Chapitre 14 (PDV : Tony)

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Jena fut partie depuis tellement longtemps que son absence se faisait pensante autant pour son époux que pour moi-même, et elle avait besoin de temps pour accepter ce qu'il s'était passé avec notre fille. Et cela se savait. De plus, aucun membre du personnel ne venait demander des nouvelles d'Evalia, ni prendre ses paramètres, mais n'était-ce pas ce qu'il y avait de plus normal, après tout, elle ne réagissait pas, elle n'avait que des paramètres déjà dictés par tout ce matériel médical l'entourant ? Ce qui pouvait être rassurant, mais en être aussi tout le contraire : à tout moment, les signes pouvaient changer et montrer que son état s'aggravait et qu'elle ne se battait plus pour survivre. C'était donc cela que voulait éviter Jena pour le moment. Sans aucun doute.

Malheureusement, être seule face à cette situation n'était pas ce qu'il y avait de mieux pour elle, elle ne devait pas se sentir seule et coupable de cette histoire, nous devions tous nous sentir dans le même état qu'elle, dans le même état d'incompréhension et s'en était le cas, bien que nous essayions de nous cacher aussi, nous cacher de tout. Nous devions rester silencieux et calmes, et surtout ne rien dévoilé et pourtant, je devais parler à Jena de l'état d'Eva, l'état d'avant son agression, son envie d'être dans une vie loin du mensonge, mais l'après-agression donnerait sans doute à Eva l'envie de rester dans le mensonge, dans une vie qu'elle a très bien connue jusqu'à ce jour.

Je soupirai, je ne pouvais penser qu'un jour ce choix lui serait proposé, alors qu'elle n'était pas en état de décider, qu'elle ne pouvait choisir de son plein grès. Personnellement, j'attendrai qu'elle se sente en état de le faire, je ne pouvais lui demander de s'adapter pour la deuxième fois, voir la troisième fois de sa vie quelque chose qui lui serait imposer, elle était en âge de choisir. Elle l'était.

La régularité des parasites sonores rythmait l'ambiance de la pièce, une pièce toujours aussi calme, dans laquelle Didier et moi, nous nous trouvions encore après cette longue discussion pour le bonheur d'Evalia, mais je ne pouvais pas reprendre le fait qu'il avait raison sur ce point, bien que biologiquement, il n'y avait rien entre ma fille et lui, pourtant, c'était son idée qui était bien plus semblable à la réaction d'un père que mes choix du passé qui comme sa décision étaient légitimes pour Eva, mais une Eva qui était totalement différente d'aujourd'hui, les choix que nous avions fait était pour une fillette de deux ans alors qu'à cet instant, elle en avait quatorze de plus. Elle devenait une jeune femme, bien que son entrée dans cette partie de sa vie ait été détruite dès ses premiers chapitres. Et c'est ce qu'il y a de plus injustes pour elle.

Un nouveau soupir franchit la barrière de mes lèvres et je ne pus me résigner à rejoindre Jena, lui demander comment elle se sentait, bien que la réponse serait forcément négative. Comment aller bien alors que votre enfant perd sa part d'innocence et fréquente de près la mort avant de devenir de manière précoce une adulte, alors cette dernière n'avait rien demandé à personne ? Ce n'était certes pas la question à lui poser, mais il fallait bien aussi qu'elle décroche quelques mots, même avec moi, même avec ce qui avait été une part de son histoire, mais qui était totalement la part qui avait crée Evalia. Je relançai un regard à ce beau-père qui restait pourtant tellement plus en ce moment que je sus qu'il accepta que je quitte la chambre pour aller la voir. Cette histoire nous chamboulait tellement, que je trouvais normal de soutenir celle qui fut autrefois ma femme.

Prenant ma veste, je sortis de la chambre d'une manière à ne déranger personne et me dirigeai vers l'extérieur, même si je ne pus me résigner à prendre deux cafés pour Jena et moi-même pour faciliter au mieux l'inévitable discussion que nous aurions dans les prochaines minutes. Comment allais-je aborder ce sujet si sensible ? Comment allions-nous trouver un accord, alors que quelques années plus tôt, nous n'avions pu le faire sans nous battre avec acharnement face au tribunal ? Je n'en avais pas la réponse. Comment un génie comme moi ne pouvait-il pas avoir la réponse ? Tout simplement parce que je n'étais pas un génie dans cette matière qu'est la paternité. J'avais plusieurs fois failli à mon rôle, et cela, Jena le savait parfaitement, elle n'hésitait jamais à me le rappeler depuis ce fichu divorce. Alors encore une fois, comment allais-je faire ? Comment trouverais-je les mots pour la faire accepter ce que même son mari actuel avait approuvé ? Une bonne question à laquelle, seule, Jena allait encore pouvoir y répondre, et cela me dégoûtait, mais je ne lui en ferai jamais part. Jamais.

Dans l'ombre de mon père [Marvel/Iron-Man]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant