Partie 3

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– Plus je vous regarde et plus vous m’intriguez, me dit André en me regardant
avec fascination. Surtout après votre appel de jeudi.
– Je me doutais bien que vous attendiez impatiemment mon coup de fil et je suis presque sûre que vous l’aviez appréciez, lui répondis-je avec un sourire malicieux.
– Effectivement j’espérais votre coup de fil. Après tout ça allait bientôt faire trois semaines. J’ai rêvé de votre visage tout ce temps et j’aurai donné tout et n’importe quoi pour vous revoir.
– M. Andrew, murmurai-je.
– André et non Andrew. Voyons on peut se tutoyer quand même.
Je le fixai un bon moment sans m’en rendre compte puis je souris comme une adolescente. Je me ressaisis et lui répondis.
– J’aime bien Andrew. C’est bien plus viril. Et comme tu viens de me dire qu’on peut se tutoyer alors je peux t’appeler Andrew.
– Dans ce cas vous serez la seule et unique à m’appeler comme ça, répondit-il. Et si on commençait ce pour quoi je suis venu ?
– Vous vous êtes déjà demandé ce que serait votre vie si vous aviez fait de différents choix ?
– Euh non parce que moi de mon côté j’ai toujours su que je voulais devenir un grand journaliste. Du coup j’ai fait tous mes choix dans ce sens. Je suis sûr que ce
n’est pas ce que vous vouliez comme réponse. Mais comme on le dit souvent le
choix que l’on fait nous détermine.
– Tu as raison Andrew. J’aurai aimé commencer mon histoire par mon premier amour, ma première fois avec mon petit ami. Hélas non. Je n’ai jamais su
comment j’ai perdu ma virginité, ni avec qui. La seule relation sérieuse que j’ai eue dans ma jeunesse a duré presqu’un an et demi. C’était le plus beau cadeau de ma vie. Il s’appelait Robert. Je l’ai « rencontré » un mercredi soir quand je zonais sur Facebook. On a discuté et il me plaisait bien alors quand il m’a demandé mon numéro, je le lui ai donné sans hésiter. Il m’a donné rendez-vous le weekend suivant dans un coin tranquille pas loin de chez moi et de surcroit à l’abri des regards et des oreilles indiscrets. J’aurais refusé de suivre un inconnu dans ce genre d’endroit mais il avait quelque chose en lui qui me rassurait. Cet endroit
devint rapidement notre point de rendez-vous quand on ne pouvait se voir qu’en coup de vent.
Arrivée en classe de terminale, il me proposa d’être officiellement sa petite amie avec tout ce que cela impliquait. J’étais carrément aux anges et j’acceptai sans
réfléchir. Ainsi débuta notre belle histoire d’amour. Robert avait tout ce que je recherchais chez un petit ami : toujours présent quand j’ai besoin de quelqu’un
pour m’écouter, quand j’avais besoin de m’évader un peu de mon quotidien ou encore quand je bloquais sur un devoir de maths. Lui il était déjà à l’Université alors il me donnait tout le temps dont j’ai besoin pour bien préparer mon baccalauréat. Jusque-là, tout allait bien entre nous. J’obtins mon bac cette année et en partie grâce à lui parce qu’il me motivait à donner le meilleur de ma personne.
J’étais toute excitée en pensant à la vie universitaire qui m’attendait. Je passai la soirée avec Robert. On se voyait aussi souvent que possible. Au moins deux ou trois fois dans la semaine. On parlait de nos projets communs. Une semaine la proclamation des résultats, mon père m’informa qu’il me préparait mes papiers pour que j’aille étudier au Canada. Mais qu’avant tout, je devais faire
une formation en anglais pendant un an. Mon père souffrait d’hypertension. Alors on lui évitait tout ce qui pouvait le choquer. De mes deux parents, il était celui dont j’étais le plus proche. Alors je faisais tout ce qu’il me demandait non
seulement à cause de sa maladie mais aussi parce que je lui faisais confiance. Je savais qu’il ne ferait jamais rien pour me nuire.
Le soir même, j’annonçai la nouvelle à Robert.
– Le Ghana n’est pas si loin que ça, me répondit-il avec une once de mélancolie dans la voix. Même si je ne suis pas plein aux as, je ferai tout mon possible pour
venir te voir. Et si le possible ne suffit pas, alors je ferai l’impossible. Je souris et l’embrassai. Quelques semaines avant mon départ pour le Ghana, je remarquai un léger retard
dans mes menstruations, un mois de retard. Le lendemain matin, je me rendis à la pharmacie la plus proche pour acheter un test de grossesse.
Je retournai chez moi et suivis les instructions sur la boîte et à ma grande surprise le test était positif. Mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines. J’appelai sur le
champ une connaissance à moi qui était assistant médical. Il me refit le test et c’était toujours positif. Je m’assis la tête entre les mains pendant de longues
minutes, pensant aux solutions qui s’offrait à moi. Zack, mon ami me suggéra d’appeler l’auteur de la grossesse et d’en discuter avec lui avant de décider quoi
que ce soit. Je rentrai chez moi, terrifiée. J’appelai mon cousin et lui demandai de me retrouver à la maison le soir. J’appelai ensuite Robert et lui demandai la même
chose. Deux heures de temps après, ce dernier se pointa chez moi. Je lui montrai le test.
– Tu es vraiment sûre ? me demanda-t-il pour énième fois.
Je fis oui de la tête, ma gorge étant trop sèche pour me permettre de parler. Troublé, il se leva et sortit. Je savais qu’il avait aussi peur que moi. Je l’avais vu dans ses yeux. Après son départ, je pleurerai toutes les larmes de mon corps.
J’étais perdue. Une demi-heure plus tard, mon cousin arriva à son tour. Je lui montrai le test. Il considéra le test pendant quelques secondes et se tourna vers moi, le visage grave.
– Jusqu’à ce que toi et Robert ne preniez une décision, évite de trop t’approcher de ta mère. Elle est trop observatrice.
                          * * *
Robert revint me voir le lendemain dans la soirée.
– Désolé pour ma réaction d’hier, commença-t-il. J’ai paniqué et je ne savais plus quoi faire.
– Je comprends, répondis-je. Tu as décidé quoi ?
– Je ne suis pas aussi riche. Je ne peux pas te garantir la même vie qu’avec tes parents. Mais je suis sûr qu’ensemble on pourra prendre soin de ce bébé. Je n’en
ai pas encore parlé à mes parents mais je veux qu’on garde ce bébé. Je t’aime vraiment ma chérie et ce bébé est le fruit de notre amour.
C’était ce que j’espérais entendre ce soir-là. Ensemble nous décidâmes de quand et comment annoncer la nouvelle à mes parents. Trois jours après, mon père me demanda de venir.
– Je viens de verser au moins un million pour ta formation au Ghana et aussi pour le logement, m’annonça-t-il. Et je te signale que ce n’est qu’une partie. Donc
quand tu seras là, j’aimerais que tu te concentres sur ce pour quoi je t’ai envoyée. Ne va pas faire n’importe quoi là-bas et surtout ne fais pas en sorte que tous mes
efforts soient vains. Après qu’il m’eut dit ces mots, il prit ses médicaments pour son hypertension. Les larmes me montèrent aux yeux. Cet homme faisait tout son possible pour que je réussisse ma vie et moi j’allais tout gâcher avec ma grossesse. Non seulement j’allais bousiller ma propre vie mais aussi la sienne avec. Et rien que l’idée de le perdre m’effrayait, je tenais trop à lui. Et par-dessus tout, je voulais qu’il soit là pour profiter du fruit de ses efforts.
