Insensible (terminée)

Chapitre 37

Jack

Le gazon glisse sous mes pieds, me donnant la sensation de ne plus courir mais de voler. La foule m'encourage et m'acclame, ses cris parviennent à moi et me motivent à aller de plus en plus vite. Plus rien ne peut m'arrêter. La balle est serrée contre ma poitrine brulante, comme s'il s'agissait de la chose la plus précieuse que j'avais. La seule chose que je n'avais pas encore écrasée. Mes coéquipiers me regardent avec bienveillance, tous sont placés de sorte à pouvoir m'apporter leur aide, même Gavin et Max croient en moi. Je peux y arriver, je peux être le sauveur et pas celui qu'on tente désespérément de sauver. Ma course s'accélère, le temps s'arrête. Mon regard se pose sur celui de Skyler qui continue de me soutenir même après tout ce que je lui ai fait subir, j'entends distinctement ses paroles: Je suis avec toi, Jack. Le soutien que je reçois agit comme un dopage qui me rend de plus en plus fort. J'y arrive, enfin. Je m'élance au sol, le ballon atterrit dans la end zone de l'équipe adverse et soudain je le sais. J'ai réussi.

Mes paupières s'ouvrent, je m'en veux aussitôt d'avoir fermé les yeux et de m'être perdu dans cette belle illusion une fois encore. Le décor qui m'entoure est beaucoup moins beau que dans ma rêverie, je suis seul dans ma chambre avec pour seule compagnie mes posters de football qui me narguent. Je les entends rire de mon état pitoyable, je le fais aussi en regardant ma jambe plâtrée. Je ne sais même pas quelle heure il est et je m'en fiche. J'aimerais me rendormir pour retourner dans ce monde où je gagne, où je goûte au bonheur moi aussi, mais en ne me réveillant jamais, pour ne plus être rattrapé par cette réalité brute.

Mon portable vibre sur ma table de nuit, je m'en empare et fais tomber au passage ma bouteille d'eau et mes cachets contre la douleur.

- Fait chier !

Je me redresse en gémissant et ignore l'écran lumineux qui m'agresse la rétine. Le tweet que j'ai posté a suscité beaucoup de réaction à ce que je vois, à peine ai-je le temps de réaliser le nombre de retweet, on me dirige vers une page remplie de haine.

de @JackMickelson

Trop rapide sur le terrain, sur la route ça ne pardonne pas. Vous réjouissez surtout pas, la Roosevelt League continuera de briller même sans moi. Le soutien d'un capitaine est plus bénéfique que sa simple présence, je crois en vous les gars.

De @ScottNwestLeague en réponse à @JackMickelson

Super nouvelle quand on sait que vous aviez déjà peu de chance de gagner ! La victoire sera encore pour nous cette année, bonne nuit Mickelson ;)

De @AaronNWL18 en réponse à @JackMickelson

Aha Mickelson qui parle de soutien mais qui n'est même pas là pour son équipe, trouvez moi un capitaine plus drôle!

Je serre si fort mon iPhone, que les jointures de mes mains en deviennent blanches. Ma rage intérieure demande à sortir de mon corps handicapé, mais j'essaie de me contenir en serrant la mâchoire. Putain comment est ce que ces salauds peuvent dire ça?! Je vais leur faire la peau, je vais les écraser comme....Calme toi mec, ils n'attendent que ça. Je prends une grande inspiration en pensant que ça m'aidera à me détendre, mais ça ne fait que raviver ma colère. Ma colère contre qui ? Contre eux, contre moi même ? L'heure sur mon téléphone indique que le match a commencé depuis déjà trente minutes, il n'en fallait pas plus pour qu'il se retrouve projeté contre le mur d'en face.

- Je suis un mauvais capitaine, incapable de soutenir son équipe. Ils ont raison, ils ont tous raison ! Crié-je en tirant sur mes cheveux.

Les larmes viennent aveugler mon regard sombre de haine, de douleur, de souffrance ! La porte de ma chambre s'ouvre sur ma tante affolée. Ses grands yeux noirs inquiets me regardent en entier avant qu'elle ne porte sa main à sa bouche.