Ethan
- Qui t'a donné ça ? Soupire t-il.
Si sa voix est aussi rogommeuse que d'habitude, le ton calme qu'il emploie ainsi que son allure stable me prouvent qu'il est encore sobre. Il me reluque plusieurs fois de haut en bas, l'arrête de son nez entre les doigts, tandis que je reste appuyé contre le rebord de ma fenêtre, encore effaré de ce que je viens d'apprendre.
- Jack...Tu sais ton deuxième fils.
Un rire âcre s'échappe de mes lèvres, en voyant sa mine qui se décompose en entendant ce nom. Ce nom qui j'en suis sûr, une fois prononcé a le pouvoir de le replonger dans son passé qui continue de le hanter quoi qu'il en dise.
- Alors comme ça tu sais tout...
Il s'avance lentement en faisant grincer le parquet jusqu'à mon lit de manière complètement détachée. Ses yeux scrutent longuement les recoins de ma chambre, comme si cela faisait trop longtemps qu'il n'y avait pas mis les pieds pour s'en souvenir, peut-être n'est-ce qu'un échappatoire pour fuir mon regard encore humide.
- Pourquoi ? Je demande d'une voix chancelante et fatiguée. Pourquoi m'avoir berné de mensonges toute ma vie, en me faisant croire que ma mère était morte d'un accident de voiture, et que je...
- Parce que c'était tellement plus simple, m'interrompt-il en se levant brusquement.
Il s'approche de moi, et passe sa main froide derrière mon cou. Son regard habituellement terne, est animé par la dureté et la virulence que lui fait ressentir le sujet douloureux de notre conversation. Je grince des dents tant cette proximité me dérange, cette proximité qui me rappelle qu'un mur est dressé entre nous, un mur en béton que seul le temps pourra démolir.
- De te faire croire et de me faire croire à moi même que c'était la vie qui l'avait prise, alors qu'en réalité c'est elle qui a décidé de partir.
Ses doigts glissent le long de ma nuque et se détachent en même temps que ses yeux qui regagnent le sol.
- De penser que c'est ton indifférence et ta somnolence qui l'ont tuée à petit feu, quand je sais que j'ai contribué à cette décision ce jour-là.
Il parle du jour où ils ont décidé ensemble d'abandonner mon frère. Je n'en reviens pas qu'il ait opté pour me déléguer ce fardeau, qu'il ne supportait pas de porter sur ses épaules.
- Tu as préféré me rendre coupable de toute cette histoire, tu as préféré transformer ton chagrin en haine envers le seul fils qu'il te restait, pour ne pas être rongé par la culpabilité toi aussi ? C'est ça hein !
Mes cordes vocales libèrent la puissance de ma voix, qui sommeillait en moi. Une sensation de fourmillement désagréable ruissèle le long de mon dos, et provoque des ondes torrentielles qui résonnent du haut de mon crâne jusqu'au bout de mes doigts. La colère, l'indignation et la révolte, voilà ce que c'est. Trois ressentis, qui doivent se libérer des chaînes qui les retiennent depuis bien trop longtemps.
- Oui c'est ça, raille t-il. Et tu vois ça n'a rien changé, j'ai quand même sombré.
Il s'éloigne de moi, et je le regarde se fondre dans l'obscurité de ma chambre. Tu as sombré quand maman est morte, c'est normal papa. Ce qui ne l'est pas c'est que tu m'aies menti et que tu te sois noyé dans ce déni tandis que j'avais besoin de toi.
- Parfois l'alcool arrive à me faire oublier ce que j'ai perdu, mais parfois il n'y arrive pas. Et c'est dans ces moments là que je me rends compte de ce que je suis en train de perdre. Je te perds de jour en jour, je me perds de jour en jour, tu vois...C'est tellement plus facile de ne pas réaliser toutes ces choses.
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Insensible (terminée)
Teen Fiction« Son âme était scellée, son coeur frigorifié » « Sans coeur » voici le surnom que les lycéens s'amusent à donner au garçon insociable et froid de Seattle. Sa peau comparable à du marbre, et sa voix à du roc, Ethan a toujours su que sa vie ne serait...