Famille

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Tout a commencé à Thanksgiving.
Toute la famille s'était réunie. Je rencontrais ces cousins et cousines que je ne voyais pas souvent, à part pour les grandes fêtes.
Nous étions si nombreux. Au lieu d'une seule dinde, il y en avait au moins toujours trois.
J'avais toujours cette impression que tout Londres était venu.
«  - Coucou Ava ! Tu te souviens de moi ?
- Comment pourrais-je t'oublier Gemma, dis-je, sourire aux lèvres.

Et c'était vrai.
Gemma était comme toutes les autres présentes. Remarquable.
Ma famille est composé de gens aussi talentueux que bons en affaire, ingénieux, ils sont et ont tous de beaux enfants.
Je mettrais ma main à couper qu'aucun n'a jamais osé ou eu l'occasion d'aller dans les toilettes publiques.

- Comme tu es jolie !
- Merci Gemma, toi aussi tu es superbe.
Elle me serra dans ses bras.

Elle et d'autres commencèrent à parler chiffons. Ça ne m'intéressais pas le moins du monde. Pourtant je m'en mêlais.
Il fallait me fondre dans cette masse de filles qui étaient de vraies saintes nitouches, qui, quand elles réclamaient quoi que ce soit, les avaient dans l'immédiat ou étaient au moins sûres de l'avoir.
Celles qui n'ont pas à s'inquiéter du prix des vêtements, qui ont du Vuitton à leurs seize ans, mettront du Dior à leurs enfants, qui seront aussi beaux qu'elles et leurs maris. Leurs maris seront aussi riches que leurs pères. Elles n'auront pas besoin d'un travail, couvées par leurs fortunes. Soit elles se retrouveront avec de petites filles modèles, adorablement jolies, ou auront de petites prétentieuses, tenues trop courtes pour leur douze ans qu'elles porteraient même en hiver, toujours un chewing-gum à la bouche et choker au cou. Ce n'est que mon avis.

« - Vous avez les nouveaux pulls que Kenzo a sorti ?
- Cette marque française là, oui, qui s'appelle Céline, j'adore leurs sacs !
- Les chaussures Dior exclusives viennent de sortir ! Je vais sûrement les acheter.
- Une des mes amies à acheter à une braderie une bague qui valait une petite fortune.

J'ai eu envie de ricaner. " Une petite fortune"  signifiait pour elles une petite somme d'argent, mais pas tant que ça. Pour moi ça représentait plus mon salaire annuel à la petite libraire multiplié par trois.

Celles qui ont eu le droit à tout : l'amour de leur parents, la beauté, l'argent, et puis pour certaines l'intelligence, et un tas d'autres choses que si je citait je me mettrais à pleurer.

Je me suis perdue dans mes pensées.
- Et toi Ava ? Tu comptes faire quoi plus tard ?
Gemma me souriait. Je suis persuadée qu'elle savait que je ne savais pas. Peut-être pour me provoquer.

- Je vais me lancer dans le mannequinat, dis-je en souriant.

J'avais dis ça comme si j'étais certaine de réussir. Comme si j'allais continuer la carrière de Maman. Je me suis disputée moult fois avec elle pour ne pas le faire.

« - Tu veux vraiment que je fasses partie de ce genre d'hypocrites, superficielles et égocentriques filles que sont celles de cette agence ? Je ne suis même pas assez maigre. Ni assez jolie.
- Ava, on en a parlé des tas de fois, tu es magnifique. Et le poids n'est pas vraiment une frontière.
- Han. Tu rigoles ? Regarde les ! Des squelettes ! Je ne veux pas ressembler à ça !
- Je t'en prie, ma chérie...
- Non. »

Ce jour là Maman était vexée. Elle m'avait emmenée voir ces filles, qui m'avaient sourient de leur dents impeccables, de leur élégance innée et de leur grâce naturelle. Elles étaient si jolies, mais si maigres. Squelettiques.
Elles avaient un charme que je n'égalais pas.
C'était horrible de voir des filles aussi majestueuses défiler devant soi et de se sentir si misérable.

Toute la table avait arrêté de parler. On me regardait.
Maman a sourit et m'a dit qu'elle était heureuse. Tout le monde a approuvé et les conversations ont repris.
- Tu penses pouvoir réussir ? me glissa Gemma.
- Certaine.
Elle me regarda. Je crois qu'elle essayais de me sonder. Je venais d'annoncer quelque chose d'important aux yeux de ma mère, et ça tout le monde le savais. J'ai eu peur à un moment que Gemma devienne méchante et me dise que j'étais trop grosse pour ce genre de vocation.
C'était seulement un pressentiment : aucune remarque, normal d'un côté, les filles de son genre ne disent pas ce genre de trucs.

Vint le dessert.
Moi qui avais toujours été plutôt gourmande, je me suis vite aperçue que personne n'a osé me proposer une part du délicieux crumble que tante North fait chaque année.

C'est à ce moment là que je compris une chose. L'ampleur des quelques mots que j'avais prononcé pour faire taire Gemma.
En cinq mots : Tu ne dois plus manger.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 12, 2019 ⏰

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