Les chocolats chauds de Mme Davis

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Arrivé dans mon quartier, je gare ma voiture et m'affale sur mon lit. Je ne prends l'initiative d'aller me doucher seulement après quelques minutes de somnolence.
Je me glisse dans mon lit, me remémore toutes les choses dont on a parler pour notre enquête.
Près de mon lit, une tasse de thé froide de ce matin attend d'être bue. Pour lui faire plaisir, je la bois d'une traite et m'assoupis doucement.
———
Des bruits de pas mous.
Une discussion brève.
Le ciel se reflète.
———
Mmh.
Comme d'habitude, je me réveille de mauvaise humeur, même si j'ai le luxe de me lever plus tard que la plupart des gens.
Je prends le temps de bien me réveiller et de m'accommoder à la lumière ambiante.
Quelqu'un toque :
- Entrez Ann c'est ouvert.
Une ombre s'approche de moi et je peux sentir le parfum de lavande.
- Aujourd'hui on est mercredi, c'est petit-déjeuner au lit, toast, œufs et bacon.
- Ça a l'air appétissant, merci !

Ann, c'est une migrante qui est restée dans le Nord de la France en attendant de partir trouver du travail, ici, à Londres. Elle a eu beaucoup de mal à en trouver. Je l'ai connue suite à une affaire. Rien qu'en pensant à cette époque, ça me fait sourire.
Elle voulait s'intégrer, alors je lui ai financé des cours d'anglais, et offert une des deux chambres de mon appartement. Elle a apporté un peu de vie à ce lieu, et ça fait du bien de la compagnie. Pour me remercier, elle a insisté pour m'aider dans l'entretien de la maison. Et je vous avoue qu'elle régale mes papilles à chaque fois qu'elle cuisine, donc j'ai vite eu du mal à dire non.

Ann est vraiment le genre de personne dont l'humanité a besoin.

En pensant à ce monde rempli de fous pendant ma lecture du journal, j'engloutis le succulent petit-déjeuner.
Je m'habille tranquillement, remercie encore Ann et décide d'aller à pied au travail.

À cette période de l'année qui appréhende l'hiver, il fait déjà un peu froid, mais j'aime me balader de rue en rue quel que soit le temps.
Je croise des connaissances à qui je fais vivement la bise, demande des nouvelles mais pas trop non plus, je n'ai pas envie de perdre trop de temps.

Je file au café de Mme Davis, une vieille dame venue prendre sa retraite au pays du thé et des scones alors qu'elle vivait à Seattle. Tout ça pour se remettre au travail après.  C'est la femme la  plus gentille que je connaisse.

J'attends donc Angèle à notre place habituelle, près d'une fenêtre avec vue sur un parc.
Je décide de nous commander deux chocolats chauds, j'ai mangé tout juste avant mais tant pis, parce que ceux de Mme Davis sont très bon, et qu'étrangement ça nous concentre.
Mme Davis s'avance quelques minutes plus tard pour m'amener notre plateau :
- Elle n'est toujours pas arrivée, la petite ? Toujours en retard.
- Eh bien non, mais si ça continue, je vais lui boire son chocolat chaud.
Elle repart en riant de bon cœur, ne me demandant pas de pourboire. Nous sommes, comme elle aime le dire, ses habitués préférés. Il est vrai qu'on passe énormément de temps ici, et je m'en veux à chaque fois de ne rien lui donner, alors se glisse mystérieusement un billet sur une autre table.

La porte du café s'ouvre et laisse apparaître une silhouette que je connais par-cœur. Elle laisse aussi entrer le froid avec elle.
Angèle s'assoie vivement sur la banquette en face de moi, sirote son chocolat, puis dit rapidement, comme si elle s'était entraînée à faire un discours :
 - J'ai pensé que la première chose que nous devions faire, était de nous rendre à cette plage où le corps a été retrouvé. Puis je me suis dis qu'aller parler à ses amis serait préférable. Je veux savoir si, hormis son anorexie, elle avait des problèmes avec certains personnes. Alors ?  Son air de victoire me fait esquisser un sourire.

- Je pense surtout que pour une fois tu as trop cogiter. Pour l'instant je ne vois moi non plus pas d'utilité à aller à Canvey, surtout par ce temps. On doit déjà revenir chez ses parents donc. C'est déprimant.
- C'est notre boulot.
Elle se lève et me fait signe de la suivre.

On sort du café, elle me propose une cigarette que je refuse. Pas après un chocolat, pas le matin. Trop écœurant. Ce serait gâcher un plaisir simple.
Instinctivement, elle cherche la voiture sans trop regarder la route. Un moment, quand elle est à l'autre bout du trottoir, une hommela siffle.
Je peux entendre son murmure : "Abruti."
Je la rejoins, ouvre la portière, attends qu'elle entre.
Direction le quartier de Earl's Court.

- Bonjour, désolé de vous déranger. Un temps de chien, n'est-ce pas ?

- Non, aucun problème. Je n'aurais pas dit mieux. Installez-vous.
Nous apprenons quelques noms de ses amis, leurs adresses.
Angèle ouvre la bouche pour la première fois depuis que nous sommes arrivés :
 - Ils n'avaient pas un lieu de rencontre, où se voir à n'importe quelle heure ?
Monsieur Roberts répond sans hésiter :
- Bishop's Park. Ils étaient souvent sous des arbres, le long de la barrière.

Dans la voiture, nous nous sommes garés un peu plus loin de chez les Roberts.
- Alors où va-t-on ?
- La question ne se pose pas. Parler à chacun de ses amis. D'elle, de sa vie, de tout. Ça peut toujours servir. Je suggère d'aller chez... je cherche le papier dans mes poches où j'ai écris les adresses... chez Isla Lee, sa meilleure amie de longue date. Elle habite dans le quartier de Chelsea.
- Génial, c'est tout près !
Je sirote mon chocolat chaud que j'avais dédaigné  un peu plus tôt et lui souris.

AvaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant