Epistolae

Lettre n°5

À Ornans, le 27 octobre 1913

Mon bel ami,

Que nous est-il arrivés ?

Je t'ai attendu longtemps il est vrai lors de ce bal, j'ai pensé maintes fois que tu surgirais dans l'ombre naissante... mais rien. Et puis je reçus ta lettre et je fus dépitée. Je ne supporte pas la distance qui nous sépare, je ne l'ai jamais supportée. Pourtant je me suis toujours dit que c'était pour le bien de notre futur vie et là, là tu m'annonces que tu veux quitter ton travail. Mes parents te prennent pour un fou et ne comprennent pas comment un jeune homme peut vouloir tout quitter uniquement car le labeur est trop lourd pour ses épaules. Je dois admettre que je ne sais pas si mon avis est plutôt comme le leur ou le tiens... Mes parents ne savent pas que j'ai promis mon soutien à un homme que j'aime particulièrement, et cet homme c'est toi Eugène. Alors oui j'étais désolée et effondrée de ton absence mais il m'en faudra plus pour m'abattre, oui tu veux quitter tout ce qui t'aidait à survivre et à préparer notre nid d'amour mais je te soutiens malgré et contre tout.

L'amour est difficile à cerner, il faut souvent s'y prendre à plusieurs fois pour trouver la perle rare, celle qui nous mettra en valeur quelle que soit la saison et le temps... Qu'est-ce qu'il est beau également ! Il est beau partagé, secret, fidèle ou encore lorsqu'il nous fait voir monts et merveilles !

Chaque caresse et baiser sur ma joue est incrusté et immortalisé pour toujours dans mon cœur et mon âme. Tes tendres propos berçaient mes nuits lorsque nous étions réunis, désormais ce sont tes mots tant attendus qui animent chacun de mes matins... Quand je vois le soleil se coucher et la lune si belle arriver je ne peux m'empêcher de penser que toi aussi, dans ton petit logis, tu admires ce phénomène incroyablement beau et mystérieux qui revient chaque jour. Notre amour n'est pas une étoile filante, je refuse qu'il soit aussi court bien qu'intense et brillant. Le nôtre est plutôt comme une constellation, peu importe les ans il reste inchangé, toujours aussi lumineux et magique, reconnaissable parmi tant d'autres, unique...

L'année arrive bientôt à son terme et je sens que le monde est tendu. Il ne peut rien nous arriver tant que nous veillons l'un sur l'autre. Laissons les conflits et les tensions aux plus grands de ce monde et partons si tu le veux à l'été prochain, rien que toi et moi pour fonder cette famille dont nous rêvions tant. Accepte de prendre ma main un jour et je te rendrai cet amour pour toujours ! Les mots ne me suffisent plus à t'exprimer combien je t'aime...

En attendant un signe de ta part, un retour, un geste attentionné,

je t'embrasse tendrement,

Céleste