depuis ce moment très gênant j’évite mon cher demi-frère. Il s’est quand même rincé l’œil et maintenant que le temps a fait son travail, certains souvenirs me sont revenus. Des souvenirs assez humiliants. Mais mon amie continue de se justifier comme si elle pouvait avoir raison.
— Je voulais te prouver qu’il n’est pas si méchant que ça et qu’il peut se comporter comme un véritable gentleman.
— Et qu’est-ce qui se serait passé à ton avis si tu avais eu tort ?
— Je n’ai jamais tort à ce sujet.
— Quel sujet ?
— Les mecs.
Elle me fait un clin d’œil avant d’entrer dans une parfumerie. Elle commence par le cadeau de son père, un flacon de parfum hyper cher qui doit sûrement être son cadeau pour toutes les occasions de l’année. Puis pour sa mère qu’elle trouve dans une bijouterie. Un collier porte-photo de forme ovale sur lequel est gravée une rose.
Sofia y glissera sûrement une photo d’elle. Elle s’attaque ensuite aux cadeaux pour ses grands-parents et tout le reste de sa famille proche.
Elle se vante toujours d’être fille unique, elle dit que comme ça il y a moins de cadeaux à acheter. Mais avec toute la famille qu’elle a, elle dépense plus d’argent que moi pour Charlie et Sébastian. Je n’offre rien à Zachary. Je ne lui ai jamais rien offert et il me le rend bien. De toute façon je ne vois pas ce qu’il irait faire avec un cadeau de ma part, sauf allumer un feu et le jeter dedans. Et ça serait de l’argent jeté par les fenêtres. Mais voilà, quand on arrive dans un magasin de cadeaux en tous genres pour Mac, dans lequel Sofia se précipite très vite sans m’attendre, je tombe sur une flasque qui a l’air très ancienne et que je crois avoir déjà vue quelque part. Sur une photo peut-être… une photo de Zachary quand il était petit, il posait avec son grand-père. Le vieillard tenait exactement le même récipient simple de couleur argentée. Je sais que Zachary était très attaché à son grand-père, c’est Dorian qui me l’a dit un jour où il me montrait le vieil album photo des Collins. Est-ce que je devrais faire un geste gentil envers Zachary en lui achetant cette flasque ? Comme pour le remercier enfin de m’avoir aidée à me coucher ? Je devrais oui.
— Amyra je te cherche depuis tout à l’heure, me réprimande mon amie qui arrive les bras chargés de sacs. Qu’est-ce que tu regardes ?
Elle jette un coup d’œil à l’objet de mon attention avant de lever un sourcil curieuse et étonnée.
— Tu envisages de devenir encore plus alcoolique que tu ne l’es déjà ?
— Très drôle. Non je me suis dit que je pourrais peut-être l’offrir à Zachary.
Je me tourne vers elle hésitante et vois sur son visage un sourire qui veut tout dire.
— Qu’est-ce qui te fait sourire ?
Elle s’éclaircit la voix pour se redonner un air sérieux.
— Mais rien du tout. Tu la prends cette flasque alors ou on va passer trois ans dans cette boutique ?
Je regarde l’objet encore quelques secondes avant de l’attraper pour le regarder de plus près. Mais je le repose presque aussitôt en souriant gênée.
— Non laisse tomber. C’était une mauvaise idée.
— Amyra.
Elle prend la flasque en souriant, puis mes mains et la pose dedans.
Elle ne dit rien après ça mais son regard me suffit, je la connais trop bien pour avoir besoin de mots avec elle. Et bizarrement ses yeux qui me supplient de suivre mon instinct, parviennent à me faire changer d’avis. Même si une fois dans la file d’attente les montagnes russes se mettent en marche dans ma tête. Je l’achète ? Ou je ne l’achète pas ? Je devrais l’acheter pour le remercier. Mais il va croire si je lui offre quelque chose c’est parce que je le déteste moins ce qui est faux. Quoique c’est Noël et ça serait bien pour une fois dans l’année de ne pas avoir de tensions dans la famille. Pourtant je ne lui offre jamais rien et les autres vont trouver ça bizarre. Et malgré la longue file d’attente dans laquelle nous nous sommes retrouvées coincées, on arrive trop vite devant le caissier. Sofia paie son article, moi je reste immobile. Bloquée. Je ne bouge même pas lorsque le vendeur me demande de lui donner la flasque afin de scanner le code-barres.
