Chapitre 7 - Sacrifices

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444 marches plus tard, sous le soleil qui nous étouffait d'une chaleur à crever, nous étions finalement arrivées au sommet de cette colline sans fin. De là haut, tout semblait si petit... Et pourtant l'étendue qui s'offrait à nos yeux était immense, nous pouvions à peine détacher les maisons bleues et blanches les unes des autres. Les villageois aux étranges toges qui durant les cents premières marches étaient de minuscules points au loin, étaient désormais totalement invisibles. Cet endroit était idyllique, digne d'un rêve, et pourtant je ressentais toujours au fond de moi une certaine crainte. Ce monde semblait trop parfait en comparaison au monde réel, celui dans lequel j'étais censée vivre... Dans mon monde, celui où les dirigeants ne sont pas 444 personnes ressemblant à des grecs, celui où il n'y a pas d'Athéna, reine qui vit depuis 100 000 ans, celui où tout n'est pas parfait, où des incidents arrivent tous les jours, mais pourtant, paradoxalement, ce monde où je me sentais en sécurité.

Émeraude, quant à elle, prenait un plaisir à me raconter l'histoire de ce monde. Malgré les 444 marches que nous avions monté, elle était toujours aussi belle, contrairement à moi qui suait, les cheveux en bataille et le souffle irrégulier.

Elle m'avait expliqué que chacune des personnes vivant dans le monde d'Athènes était en fait un dieu ou une déesse grecque. D'où les vêtements, le paysage... et le nom de la reine : Athéna.

- Chaque personne ici, étant un dieu ou une déesse, à donc une fonction précise. Par exemple, Hermes s'occupe de faire passer les habitants des quatre autres mondes en enfer, si c'est ce qu'ils méritent. Bien sûr, il ne fait pas que ça, il est très proche des gens, très sociable et aimable. Il aide beaucoup les habitants lorsqu'ils en ont besoin.

- Etant donné que le nombre d'habitant reste toujours de 444, comment font ces dieux ? Ils sont immortels ? demandais-je.

- Eh bien, lorsque une naissance se présente, le plus vieil habitant meurt et prend sa place.

- Incroyable, disais-je abasourdie. Et toi alors, tu n'est pas une déesse ?

- Ça, c'est encore une autre histoire ! En réalité, je ne vis pas à d'Athènes, je viens d'un des quatre autres mondes. Allez, suis-moi, ! Athéna nous attend.

Nous nous approchions de l'entrée, majestueuse et aux parois minutieusement sculptée ; détails que l'on ne pouvait pas voir depuis en bas. Du lierre parcourait les contours des majestueux piliers qui annonçaient la porte du palais. On pouvait aussi admirait du bougainvillier, magnifique arbuste rose qui tombait ça et là sur les façades de pierre blanches.

Deux gardes étaient postés devant l'immense entrée, ils saluèrent Émeraude et me regardèrent avec un regard d'interrogation.

- Elle est avec moi, je vais la présenter à la Reine, dit-elle.

Ils hochèrent la tête tandis que nous pénétrions à l'intérieur du somptueux palais, où la température y était bien meilleure qu'à l'extérieure. Des statues étaient disposées sur les côtés, les murs étaient blancs, le sol en mosaïque, et les ouvertures arrondies. Nous sommes allées tout droit, jusqu'à arriver devant une immense porte. Avant celle-ci, il y avait trois marches qu'Émeraude monta avant d'ouvrir, puis elle me fit signe de la suivre. Arrivé dans la pièce, un immense halo de lumière m'envahit. Le long couloir que nous avions d'abord traversé était assez sombre malgré les murs clairs, et chaque pièces qu'il y avait de part et d'autre de celui-ci était fermée d'une porte ; ainsi, quand je vis cette pièce, je fus éblouie. Par cette lumière, mais aussi par cette beauté. Je m'approchais d'une des nombreuses fenêtres et vis la mer, d'un turquoise à crever les yeux.

- Magnifique, n'est-ce pas ? fit une voix.

Je sursautai et me retournais, c'est alors que je vis une jeune femme, avec de magnifique cheveux longs, blonds et ondulés. Ces yeux étaient d'un bleu... un bleu semblable à la mer que je venais d'admirer. Elle était assise sur un immense fauteuil en moulure dorées, et portait une robe immense qui tombait sur ses épaules et s'étendait sur le sol. Soudain, sur le haut du dos de son fauteuil, je vis l'oiseau bleu. Ce fameux oiseau auquel Émeraude avait marmonné quelques phrases, sûrement en grec, maintenant que j'y repensais. Si cet oiseau était celui d'Athéna, il était fort probable que cette phrase que l'on doit prononcer pour entrer à Kosmos soit en grec.

- Athéna, je vous présente Maïa.

- Et qu'est-ce qu'une humaine fait ici ?

- Eh bien...

- Voyons Émeraude, tu sais très bien qu'un humain qui franchit cette grotte et entre à Kosmos est condamné, n'est-ce pas ?

Condamné ? Mais enfin, qu'est-ce qu'elle raconte ? Émeraude m'aurait prévenue si j'étais condamnée à rester ici sans jamais pouvoir repartir ?

- Je sais, ma Reine, mais Maïa a de bonnes raisons de venir ici.

- Et quelles sont-elles ? demanda Athéna en me scrutant.

Émeraude se tourna vers moi, comme pour me faire comprendre que je devais prendre la parole.

- Euh... en fait ma... Reine...

Je ne me suis jamais sentie aussi soumise !

- Mon ami, Gabriel, continuais-je, est décédé il y à plusieurs semaines, et... Émeraude...

- Je lui ai dis qu'elle le retrouverai ici, me coupa celle-ci.

- Oh... Émeraude, tu as toujours eu un énorme cœur. Parfois peut-être un peu trop même, ironisa Athéna.

Elle décroisa les jambes et se leva doucement de son fauteuil, avec une grâce que je n'avais jamais vu auparavant. Lentement, elle se rapprocha d'une des fenêtres pour observer la mer, comme je l'avais fais quelques secondes plus tôt. Tout en nous tournant le dos, elle continua à parler.

- Tu vois Maïa, cette mer, cette magnifique mer, elle représente la paix absolue qui règne à Athènes. Ici, chaque citoyen connaît sa place et sait ce qu'il doit faire. Nous veillons à la paix, à l'entente, et au parfait déroulement de la vie des habitants des quatre autres mondes. En venant ici, Émeraude a sûrement dû oublier de te parler du choix que tu devras affronter.

Elle marqua une pause, comme pour faire culpabiliser Émeraude qui baissa la tête. Soudain, elle se retourna et me fixa de ses yeux bleus tout en croisant ses mains devant elle.

- L'amour que j'ai pour Kosmos est immense, et mon devoir est de veiller sur elle. J'imagine, que le devoir que tu croyais avoir, Maïa, était de veiller sur ton ami ; malheureusement en voulant arranger les choses, les faire redevenir comme avant, nous devons parfois faire des sacrifices.

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