Coline regarde Selim, toute silencieuse quand il s'assoit sur la pelouse du square. Elle s'assied à côté de lui, gênée et embrouillée. Elle touche la queue de cheval mal faite qu'Isidore lui a faite ce matin et soupire en espérant que ce silence écrasant disparaisse.
— Désolé, débute le brun.
Et il a l'air profondément désolé, avec ses yeux fatigués et son sourire embêté de lui faire du mal. Désolé de l'avoir ignorée. Désolé d'avoir fait les choses de la mauvaise façon, peut-être.
— Je savais qu'il allait peut-être y avoir un truc entre nous deux... Et... J'étais pas sûr de vouloir ça. Puis on s'est embrassé. Et je t'ai embrassé aussi. Et fin, sur le moment c'était top et tout... Mais c'est juste que j'y ai réfléchi, et je suis pas dans une période de ma vie où je pense pouvoir m'investir avec quelqu'un.
Elle l'écoute, muette.
— Tu me plais beaucoup. T'es chaleureuse, adorable et géniale. Fin, je passe que des bons moments avec toi. Mais j'ai pas envie de jouer avec tes sentiments ou te faire du mal d'une façon ou d'une autre dans ma mauvaise passe.
Et puis Coline croise le regard triste de Selim et s'inquiète pour de vrai cette fois.
— Est-ce que tu vas bien ? Est-ce que y a quelque chose qui te dépasse en ce moment ? Parce que t'as parlé de « mauvaise passe »... interroge-t-elle en encaissant le reste.
Le brun baisse les yeux.
— C'est compliqué, mais mon père a des problèmes très graves, genre mortel, liés au fait qu'il a fumé toute sa vie. Et, c'est compliqué de gérer les cours, la famille et les relations avec l'hosto. Ma mère est tout le temps avec lui. Les plus grands de la famille sont partis et moi je m'occupe de ma petite sœur. J'ai plus de temps pour moi. Et, me rapprocher de toi, c'était pas compliqué avant qu'on s'embrasse dans ma tête. Parce que, j'sais pas, tu me donnais l'impression d'être moins seul dans mes soucis.
Elle le contemple, soupire et lui sourit.
Il est beau, se dit-elle.
À cet instant précis, elle aimerait lui dire qu'elle est d'abord tombée amoureuse de son sourire. Que progressivement, un sentiment nouveau s'était implanté dans son cœur grâce à lui, que son premier baiser valait le coup et qu'elle ne regretterait jamais rien de ce qu'elle a pu ressentir avec lui. Elle a fait les premiers pas. Elle a été pour une fois moteur de sa vie.
Mais elle l'a juste regardé, gênée, et a cueilli une petite fleur pour en arracher les pétales. La souffrance lui brûle la poitrine. Elle a mal.
— J'ai jamais eu l'intention de jouer avec tes sentiments. Je t'ai complimentée parce que tu me plaisais à la soirée. Mais je me suis juste rendu compte dernièrement que j'étais pas prêt. Et que je voulais pas te donner des espoirs.
Il ne l'aime pas assez pour se lancer. Et elle essaye de comprendre, même si c'est déjà compris au fond. C'est juste que le déni semble tellement facile et rassurant. Mais elle doit être lucide et mature. Elle doit dépasser ses émotions premières pour prendre du recul.
— On peut rester amis, assure-t-elle même si la phrase lui fait mal.
Et un sourire apparaît sur son visage. Un sourire merveilleux que Coline grave dans son cœur. Le plus beau de ses sourires.
Il acquiesce.
La blonde ne veut pas être en froid avec Selim. Alors elle fait cet effort, ce pas vers lui. Pour qu'il n'ait pas d'autres problèmes. Elle ne veut pas qu'il se sente seul. Elle veut juste noyer sa peine et lui enlever le poids qu'il a sur ses épaules à cause de ce vendredi soir passé avec elle.
*
Dans son lit, Coline croit voir le néant. Le vide qui emplit son cœur est omniprésent. Rien. Elle souffre pour un « rien ». Parce qu'elle et Selim n'ont jamais rien été de vrai, de concret, de tout ce qu'elle a pu espérer. Rien.
— C'est rien, se dit-elle.
Elle s'est fait des films. Des sagas de long-métrage interminables où elle aborderait le brun d'une manière ou d'une autre, inspirés de romances et de fictions. La vie réelle est tellement moins belle, là tout de suite, pour elle.
Tout ça pour rien.
Une déception amoureuse, ça broie des attentes infinies. Coline s'attendait à tant de choses de l'amour. Et là, seule dans son lit, avec son oreiller pour seul appui, elle se sent tellement... fatiguée. Triste et brisée.
Elle n'a pas envie d'être théâtrale, de faire lever les yeux au ciel Angèle ou d'emmerder sa mère.
C'était juste Selim, pense-t-elle.
Juste Selim ? Ouais, un gars qu'elle a aimé pendant presque trois ans. Trois longues années où elle n'a jamais cessé d'espérer. Et c'est quand l'espoir est le plus intense et brûlant qu'il déchire et fait fondre ses derniers battements.
Coline sort son portable, tape un message et l'envoie au blond. Peut-être qu'il pourra l'aider au fond.
Juste après, elle le relit, encore et encore pour se sortir du déni. Ça devrait n'être rien normalement. Ce ne sera rien, dans quelque temps. Mais, là tout de suite, c'est un tout entier qui englobe chaque pensée et chaque parcelle de sa peau.
La blonde ne sait pas si elle regrette au fond.
Elle relit le message à voix haute, pour essayer de sortir de son néant :
« J'ai le cœur fracassé, Isi', comment je fais maintenant ? »
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Oups
Teen FictionColine est tombée dans un escalier. Enfin, pas tout à fait... C'est plutôt Isidore qui l'y a malencontreusement propulsée. Résultat : une cheville foulée, des béquilles, six semaines d'attelle et l'impossibilité d'aller à la fête des 18 ans de Selim...