La pluie s'estompe puis s'arrête. Laissant découvrir un maigre rayon de soleil qui essaye tant bien que mal de redonner de l'allure à ce paysage maussade, saccagé par un orage propre à la saison des pluies ici à Yaoundé.
Il a plu toute la journée. C'est bon signe. La saison sèche est bientôt finie et cette pluie abondante en est le signe. Ça fait du bien quand-même. On a bien l'impression d'être enfin "lavés" par cet amat d'eau étant donné les montagnes de poussière qui se formaient ça et là dans tous les coins et recoins de la ville. Des feuilles d'arbres aux voitures, en passant par les toitures et les murs des habitations, tout y passait et la nébuleuse ne laissait rien indifférent.On en avait déjà presque oublié la couleur des feuilles d'arbres vu la quantité de poussière qui les avait vaillamment colorié de sa couleur jaune rougeâtre. C'est le prix à subir lorsqu'on vit tout juste en dessous de l'équateur, sous les tropiques. On s'habitue aux extrêmes.
J'étais assise toute la journée à mon bureau dans ma chambre, face à la fenêtre. Depuis le commencement jusqu'à la fin de la pluie, je regardais. Je ne puis dire ce que j'observais vraiment mais je regardais. Et je pensais aussi. À quoi? À tout ce qui est en train de m'arriver. Tout ce que je suis en train de subir.
Je me demande pourquoi cela. Mais je ne m'en plains pas vraiment. Au contraire je trouve ma vie digne d'un roman d'adolescents sur Wattpad. D'abord ma situation familiale, ensuite l'accident et maintenant je me retrouve en train de me remplir la tête de questions au sujet de ce garçon.
Je suis croyante, chrétienne, catholique. Et j'ai tendance à croire comme on me l'a enseigné, que tout ce qui arrive est l'oeuvre de Dieu. Et donc, tout ce que Dieu fait est bon. Alors je me persuade à moi même que c'est bon signe. Mais intérieurement, dans les abysses les plus profondes de mon âme, je me demande "à quoi bon?"À quoi bon souffrir autant? Jusqu'à quand se taire ? À qui parler? À Dieu? Oui mais il ne me répondrait pas comme je le veux. Il ne va tout de même pas s'assoir devant moi, les pieds croisés et me demander "bon explique moi, qu'est ce qui se passe?" Et dans tous les cas, vu qu'il est à la base de ma vie, il sait déjà ce que je vis, ce que vivrais demain etc...
Aux hommes? À Amy?
Non.
Qui peut bien être ce garçon? Amy m'avait bien dit qui il était. L'auteur de mes multiples blessures, le propriétaire du scooter.
Néanmoins je ne savais pas quoi penser. J'avais envie de me poser des questions sur lui. Je ne savais pas lesquelles mais je voulais me demander ce qu'il fait, où il vit, comment il s'appelle...
Un bruit m'extirpe de mes rêveries. On cogne à la porte. Maman entre. Elle tient de ses deux bras un petit plateau sur lequel sont posés un plat fumant de riz à la sauce d'arachides orné un morceau de maquereau frit et un grand verre de jus. Elle pose le plateau qui semble être le mien sur le bureau et me palpe le front avec le dos de sa main. Satisfaite, elle me regarde pendant ce qui me semble être 5 secondes et me demande:
- Tu fais quoi?
- Rien... Rien
- Tu n'a pas mangé depuis ce matin.
Elle lorgne mon bras malade.
- Et tu n'es pas sortie. J'espère que tu n'as pas passé la journée à étudier encore...
- Non 'man.
- Bon, manges. Si tu as besoin de quelque chose, tu me fais un texto
- D'accord, merci
Elle retournait vaquer à ses occupations me laissant seule dans ma chambre avec ce plat dont l'odeur envoutante avait déjà embaumé toute la pièce.
Ma mère n'est pas quelqu'un d'assez bavard. Elle n'a pas l'habitude de faire des câlins à ses enfants ni de les calfeutrer de "je t'aime" à longueur de journée comme c'est le cas dans les séries occidentales. Malgré ce caractère, elle est quelqu'un d'assez autoritaire, calme par moment (ce qui est visiblement paradoxal mais c'est de son acabit) et surtout surprotecteur.
J'aimais souvent à la regarder marcher. Il fallait avouer que je tenais mon corps d'elle. Elle n'est ni trop grosse, ni trop maigre mais bien remplie au niveau du postérieur. Claire de carnation, elle avait toujours les cheveux courts à cause de ses problèmes de santé.
Malgré cela,du haut de ses 42 ans, elle savait encore bien se mettre et quelque fois on me prenait pour sa petite sœur, ce qui la ravissait au plus haut point.Je n'avais jamais été proche de ma mère au point de lui dire mes secrets, je me méfie toujours d'elle (même jusqu'à présent, malgré mon âge) et de ce qu'elle pouvait me reprocher. Mais néanmoins, je sait que quoi qu'il arrive, il n'y a qu'elle qui aurait le courage de m'assister, de s'assurer que je vais bien, de s'inquiéter vraiment pour moi, et pour tous ses enfants d'ailleurs.
Elle est mon socle et c'est elle qui me pousse à faire ce que je fais aujourd'hui.Je me lève légèrement pour ouvrir la fenêtre en faisant tourner l'espagnolette lorsque la porte de ma chambre s'ouvre encore, laissant entrer Amy. Je me tourne vers elle, contente de la voir
- Hum... C'est toi?
- Oui, c'est comment? Tu vas mieux?
- Ah, au moins je suis vivante
- C'est ça. Fit elle d'un ton sarcastique. Tu mangeais apparemment... Aïe, regarde le gros plat que tu t'appretes à avaler! Après tu vas dire que tu es malade!
- Haha! Je n'ai jamais dit que j'étais malade! D'ailleurs avec la tête que vous faisiez mama et toi hier à l'hôpital j'aurais moi même juré que j'étais déjà morte!
Elle sourit me donna une tape à la fesse.
- Tu aimes trop ça... Bon moi je n'ai pas faim hein, si tu veux tu peux manger ça. Dis-je en récupérant le verre de jus que je portais lentement à ma bouche. Trop lentement selon Amy qui me regardait ingurgiter cette boisson attentivement.
- Il faut manger Jo, regardes comment tu es pâle et faible. Tu n'arrive même pas à soulever un petit verre de jus. Hein?
- Ouais. C'est tout ce que je trouvais à dire.
Elle avait raison. Je n'avais pas envie de manger mais mon ventre et tout mon corps réclamaient ce bon met. Mais ce n' était pas de ça que je voulais.
- Le gars qui était dans ma chambre d'hôpital hier...
- Ah oui! Il avait l'air un peu pressé hier. Il m'a dit qu'il devait absolument se rendre quelque part et qu'il repasserait te voir aujourd'hui. Oh il a dû venir mais ne t'a pas vu... Dommage
- Ou pas. Disais je avec une voix tellement basse qu'elle ne m'entendais pas.
- Vraiment dommage.
- Ouais.
- Sinon il avait l'air pas mal hein
- Ne commence pas s'il te plaît. Je te vois déjà venir
- J'ai rien dit oooh... Bon moi je vais me charger de ce petit plat qui ne demande qu'à être traité comme il se doit!
- Ça ne m'étonne pas, régale toi! Disais je en me levant péniblement de mon siège.
J'avais encore une légère douleur au niveau de la jambe raison pour laquelle je marchais en claudiquant jusqu'à mon lit. J'étais exténuée, prostrée par cette longue journée ou tout ce que j'avais fait était de me mettre à la fenêtre et réfléchir.
En me couchant, je tournai la tête vers ma petite gloutonne d'amie. Elle manipule son téléphone en se goinffrant et, comme si mon regard lui avait donné une tape dans le dos, elle se retourna vivement, esquissa un petit sourire et me parlai à voix basse- Tu veux dormir?
Je me contentai de hocher positivement la ciboule, et elle compris aussitôt.
J'avais toujours mon regard posé sur elle, mais mon esprit divaguait dans je ne sais quelle rue, cherchant quelque chose dont il savait l'existence mais pas la nature.
Alors je fermais progressivement les yeux, me laissant emporter par la doucereuse voix de Morphée._________________________________________
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Comme Si Ma Vie En Dépendait
Teen FictionLe bonheur ne dure jamais assez longtemps et ce n'est que lorsque sa date d'expiration pointe le bout de son nez que l'on se rend compte de con qu'on a pu rater. Besoin de remonter le temps ou besoin d'accélérer la vie pour échapper à n ou n situati...