Je sortis du salon et appelai mon cousin pour qu’il me prête 25000 FCFA. Il me répondit qu’il verra ce qu’il peut faire. J’appelai ensuite ma meilleure amie à qui
je n’avais rien dit à propos de ma grossesse. Je lui demandai de me prêter la même somme.
– Mais tu vas faire quoi avec une somme pareille ? me demanda-t-elle, surprise.
– Je t’expliquerai tout après, lui promis-je. Au réveillon de Noël de cette année, Robert était chez moi pour se faire connaitre par mes parents. On avait décidé d’aller pas à pas pour diminuer le choc que la nouvelle pouvait provoquer. Quand il vint me voir, j’étais couchée sur mon lit.
– Qu’est-ce-que tu as chérie ? me demanda-t-il d’un air triste.
– Je ne me sens pas bien, répondis-je. La fatigue des préparatifs et aussi le stress.
– Je suis conscient qu’actuellement ce n’est pas facile avec cette histoire de grossesse mais sache je serai là avec toi jusqu’à la fin d’accord ?
– D’accord, murmurai-je.
– Et si on sortait un peu de la chambre, proposa-t-il. Ça te dirait un bon hamburger ou peut-être même deux puisque désormais tu vas manger pour deux personnes. Je ne bougeai pas. Il comprit alors que je n’allais pas bien du tout. Il contourna
donc le lit pour me serrer contre lui. C’est là qu’il vit tout le sang qui imbibait le
drap.
– Qu’as-tu fais ?
– Rien.
– Rien ? Pourquoi tout ce sang alors ? Non ! Non ! Non ! Ne me dis pas que…
– Je n’avais pas le choix Robert, l’interrompis-je toute en larme. Je n’ai pas prévu cette vie avec toi et ce bébé. Une grossesse à 19 ans n’est pas ce que je veux offrir
à mon père après mon Bac. Pas après tout l’effort qu’il a consenti pour moi. Je suis désolée Robert.
– Et tu as donc décidé de tuer ce bébé qui était aussi le mien sans mon avis ? me répondit-il, fou de rage. Jamais je ne l’avais vu dans un tel état. Il quitta la pièce sans un mot de plus. Après son départ, j’essayai de le joindre mais il filtra tous mes appels. La veille de mon départ, je lui écris pour lui annoncer que je partais le lendemain pour le Ghana. Il ne me répondit pas. Le lendemain avant mon départ, il m’envoya un message. « J’ai eu trop mal pour ce que tu m’as fait. J’espère que ton absence va m’aider à
oublier cela. Bon voyage et prend soin de toi. Donne-moi de tes nouvelles une fois que tu seras arrivée. Je t’aime toujours. »
Après avoir raconté la première partie de mon histoire à André, je me tournai et remarquai qu’il avait toujours son regard fixé sur moi. J’eu la vague impression
qu’il était en train de me juger.
– Arrête de me dévisager Andrew, lui dis-je, embarrassée.
– J’ai l’impression que me raconter tout ceci a rouvert des blessures que tu as passé des mois voire des années à panser. Je sais que reconnaitre les gens qui sont en proie à un profond et c’est ce que je vois chez toi. Cette histoire a créé un profond vide en toi que rien ne pourra combler n’est-ce pas ?
– Si j’avais choisi de garder ce bébé, pensez-vous pouvoir me connaître et m’écouter raconter ma vie ?
– Non je ne pense pas, répondit-il.
– Alors je vous repose la question : vous êtes-vous déjà demandé ce que serait votre vie si vous aviez fait de différents choix ?
– Je ne me suis jamais posé la question mais c’est sûr qu’elle aurait été différente. Et si on arrêtait là pour ce soir ? J’ai encore beaucoup de chose à apprendre sur toi et j’aimerais qu’on prenne tout notre temps.
– Cela me convient. Il se fait tard, il faut que je rentre. Je me levai.
– Et on se voit au même endroit le samedi prochain ?
– On se voit dans deux semaines. Pour l’endroit je vous enverrai une adresse.
– Et votre nom ?

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