Ethan.
Assis en tailleur sur le canapé du salon, je tue le temps en regardant cette vieille série à la télévision. Les Simpson est je crois le seul dessin animé qui m'a accompagné durant toute mon enfance, j'ai tellement de fois regardé cette famille disjonctée que tous les dialogues que j'entends me sont familiers. Je pourrais même les réciter, tant je les ai écoutés. Pourtant s'il y a bien quelque chose qui n'a jamais changé avec les années, c'est ce satané rire qui n'a jamais résonné. Parfois je me dis que l'humour de ces personnages n'est tout simplement pas assez drôle pour moi, et puis lorsque je me rends compte qu'au bout du vingtième épisode, mon visage porte toujours cette expression neutre, je comprends que rien ne sera jamais apte à me faire rire.
La nuit commence à tomber lorsque l'alarme de mon téléphone résonne sur la table basse. Je m'en empare et me lève, conscient que je suis attendu au travail. J'éteins la télévision qui marche pour rien, et enfile mes chaussures et ma veste avant de prendre la porte. En sortant dehors je ne peux ignorer le dégradé de couleurs pastel qui tourbillonnent dans le ciel, je me demande si je suis le seul à admirer ce spectacle chaque jour. Quelqu'un est-il en train de regarder la même chose que moi à cet instant précis, et que pense-t-il ? Suis-je le seul qui m'imagine en train de retranscrire cette fusion de teintes sur une toile ?
Les mains dans les poches et le dos courbé, je parcours les quelques mètres qui me séparent de la boutique de Mr. Elthon. Durant le trajet, je m'occupe en dévisageant les passants qui se trouvent devant moi, tel un analyste en quête d'inspecter et d'analyser la race humaine, je tente de lire ce que leur corps révèle de ce qu'ils tentent de dissimuler intérieurement. Comme toujours, une grande partie des gens que je croise porte cet air anxieux et fermé. Sourcils froncés, mâchoires crispées et épaules tendues, je pourrais penser qu'ils sont tous pressés de se rendre quelque part. La vérité est bien différente, j'ai compris avec le temps que c'était la fatigue d'une journée de travail qui rendaient ces hommes et ces femmes si lessivés et éreintés.
Au moment où j'entre dans la petite boutique, la sonorité de l'éternelle cloche s'enclenche à l'entrée. Arthur, me tend un grand sourire en me voyant avant de s'éclipser à l'arrière. Maintenant que je suis là, il va pouvoir s'enfuir pour être à l'heure à son rendez-vous romantique. C'est pour cette raison qu'il m'a demandé de venir en avance aujourd'hui. Ça ne me dérange pas de toute façon, je n'avais rien de particulier à faire, et puis en fin de compte ça me donne une petite utilité. Grace à moi il sera heureux ce soir, et sa petite amie aussi.
- Oh je ne t'avais pas vu Ethan, tu vas bien ? Me demande mon patron, en transportant des cartons visiblement lourds vers l'arrière-boutique.
Je hoche la tête de haut en bas et me précipite vers lui pour l'aider. Mr. Elthon fait partie de ces hommes qui aiment se sentir encore efficaces et serviables malgré leur âge avancé. Parfois je me demande comment il fait pour réussir à faire tourner ce magasin seul. Je lui ai à de nombreuses reprises proposé mon aide, en me portant volontaire pour faire des heures supplémentaires, mais il n'a jamais accepté. D'après lui, un garçon de mon âge devrait sortir et aller s'amuser avec ses amis plutôt que de travailler tous les soirs de la semaine. Il ne sait de toute évidence pas à quoi ressemble ma vie.
- Te fatigue pas mon grand, ce n'est pas deux trois cartons qui réussiront à m'effrayer. Il me montre ses biceps sous sa chemise, pour crédibiliser ses propos. D'ailleurs, tu n'es pas un peu en avance aujourd'hui ?
Je m'écarte de lui et tout en le regardant se fatiguer, lui réponds :
- Ce n'est rien, j'ai simplement dépanné Arthur qui était attendu quelque part.
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Insensible (terminée)
Teen Fiction« Son âme était scellée, son coeur frigorifié » « Sans coeur » voici le surnom que les lycéens s'amusent à donner au garçon insociable et froid de Seattle. Sa peau comparable à du marbre, et sa voix à du roc, Ethan a toujours su que sa vie ne serait...