Les autres clients derrière commencent à s’impatienter mais je ne parviens pas à me décider. Je la prends ou pas cette flasque bon sang?
C’est Sofia qui est obligée de prendre la décision à ma place. Elle attrape la flasque, mon porte-monnaie dans ma main et sort ma carte de crédit dont elle connaît évidemment le code. Le vendeur a l’air soulagé de voir l’une de nous réagir.
— C’est un cadeau?
— Oui, répond mon amie à ma place et, avec un énorme sourire aux lèvres: Je pourrais avoir une jolie petite boîte pour la mettre dedans ?
— Bien sûr.
Évidemment je dois aussi payer la boîte en question qui n’est pas gratuite puisque Sofia a choisi la plus belle. Elle est parfaite pour la flasque qui n’est pas gigantesque. C’est une simple flasque quoi!
Nous quittons enfin la boutique pour le plus grand bonheur des clients qui commençaient à avoir du mal à me supporter. Je les comprends, je n’ai pas été hyper sociable sur ce coup. Après ce fiasco, je suis heureuse de rentrer chez moi tout de suite. Devant la maison, Sofia et moi continuons de bavarder encore un instant comme deux vraies pipelettes.
Dès mon entrée dans la maison, j’entends les cris de joie de Charlie dans le salon. Je découvre un sapin au milieu de la pièce.
Un sapin très grand qui touche presque le plafond, et tout vert sans branches manquantes ou séchées. Il est magnifique. Ma mère se tient devant lui, un grand verre de thé glacé à la main, juste à côté de Dorian, qui lui admire l’arbre tout fier de lui. Charlie, excitée, sautille entre les deux adultes en criant des « Merci! » et des « Il est trop beau ! », sans oublier les « Quand est-ce qu’on le décore ? ». Elle est trop mignonne. Quand je pense que j’ai fini saoule le soir de son anniversaire. Enfin bref, je profite qu’ils soient tous les trois dos à moi pour passer discrètement et monter les marches trois pas trois.
Pour le moment je veux juste ma chambre et me reposer. Arrivée devant la porte, je tombe sur mon frère qui sort de sa chambre et s’arrête dès qu’il me voit.
— Salut, commence-t-il. Tu étais au centre commercial ?
Il m’espionne ?
— Comment tu le sais ?
Il sourit et pointe du doigt le sachet qui contient le cadeau de Zachary et qui est décoré du prénom de la boutique. Je souris à mon tour en me rendant compte que l’explication était beaucoup plus simple que celle que j’avais imaginée. Et c’est au tour de Zachary de sortir de sa chambre. Mais à la différence de mon frère, ce dernier n’est pas habillé et coiffé comme une personne ordinaire. Non lui il est torse nu, ne porte qu’un boxer et a les cheveux en pagaille. Mais juste le fait de le voir en boxer suffit pour me donner atrocement chaud, je détourne donc le regard, rouge comme une tomate. Je l’entends bailler, puis:
— C’est quoi ce désordre en bas ? J’essaie de dormir moi.
— Il est 15 h petit génie.
J’évite de croiser son regard.
— J’allais voir justement ce qui se passe en bas, intervient Sébastian pour éviter une dispute.
— Charlie vient de découvrir le sapin que Dorian a amené.
— Il a quoi ? m’interrogent les deux garçons en même temps aussi surpris l’un que l’autre.
C’est vrai que l’esprit de Noël et Dorian ça fait un peu deux. Ça fait quatre Noël qu’on passe ensemble et à chaque fois il oublie. La première fois c’est ma mère qui voulait qu’il fasse bonne impression auprès de Sébastian et moi, qui a dû lui rappeler pendant toute une semaine, et qui s’était chargée elle-même de la décoration. L’année suivante, il s’est précipité à la dernière minute pour aller acheter un sapin, et quand je dis la dernière minute je veux dire le jour même.
L’année dernière on a passé le réveillon à tout décorer. C’est pourquoi cette année cette anticipation est un exploit incroyable aux yeux de tous. Après tout on n’est que le 21 décembre. La réaction de ces deux-là ne m’étonne carrément pas. Je hausse les épaules pour leur montrer que je n’en sais pas plus qu’eux sur ce soudain changement.
— Je dois aller voir ça, s’exclame Sébastian en riant.
Je lui souris et le regarde s’éloigner jusqu’à ce qu’il soit hors de vue et que je me retrouve seule dans ce couloir silencieux avec un
Zachary à moitié nu et terriblement beau au réveil. D’ailleurs quand mon regard croise enfin le sien je m’aperçois qu’il a l’air fier de lui pour je ne sais quelle raison puisqu’il a un sourire ravageur et très agaçant sur les lèvres.
— Qu’est-ce qui te fait sourire ?
Il s’appuie contre le mur en croisant les bras.
— Toi. Je vois que je ne te laisse pas aussi indifférente que tu voudrais le faire croire vu la façon dont tu rougis et dont tu détournes le regard comme si le plafond était devenu soudain très intéressant.
J’ai l’impression à cet instant que l’on peut voir mon visage devenir rouge et de la fumée sortir de mes oreilles pendant que ma mâchoire et mes poings se serrent. Mais je vais essayer de ne pas montrer tous ces signes de colère. Et alors que je m’apprêtais à lui balancer des remarques cinglantes en pleine figure je me rends compte que ça ne servirait qu’à me bouffer toute mon énergie et que ça lui ferait trop plaisir. Alors je me calme et je croise les bras pour l’imiter en faisant un pas décidé vers lui, un sourire identique au sien collé sur mes lèvres. Me voilà devenue une deuxième Zachary Collins et je dois avouer que maintenant je comprends ce qui lui plaît autant dans cette attitude. Ça donne plus d’assurance et une sensation incroyable de supériorité. Et je me mets même à parler comme lui.
— Alors premièrement je ne rougis et je ne détourne pas le regard, et deuxièmement Zachary Collins quand est-ce que j’ai dit que tu me laissais indifférente ?
Il tente d’abord de cacher son étonnement puis il sourit encore et fait comme moi, un pas en avant.
— Alors pourquoi tu m’évites tout le temps Amyra Salem? Tu as peur de me sauter dessus ?
— J’ai plutôt peur que toi tu le fasses.
— Je t’ai vu en sous-vêtements je te signale et je n’ai rien fait.
— Ça ne veut pas dire que tu n’en avais pas envie.
Et avant de nous en apercevoir, nous nous retrouvons à seulement quelques centimètres l’un de l’autre. À force de vouloir provoquer l’autre, nous nous sommes rapprochés sans nous en apercevoir, jusqu’à presque nous toucher. Mais nous nous regardons toujours dans les yeux, immobiles. C’est seulement la voix de ma mère au rez-de-chaussée qui nous tire de notre état presque d’hypnose.
— Les enfants vous pouvez descendre s’il vous plaît on va décorer le sapin !
Aucun de nous ne répond pendant quelques secondes puis je ris légèrement et me décide à le faire.
— On arrive !
Et à Zachary toujours en souriant.
— Tu devrais aller te changer. Après tout il faudrait éviter que les autres membres de cette famille sentent… comment tu disais déjà ?
Ah oui. Cette tension sexuelle dans l’air.
Et je fais demi-tour sur cette phrase. Je suis bizarrement fière de moi d’avoir enfin agi autrement que comme une peureuse ridicule dont on peut se moquer autant qu’on le veut. Je suis bien plus intelligente que ça. Je dépose sur mon bureau, le cadeau de monsieur je-suis-plus-malin-que-les-autres-et-je-me-promène-en-sous-vêtements-en-plein-après-midi-parce-que-je-passe-la-nuit-dehors-avec-mes-potes-que-je-ne-ramène-jamais-à-la-maison. C’est vrai ça d’ailleurs. Il ne nous a jamais présenté ses amis. Et si Dorian les connaît alors leur rencontre date sûrement d’avant notre arrivée ici. Bon Sébastian, lui, traîne avec tous les mecs de la ville, il a dû les rencontrer. Et moi je les ai aperçus, au lycée, dans des soirées. Ils ont pourtant l’air sympa.
Il y en a un qui avait demandé mon numéro à Sofia une fois je m’en souviens. Un rouquin assez baraqué avec un style de rockeur qui fait que ses lunettes de soleil ne quittent jamais ses yeux. Je crois bien que lui-même ne peut pas connaître la couleur de ses yeux si on lui demande. Honnêtement je préfère le grand brun avec tous les tatouages et la guitare qui est toujours accrochée à lui. Je crois qu’il s’appelle Mathéo. C’est le genre de garçon qui a les dents tellement blanches qu’il y a cette petite étincelle dessus quand il sourit comme dans les films. Sofia aussi le trouve à son goût, mais depuis qu’elle est en couple, elle essaie de se calmer sur le fait de se rincer l’œil, ou du moins, elle est plus discrète. Alors maintenant je le fais toute seule la plupart du temps. Et puis avec ces deux-là il y a aussi le dragueur de service. Celui-là ressemble au parfait chanteur de boys band des années 80. Avec ses longs cheveux châtains, son regard noisette mystérieux et ses vêtements vintages. Je n’ai jamais vu de garçon porter autant de vestes en jean. Je crois que son armoire doit être remplie de ça. Ils ont tous les trois l’air sympa, je ne comprends pas ce qui fait honte à Zachary. J’entends ma mère m’appeler à nouveau en bas alors je descends, suivie quelques minutes après de monsieur grasse après-midi.
Chacun commence à installer les boules et les guirlandes en tout genre sur le sapin. Même Sébastian s’y met c’est incroyable. Je crois que c’est dans ce genre de moments qu’on ressemble à une famille normale. Mais que serait une famille normale sans son lot de disputes ? Et surtout que serait notre famille sans les disputes Amyra/Zachary? Parce que monsieur continue de me taper sur les nerfs en s’amusant à voler tous les endroits que je choisis pour accrocher mes décorations. Et il trouve ça drôle, alors oui je me mets à crier. Encore.
— Non mais tu es si stupide qu’il te faut quelqu’un pour t’aider à choisir tes endroits ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles, répond-il sur un ton beaucoup trop innocent pour être réel.
— Je te préviens si tu continues je prends une guirlande et je t’étrangle avec.
— Zachary arrête d’embêter Amyra, le réprimande son père.
Le concerné se tourne aussitôt vers son père surpris et déçu.
— Papa elle vient de menacer de m’étrangler. Devant une enfant de six ans en plus.
Dorian me regarde un instant en souriant, puis il adresse à son fils un regard désespéré et sage à la fois. Ironique.
— Fiston qu’est-ce que je t’ai déjà dit sur les femmes et la solidarité masculine ?
Je souris fièrement en échangeant avec ma mère un regard complice. Celle-ci s’approche ensuite de son mari pour déposer un baiser sur ses lèvres et le regarder avec des yeux pleins de tendresse et d’amour. Je ne l’ai jamais vu regarder mon père de cette façon, je suppose que l’époque où elle le faisait est beaucoup trop lointaine.
Si elle l’a déjà fait. Je vois ensuite Charlie qui tente avec difficultés d’accrocher une boule beaucoup trop haut. J’allais l’aider mais Zachary me devance en l’attrapant pour la soulever sur ses épaules.
Elle se met bien sûr à rire et ils commencent à travailler en équipe, le frère choisit une jolie décoration et la donne à la sœur qui l’accroche.
Lui aussi il est heureux. Cet air arrogant que je vois toujours sur son visage a disparu, comme toujours quand il est avec Charlie. Elle fait ressortir son meilleur côté. Je l’aime bien comme ça. Et c’est sûrement pour ça que je me mets à sourire sans m’en apercevoir.
Parce que je ne m’en rends compte que quand la sonnerie de la porte d’entrée retentit. Je reprends mes esprits en arrêtant évidemment de regarder Zachary comme une idiote et je lâche la guirlande qui était dans ma main.
— J’y vais.
Je crois que je préfère être n’importe où sauf près de Zachary à ce moment précis, et aller ouvrir la porte me semble être une bonne échappatoire. Je regarde le décor de la famille parfaite une dernière fois avant d’ouvrir la porte et de me retrouver face à la seule personne sur cette Terre qui pourrait me faire supporter la présence de mon demi-frère. La seule personne que je ne m’attendais pas à voir ici et maintenant.
— Papa ?

Un Jeu d'Adultes (En Contrat Avec Les Éditions Baudelaire) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant