Cher Tao,
Nous y sommes. C'est la dernière lettre. Alors voilà...en toute sincérité, j'ai interdit à cette partie de moi de m'exprimer. Plein de situations, d'attitudes ou encore de réflexions envers moi ont été le facteur de cette décision. Comme tu dois sûrement t'en douter depuis un certain temps, j'ai toujours été harcelé que ce soit mentalement ou physiquement. Pour tout te dire, ça a commencé en primaire, à l'âge où les enfants acquièrent un minimum de lucidité. Tu te souviens du "minable", du "faible" et de "l'invisible" ? Et bien à cette époque, ce n'est pas ces surnoms que l'on m'attribuait mais cela faisait tout aussi mal. J'étais l'enfant aux grosses joues d'écureuil, aux yeux en amande et au visage "trop" candide. Alors, de ce fait, j'ai commencé à être harcelé par mon apparence. Le plus souvent, c'était le rejet et la violence des mots qui se faisaient ressentir. Je pleurais beaucoup. Puis est venu le jour où les enfants savent ce que veut dire frapper et se permettent d'essayer, juste pour jouer... Et ça continue, encore et encore jusqu'à nous faire croire que l'on aurait jamais dû exister. Et bien sûr, on n'en parle pas, sinon ça pourrait s'avérer pire encore. Lorsque l'on arrive au collège, c'est à ce moment où l'on prend conscience d'un tas de choses, pour moi, c'est à ce moment-là que j'ai compris que je ne voulais plus jamais me lever le matin pour retourner à l'école. Pourtant j'ai continué à y aller, toujours en m'abstenant de dire quoi que ce soit à mes parents, à mes professeurs ou à la psychologue du collège. Pour tenir un minimum, j'ai fait en sorte de ne me concentrer que sur les cours afin que l'on soit fier de moi, à vrai dire c'est ce que j'aimais le plus alors me centrer seulement là-dessus me permettait parfois d'oublier le reste. Par la suite, j'ai tout de même réussi à me faire des amis. Enfin...c'est ce que je croyais. Car, comme tu le sais, le jour d'après, ils ne sont plus revenus. Mais...si j'ai souhaité ne plus m'exprimer durant un instant, ce n'était pas pour le vouloir se réaliser sur le long terme. C'est si...injuste ! Je n'arrive plus à changer les choses, je n'ai jamais voulu tout cela. C'est comme si c'était psychologique, que mon inconscient s'était permis de dire stop pour de bon, sans mon autorisation. Alors, pourquoi l'ai-je voulu durant un temps ? Pour...je ne sais pas. Je me disais que si j'arrêtais de m'exprimer, on me lâcherait mais ça s'est retourné contre moi. Mais grâce à ça, j'ai compris que personne ne tenait vraiment à moi pour rester à mes côtés. Par le médecin, je suis déclaré muet à onze ans. Par le biais de mon esprit, je me suis déclaré mort à onze ans.
Je me demande pourquoi je t'écris seulement maintenant, pourquoi je m'écris qu'à partir d'aujourd'hui. Car oui, au final, tu ne reflètes que ce que je suis depuis le début, Tao. Non mais à quoi je joue... C'est stupide... Je me parle... Ça n'a aucun sens, je ne fais que de me voiler la face, faut juste que je saute et mette un point final à tout ça. C'est pourtant facile, non ? Il suffit de se vider la tête et de se déplacer davantage sur le bord, ainsi le corps peut se laisser glisser. Voilà que je doute, il ne manquait plus que ça. Tu ferais quoi toi à ma place ? Écouterais-tu ton cœur ou bien ta raison ? Que choisirais-tu ? Que penserais-tu de toutes ces personnes qui se sont permises de me faire endurer tout ça ? Selon toi, y a-t-il encore de l'espoir ? C'est vrai que si je me donnais vraiment la peine de réfléchir, d'agir, je pourrais tout changer. Peut-être qu'il n'est pas si tard que ça... Est-ce que je crois en moi ? La réponse est si évidente. J'ai tellement été déçu, déçu tant de gens, je ne suis plus sûr de rien. Est-ce que j'ai encore une chance de faire ma vie, de rencontrer de nouvelles personnes, de renouer avec la vie, de plaire ? Il n'y a pas que des mauvaises personnes dans ce monde, forcément. Écrire m'a permis au final de faire le point, cependant, s'il y avait vraiment, au sein de ce monde, des êtres capables de ressentir de l'empathie ou encore de la pitié pour un cœur meurtri comme le mien, j'en aurais déjà croisé, non ? Tu ne crois pas ? Si une personne était munie d'un cœur aussi grand que l'univers, quelqu'un m'aurait déjà réprimander sur le fait que je ne devrais pas être aussi prêt du bord, que c'est beaucoup trop dangereux. Suis-je si invisible que cela ? Aucun automobiliste ne me voit-il ? Aucun passant, aucun être vivant ne peut-il m'accorder un peu d'attention ? Ne serrai-ce qu'un petit peu... Moi qui aurait aimé, aurait tant eu besoin de compagnie, j'aurai aimé pouvoir me confier véritablement à quelqu'un et non rien qu'à moi. La texture du chocolat ? Foutaise ! J'ai presque failli y croire, croire à un souvenir qui n'a rien de réel, qui n'est pas le mien, tout droit sorti de mon imagination. Je dois sauter, maintenant. Tu peux le faire Tao. Franchis ce pas.
C'est alors, que je laissa mon pied s'éloigner un peu plus du bord, prêt à affronter cette frontière entre la vie et la mort.
Quand une main se déposa sur mon épaule.
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Tao
Short StoryCher Tao, J'ai besoin de toi. "Parce que parfois, ce que l'on croit savoir depuis toujours n'est qu'en fait une triste destinée que nous nous sommes accordés à nous-même." _KioFWO