V

25 3 1
                                    

     Cher Tao,

     Ça y est, je suis enfin descendu. Et, j'ai marché durant un temps. J'ai croisé tout un tas de personnes, aux sourires débordants. La vie a l'air si simple à leurs yeux, si facile à surmonter... C'en n'est presque hilarant. Du moins, de mon point de vue. Et toi ? Qu'en penses-tu ? M'enfin. J'ai donc marché à pas lent, profitant tantôt du chant des oiseaux ou bien des rires des passants. Puis, après un bonne demi-heure à vagabonder, j'ai entamé ce pont fait de constructions métalliques et s'abandonnant sur quelques kilomètres. Mes pas m'ont guidé à mi-chemin où désormais je suis posé, posé sur cette rambarde. Face à l'horizon, des vagues s'étendent sur le littoral de la baie, à perte de vue. Le soleil se couche. Le bateau revient au port. Au loin, je peux tout de même sentir les arbres frissonner à travers la brise marines et les volatiles frétiller de plaisir. Tout ce que je ressens autour de moi ne peut n'être qu'associé à la vie elle-même. Ce monde regorge de vie et...moi je suis là, toujours à me poser des centaines de questions chaque jour. Cette voix que j'avais m'était précieuse, je pouvais faire changer les choses, avouer l'inavouable, faire part de ce que j'ai trop souvent ressenti et dénoncer. Si je n'avais jamais été ce trouillard... Non, puisque si je ne l'avais pas été, je n'aurais jamais subi tout ça, jamais je ne me serais laissé faire, jamais. Dorénavant, je suis livré à moi-même. Moi seul peut sauter, moi seul peut mettre un terme à la personne dépourvue de vie que je suis. Sauf que maintenant que je suis face au néant, je ne sais plus quoi faire. Je vais t'avouer quelque chose, j'ai trop peur de mourir. Quelle ironie du sort ! Un suicidaire thanatophobe... Je...je n'ai aucune envie de sauter dans l'immédiat. De plus, ma raison porte à croire que je ne devrais pas, que si je ne le fais pas, ma voix reviendra, que mes parents peut-être affolés de ma fugue ce matin, ne souhaiteront que de me prendre dans leurs bras. Cependant, mon cœur lui, fatigué, ne peut s'empêcher de vouloir en finir afin de permettre à mon âme de se délivrer à jamais. Alors que faire ? Que penses-tu que je devrais faire ? Finir d'entreprendre ce que j'ai commencé dès lors où j'ai pris le train au petit matin, ou bien, faire ce que j'aurais dû faire y a longtemps, me libérer de moi-même ? Tout ce que je sais, c'est que si je saute, personne ne m'en empêchera, personne ne m'attendra en bas, seulement les morts, eux, m'ouvriront leurs bras.

TaoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant