Qu'est ce qui m'a pris d'accepter ? Pourquoi j'ai dit oui, alors que je savais parfaitement ce qui allait arriver... Encore une fois.
C'est la question que je me posais alors que le train filait à toute allure vers ce qui m'avait servi de 'maison' pendant toute mon enfance et une bonne partie de mon adolescence. Rien que d'y penser, j'en ai la nausée...
J'attrapais mon sac,l'ouvrit et en sorti un petit flacon. J'ai pris une grande inspiration et j'ai récupéré une pilule que j'avalais sans même prendre une goutte d'eau. Je préférais le goût amer de la gélatine que de la bile qui menaçait de remonter.
Le passager qui se trouvait en face de moi, me regardait d'un air étrange. Comme si pour lui, avaler 'cul sec' un médicament n'était pas normal. Je lui ai décoché mon plus beau sourire en coin, accompagné d'un haussement d'épaule, qui signifiait :
"Et oui ! Je fais comme ça ! Et si ça ne te plaît pas... Tant pis !"
Sa réaction ne se fit pas attendre et il replongea dans son livre.
J'ai vite perdu mon sourire et reportais mon attention sur le paysage qui défilait. Mes pensées retournaient vers le sujet de mon voyage.
C'était fou comme on pouvait se souvenir de certaines choses sans importances et en oublier d'autres, comme le jour de notre emménagement dans cette villa.
Le terrain était immense, avec une vue imprenable sur la ville. Je me disais qu'on allait enfin pouvoir profiter de la vie, car les plus proches voisins étaient à cinq cents mètres. Ce qui nous changeait de notre trois pièces dans un immeuble de six étages, en plein banlieue.
Je devais avoir six ou sept ans, mon père avait eu une promotion et on avait enfin pu partir de notre logement insalubre. On était tellement heureux ce jour-là, mais... Et oui, comme dans toutes les histoires, il y avait un 'mais'.
Une voix nasillarde venait de me sortir de ma rêverie. La préposée de restauration,avec son petit chariot, passait de wagon en wagon, demandant si quelqu'un voulait une bouteille d'eau ou quelque chose à manger. Je levais la main et pris un soda, que je n'avais même pas envie de boire. Encore une chose idiote que je venais de faire. Un soupirs'échappait entre mes lèvres.
Mon humeur morose a dû effrayer mon voisin d'en face, car je le vis se lever et rassembler ses affaires. Il esquissait un sourire et s'éloigna de sa place.Bizarrement, j'étais soulagée de le voir partir, au moins, je serais seule avec mes pensées et mes souvenirs.
Je remarquais le panneau annonçant le nom de la gare, comprenant que ce n'était pas moi qui l'avais chassé, mais son arrêt. Je retournais à ma 'rêverie'.
Notre emménagements'était passé sans soucis et sans pluie. Le plus gros des affaires étaient installées dans les pièces principales, le reste allait attendre le lendemain.
Dans notre ancien appartement, je dormais dans un lit superposé avec mon frère Marc et chaque soir, il mettait un point d'honneur à m'embêter. Moi, je dormais en haut et lui, avait la couchette du bas. Il avait deux ans de plus que moi et il en profitait. Pour me taquiner, il poussait mon matelas avec ses pieds et plus je lui disais d'arrêter et plus il insistait. Qu'est-ce que ça pouvait m'énerver ! Au point où j'hurlais 'maman' pour qu'il s'arrête... Dans cette maison, j'allais avoir ma propre chambre et un lit rien qu'à moi. J'étais tellement heureuse.
J'esquissais un sourire malgré moi.
Comme le temps passe et six ans plus tard, le bonheur fragile fût brisé quand Marc disparut. Après des mois de recherches, la police avait fini par déclarer que mon idiot de frère avait dû faire une fugue et qu'il reviendrait, quand il en aurait marre de la vie de bohème. Quelle sottise !! Je le connaissais très bien et même s'il n'était pas toujours facile, il ne serait jamais parti sans me dire.
J'arrivais enfin presque au bout de ma destination quand le train s'arrêta dans ma ville. Sur le quai de la gare, je boutonnais ma veste, attrapa ma valise et sorti du bâtiment avant de bifurquer sur la droite. Je remontais la rue principale, faisant de brefs arrêts devant les vitrines, me souvenant que j'y venais faire les courses avec ma mère.
La pauvre, après la disparition de mon frère, elle avait fait une grave dépression nerveuse et mon père avait dû la faire hospitaliser, pour ne pas dire la faire interner. Elle prétendait que c'était la maison qui avait pris son fils. Qu'elle, disait-elle en parlant de la villa,voulait des vies... On y croyait pas, bien sûr ! On pensait que c'était le chagrin qui 'parlait'. Mais tous les soirs, elle se rendait dans la chambre de Marc, s'asseyant sur son lit. Elle parlait toute seule. Je l'entendais même pleurer. J'en avais mal au cœur,pleurant à mon tour, la tête enfoncée dans l'oreiller pour que ma mère ne puisse pas m'entendre et la rendre encore plus triste.
Mes pas m'avaient mené jusqu'à un carrefour, que je traversais en prenant soin de regarder de chaque côté de la route. Il m'avait fallu cinq bonnes minutes de marche avant d'apercevoir le toit de la maison, mon cœur venait de rater un battement, pendant que ma main s'était crispée sur la poignée de ma valise.
- Encore quelques mètres... Courage !
Il fallait bien ça pour que je puisse continuer mon chemin et arriver devant la porte. Je pouvais sentir mes poils se dresser sur mes bras à chaque pas. Mon angoisse grandissait et mon cœur se retrouvait au niveau de ma gorge.
Je n'avais pas dix-huit ans quand mon père avait décidé qu'il était temps de quitter cette maison et aujourd'hui, j'en ai presque quarante... Même loin de cette maison, j'avais gardée un œil dessus et de ce que j'en sais, toutes les familles qui l'ont achetée, elles ont toutes perdue un fils... Leur premier fils...
Un frisson glacé parcourait mon échine quand je posais un pied sur la première marche du porche. Je ne pouvais plus faire marche arrière, car la porte d'entrée s'ouvrit et un homme venait d'apparaître.
J'allais en finir avec cette maudite maison...
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