La vie des autres [Elève - Professeur]

|1|

Pompier ? Avec un corps sculpté ainsi, ce serait probable.
À moins qu'il soit vétérinaire ? Rien qu'à voir la manière dont il s'occupait de son chien.
Médecin, fleuriste, sage femme,...
Olala... Il y a tellement de métiers...
Pourquoi avec cet inconnu, je n'arrive pas à lui inventer une vie ?

Je l'imagine bien marié, avec un ou deux enfants en bas âge. Mais cela même si je trouve cela mignon, m'agasse un peu, et je ne sais pas pourquoi. Ou alors, je ne veux pas l'admettre. C'est surtout cela.

- Marion ?! On peut y aller, crie ma mère au bas de l'escalier.

Je met mon cahier dans mon sac et je la rejoint en bas. Elle m'embrasse sur le front.

- Merci ma chérie. Allez en route. Tu sais bien que je n'aime pas la journée de la rentrée. Enfin si, mais c'est la journée la plus stressante.

- Je sais maman. Voilà pourquoi nous sommes une heure et demi à l'avance, comme tous les ans.

- Olala... Je suis désolée. Je sais que ce n'est pas bon pour ton sommeil... Tu as pris ton petit déjeuné ? Tu t'es brossé les dents ? Tu...

- Maman, tout va bien se passer. Tu es la meilleure. Et puis si cela me dérangeait, je prendrais le bus.

- Ah non. J'insiste pour que tu viennes avec moi le matin en voiture. L'après-midi c'est différent. Bon, où sont mes clés ?

- Dans ta main, dis-je en rigolant.

- Ah oui ! Qu'est-ce que je ferais sans toi, dit-elle en m'enlacant.

Nous grimpons dans la voiture et nous dirigeons vers l'école. C'est le jour de la rentrée scolaire. Ce premier jour de l'année est le plus important pour ma mère. C'est la directrice de l'établissement depuis maintenant cinq années. Même après tout ce temps, on dirait que c'est la première fois qu'elle va faire son discours devant l'ensemble professoral et étudiants de l'école. Cela me fait toujours rire. Je lui glisse comme tous les ans un petit mot d'encouragement dans le cahier où elle range son speech fraîchement préparé.

***

Nous sommes arrivées. Pas un chat sur les routes, nous sommes les premières. Ma mère va dans l'auditorium afin de répéter son débit de parole une dernière fois.
Je décide de me réfugier dans la bibliothèque. Je m'assieds par terre, près de la dernière rangée de livres.
Je sors mon cahier, et mon stylo plume. Rien de mieux pour passer le temps.

***

8h30. Tous les élèves sont assis dans le grand auditorium. Le corps professoral est aux aguets. Je me suis assise à la dernière rangée, loin des élèves de ma classe. Je n'ai pas vraiment d'ami. Je suis trop cataloguée dans cet établissement. Déjà parce que ma mère en est la hiérarchie emblématique. Et que ceux qui se sont essayé à copiner avec moi avaient plus des intérêts pour elle que pour ma personne.
Mais au final, cela ne me dérange pas. Je préfère être seule.

***

Ma mère est sur le point de finir son discours. Pas que je ne l'écoute pas, mais mon esprit est ailleurs. Je fixe la page de mon cahier. Je lis les annotations inscrites au crayon à papier... Nom ? Marié ? Enfants - 2 ? Métier ?
Mystère. Tel est le cas de le dire. Pourquoi cet inconnu est ancré dans mes pensées... ?

- Cette année, un nouveau professeur rejoint notre équipe éducative... Je vous prie d'accueillir Monsieur Greffois, le nouveau professeur de mathématiques pour les élèves des années supérieures.

Je ne prête pas attention à la nouvelle. Un professeur de mathématiques. Berk. Je déteste cette matière. Cependant, j'entends des murmures grandissants lorsque le professeur monte sur l'estrade. Je ne peux m'empêcher de relever la tête.