Les Amants de Teruel

CHAPITRE 2

 Le reste de la nuit fut longue pour la jeune avocate. En effet des centaines de questions se bousculaient dans son esprit ; était-ce vraiment son fiancé qu'elle avait vu ? Pourquoi cet ado semblait littéralement être passé à travers lui ? Son esprit lui jouait-il des tours ? Est ce que les fantômes peuvent exister ? Une partie d'elle tentait de la convaincre que cette scène était belle et bien réelle aussi inexplicable qu'elle puisse l'être. Tandis que l'autre, plus raisonnée hurlait que ce n'était qu'une hallucination et qu'il fallait que Madeline se ressaisisse. Et cette seconde voix était la plus vraisemblable, la jolie brune décrochait totalement depuis la mort de Gabriel. Depuis elle n'avait plus cœur à rien, elle avait perdu la passion qui l'animait avant, la passion qui la poussait à remuer ciel et terre pour défendre ses clients, la passion qui la rendait si sociable, si drôle, si intéressante. Elle ne sortait plus, ne voyait plus personne, perdait la plupart de ses affaires, s'était éloignée de sa famille et de ses amis.

Elle avait cependant cru sortir du gouffre et avoir fait son deuil quelques mois auparavant. Elle apprit en effet que Gabriel n'était pas parti sans rien laisser, il lui avait laissé le plus beau des cadeaux, un petit bout de lui se développait dans le ventre de l'avocate. Cette heureuse nouvelle au milieu du chaos qui régnait dans sa vie l'a aidée à remonter la pente jusqu'à il y a 6 mois. Au bout de 7 mois de grossesse, Madeline fut conduite d'urgence à la maternité, le bébé arrivant prématurément. Cependant tout ne se passa pas comme prévu, jamais il ne fut capable de respirer l'air libre : il était mort-né.

Cette nouvelle fit replonger la jeune femme qui perdit rapidement goût à la vie et arriva au point de « simple survie ». Point de non-retour pour beaucoup. Elle était telle une coquille vide, vidée. Comme si son coeur et son estomac n'étaient que de simples trous noirs, aspirant et neutralisant tout ce qu'elle était susceptible de ressentir. Sauf la douleur. Elle, elle persistait, la gangrenant de l'intérieur.

Ainsi en cette nuit d'anniversaire de la mort de son fiancé, une hallucination était possible mais quelque chose d'inexplicable poussait Madeline à croire que cette scène venait belle et bien de se produire.

C'est sur ces interrogations que Madeline trouva le sommeil qui fut étrangement tranquille. Pas de cauchemars du crash ou de la mort de son enfant comme chaque nuit passée.

7 janvier

Elle émergea aux alentours de 11h le lendemain matin, ce qui ne lui était pas arrivé depuis un certain temps. Elle se sentait différente en ce dimanche matin, comme si la scène de la veille ne l'avait pas faite paniquer et empêcher de faire son deuil comme l'on pourrait s'y attendre mais apaisée. Elle était dans un nouvel état d'esprit : Cela faisait un an que sa vie était à la dérive et qu'elle était entrain de saboter tout ce qu'elle s'était acharnée à construire, il fallait remonter la pente. Et pour cela, la première chose à faire était de sortir de chez elle, de se resociabiliser, de retrouver l'adrénaline que lui procurait un procès, de retrouver goût à la vie tout simplement.

Appelez ça un électrochoc si vous le voulez mais elle se leva déterminée à se reprendre en main. Il n'aurait pas voulu qu'elle se consume ainsi, lui qui admirait tant sa force de caractère. Elle allait lui faire honneur. Que, qu'importe où il soit désormais, il soit fier d'elle, fier qu'elle récupère sa si belle vie que lui la faucheuse lui a dérobé un an plus tôt. Elle s'empressa de se faire une toilette avant de se rendre dans le café le plus proche, son ordinateur et le dossier de son affaire en cours sous le bras. Elle avait besoin de changer d'air, son appartement qu'elle partageait avec son fiancé auparavant lui rappelait bien trop de choses.

Sur le chemin elle passa dans la rue où elle avait cru voir son amant. Madeline secoua la tête comme pour chasser cette vision de sa mémoire, persuadée que c'était une invention de son esprit visant à lui faire réaliser sa santé mentale qui tombait en ruine.

Quelques minutes plus tard elle arriva au bar le plus proche. Il faisait beau pour un mois de janvier, elle s'assit donc en terrasse ou elle commanda un café. Elle sorti ensuite son ordinateur et ouvrit le dossier. Elle passa plus d'une heure à éplucher cette affaire, faisant tout son possible pour défendre sa cliente : une femme d'une trentaine d'année voulant récupérer la garde de son fils, qui lui fut retiré à cause de son alcoolisme naissant aujourd'hui soigné et confié à son père violent mais possédant un salaire stable. La jeune avocate mis du coeur à l'ouvrage et se sentie impliquée dans cette affaire, elle voulait de tout son coeur que cette femme récupère son fils. Quelques semaines auparavant elle aurait machinalement traité ce dossier comme étant une affaire parmi tant d'autres. Elle fut interrompue dans sa récolte d'arguments par une serveuse lui annonçant qu'il était 13h et lui demandant si Madeline voulait déjeuner. Elle ne s'était pas rendue compte du temps qui filait et se rendit compte qu'elle avait faim. Vraiment faim. Encore une sensation qu'elle avait oubliée ; elle avait perdu l'appétit et de nombreux kilos. Elle qui était auparavant une jeune femme pulpeuse et sportive, elle flottait désormais dans son pantalon de tailleur.

Elle commanda donc une pizza, la plus grasse qui il y avait et stoppa son investigation pour savourer son repas. Elle en profita pour faire un point sur sa vie. Elle avait besoin de changer d'air et se reconstruire. Elle adorait Paris mais elle avait toujours voulu quitter la capitale et aller dans une ville plus côtière, plus agréable, moins oppressante, comme Nice. Mais elle n'a jamais eu les moyens d'envisager habiter sur la côte d'azur cependant, le décès de Gabriel lui avait fait percevoir une colossale somme d'argent qui dormait à la banque. C'est ainsi, sur un coup de tête que la jeune femme choisit de reconstruire sa vie, mais ce qu'elle ne savait pas c'est que les vieux démons nous suivent quelque soit notre destination. 

NA: Gabriel va-t-il la suivre à Nice selon vous? merci pour votre lecture <3