Chapitre 1 - La porte du jardin d'Esméralda

21 4 1
                                    

Dans la caravane délabrée, des meubles en bois sombres sur lesquels s'entassaient des tas de babioles, de breloques et attrapes-poussières en tout genre, se faisaient face. L'odeur était insoutenable, mélange d'encens et de parfum, d'autant plus que la chaleur du soleil tapait sur le toit. L'ambiance n'étais pas rassurante, tout était étouffant. Dans quoi m'étais-je embarquée ?

- Vous êtes prête ?

La médium, dont le nom était quelque chose comme Botezariu, Borasciriu ou Bobestarcus, fit son apparition. Elle était assez jeune, la vingtaine, avait de long cheveux noir et ondulés, assortis à ses yeux. Elle arborait de nombreux bracelets qui recouvraient une grande partie de ses bras, ainsi qu'un long collier doré et de grandes boucles d'oreilles rondes qui pendaient et se perdaient dans ses magnifiques cheveux. Elle portait une longue robe rouges qui tombait sur ses épaules dénudées. Ses yeux étaient d'un noir qui pourrait ensorceler n'importe quel homme qu'elle croisait. Son teint, étrangement doré pour quelqu'un qui restait dans cette caravane toutes la journées. Ses lèvres, aussi rouges que sa robe.

- Oui... enfin, je crois... murmurais-je.

- Vous savez, vous pouvez toujours changer d'avis. Rentrer en contact avec un mort peut être bouleversant et vous ramener à des souvenirs que vous ne voulez pas forcément revoir. Vous pouvez tout aussi bien...

-Non, on va le faire... la coupais-je. Je suis prête. Allons-y.

Elle me regarda en fronçant les sourcils, comme pour m'interroger du regard.

- Après tout, le client est roi - dit-elle finalement.

Elle prit chacune de mes mains dans les siennes, ferma les yeux et récita des incantations latines. Ses mains se mirent a trembler dans les miennes. Ou peut-être était-ce moi qui tremblait d'appréhension. Je n'en savais rien. J'étais pétrifiée et apeurée a l'idée de rentrer en contact avec Gabriel. Était-ce vraiment possible, ou bien avais-je perdu la tête en contactant cette médium ? Et si cela était réellement possible, qu'en serait-il après ? Est ce que j'allais pouvoir le voir, lui parler ?

- Je suis désolée, mais il semble que je rencontre un léger problème...

Elle n'osait plus me regarder, et son assurance des quelques minutes précédentes semblait avoir disparue.

- Qu'est ce qu'il se passe ? Ça ne marche pas ? demandais-je, inquiète.

Je me doutais que je ne devais pas apporter trop d'espoir dans ce que je croyais être un moyen de le revoir une dernière fois.

- Ce n'est pas quelque chose qui marche -s'énerva-t-elle. Ce n'est pas comme une machine ou il suffirait d'appuyer sur le bouton on. C'est bien plus que ça, c'est une pratique, mais surtout un don que très peu de personne peuvent utiliser. Tout est très complexe dans la rencontre avec les morts, mais là... je dois avouer que je ne comprends pas.

Elle fronça les sourcils à nouveau. Cela semblait être une habitude chez elle.

- Avez-vous un objet qui appartenait à votre proche, quelque chose qui avait de l'importance pour lui, ou bien quelque chose qu'il vous a offert ?

- Oui, oui, j'ai ces boucles d'oreilles - dis-je en rejetant mes cheveux en arrières.

J'ôtais donc les deux précieuses perles et lui confiais, douteuse de ce qui allait suivre. Elle fit quelques manipulations avec elles, tout en incantant ces fameuses phrases latines avec une voix qu'on pouvait à peine entendre. Durant ces quelques instants, je me demandais si elle ne se fichait pas de moi. Et j'allais être rapidement fixée.

Elle me tendit ces deux mains dans lesquelles étaient posées les deux boucles d'oreilles :

- Reprenez mes mains.

Ce que je fis. Et à nouveau ces lugubres et effrayantes incantations. Je tremblais de tout mon corps, partagée entre scepticisme, peur, angoisse, effroi, et doute...

Elle entreprit ce qu'elle avait déjà fait quelques minutes plutôt, en serrant mes mains de plus en plus fort. Durant cet étrange moment, je vis la pièce tournoyer sous mes yeux. De la sueur coulait sur mon front. Ma vision se troublait, lorsque d'un coup, tout redevint normal. Je vis son visage qui était devenu pâle, et ses mains qui avaient lâché les miennes.

- Je suis vraiment désolée, vraiment. Mais je ne comprends pas ce qui se passe. Je n'arrive à établir aucune connexion avec votre ami - dit-elle, les yeux fuyant mon regard. Je... Je crois que...

Elle se leva et me fit un signe de la main en désignant la porte de la caravane.

- Vous devriez partir... je suis vraiment désolée mais...

- Mais vous n'avez aucun don et aucun moyen de rentrer en contact avec les morts ?! dis-je ironiquement. Je m'en doutais, ça aurait trop facile.

- C'est plus compliqué que ça... dit la jeune femme avec un regard désespéré.

- J'ai compris, je m'en vais.

Je me levais, furieuse et à la fois déçue. Que cela n'ait pas marché, de ma naïveté, ou alors de mon comportement.

J'étais devenue tellement folle après la mort de Gabriel que je cherchais tous les moyens possibles pour rester en contact avec lui. Ma mère ne savait plus quoi faire, elle avait même envisagé de déménager, de changer de vie, voire même de pays.

Mes pas résonnèrent sur le sol de la sombre caravane tandis que je sentais les yeux de cette étrange jeune femme me scruter.

KosmosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant