L'arrivée de Dado suivait le cours du vent, et s'était répandue dans tout le village. Qui ne connaissait pas Dado, à présent qu'elle avait manqué de respect aux ancêtres, qu'elle avait entaché leur lignée, qu'elle avait tout simplement laisser son fils s'unir à une "Teugue", une castée. D'aucuns la lorgnaient des yeux tandis que d'autres lui adressaient à peine la parole. Elle avait choisi ses habits les plus chers et les plus soignés pour impressionner le village, leur montrer qu'elle était nantie, même si la réalité faisait planer le doute. Il fallait bien qu'elle joue le jeu pour appâter quelques candidates. Hélas, au village, les filles ne sont pas indépendantes, elles obéissent à leurs parents au doigt et à l'oeil. Et au Fouta, l'honneur prime sur la richesse. Chez les peuls, l'honneur ne s'achète pas. Mieux vaut mourir que de subir un affront. Et cela, Dado l'avait bien compris. Même si elle charmait les jeunes filles avec sa prétendue richesse, elle jouait un autre role avec leurs parents. Celui de la parenté! En effet, les liens du sang sont plus fort que tout. Nul besoin de rappeler le célèbre proverbe peul "Nédo Ko bandoum". Et elle savait qu'il ne lui restait plus que cette carte à jouer. Qui de mieux placés que ceux de sont sang pour retirer le noir du lait, pour redorer le blason familial. Elle savait que toute sa famille lui en voulait, mais partout où elle passait elle brandissait l'argument de l'affront. Ainsi, la tâche finissait par être moins difficile que ce qu'elle pensait.
Ce qui était difficile pour Lamine, à l'autre bout du pays, c'était de rester là à guetter ne serait-ce qu'un bruit de pas, ou le mouvement de la porte. Il s'ennuyait, s'inquiètait, mais attendait quand même. Aucun message de sa part, il l'appelait mais tomber sur sa boîte vocale. Les minutes passaient, le temps filait, une heure s'était écoulée, et Banel n'était toujours pas là. Allait-il espérer encore ou annuler tout simplement la réservation et se rendre au domicile de cette dernière. Il ne savait pas quoi décider, et l'ambiance ne l'aidait encore moins. Il ne voulait pas que leur première virée nocturne se passe comme toutes les autres, et ne se mélange à tous ses souvenirs d'un soir autour d'un buffet. Il voulait que celle-ci soit spéciale ou disons unique. Les femmes ont ceci en commun, elles détestent toutes la routine et adorent les effets spéciaux. Quoi de plus qu'un changement de taille pour marquer l'esprit d'une femme. Oui il faut être authentique, et surtout ne pas être un homme parmi les hommes. Il faut tout simplement être L'HOMME. L'HOMME qu'elle n'a jamais rencontré; L'HOMME qu'elle n'a jamais vu, L'HOMME avec lequel elle n'a jamais vécu. Lamine s'était décidé à être L'HOMME. Et il avait réservé tout un restaurant rien que pour une soirée, pour une nuit, pour un diner. Mais ce diner il allait bien le faire tout seul puisque celle qu'il attendait ne s'était toujours pas profilée à l'horizon. Il était seul, là, au milieu d'un décor des plus fascinants, des plus époustouflants, des plus épatants pour un diner en amoureux. Toutes les tables avaient été écartées, il n'y en avait qu'une seule au milieu de la salle. C'était l'idée du gérant, vu que le client y avait mis le prix. Pas n'importe quelles lampes étaient allumées , c'était les lampes de coins en formes de losanges enroulées de cristaux fin. Ces lampes avaient coûté une fortune au propriétaire et n'étaient allumées que pour des occasions spéciales comme celle-ci. Des occasions où le client mets la main à la poche, et nous ne parlons pas là de quelques billets d'un soir mais de plusieurs liasses. Des liasses, le client en avait décaissé assez pour que les plats les plus luxueux du restaurant soient mis sur leur table. Il en avait tellement décaissé que les couverts du quotidien avaient été remplacés par d'autres en bronze. Tic, Tac, et l'horloge tournait... La porte venait de s'ouvrir sur celle qu' il attendait depuis, celle que tout le monde attendait, et même le gérant, les serveuses sans parler de l'orchestre du soir qui commença à jouer une petite touche d'acoustique. Il s'était levé, non sans enlever les plis de son visage qu'il avait renfrogné à force d'attendre pendant que, elle; était ébahie mais gardait quand même tout son calme et sa finesse. Si, elle était époustouflée du cadre et de l'ambiance, lui; faisait un zoom sur cette belle créature qui n'avait laissé aucun détail. Une coiffure simple en queue de cheval, un maquillage discret avec une petite touche dorée, une robe longue noire avec un petit décolleté et une fente qui s'arrêtait au tiers supérieur de la cuisse, des chaussures jaune-or assorties à des bijoux dorées, le black and gold était éclatant. Une touche qui avait plu à l'homme, Lamine était séduit par le fait que Banel savait être glamour et classe, tout en étant sexy. Bien que tout son corps frémissait à l'entame des bises, il en voulait plus, avec cette peau douce qui frôlait ses joues un peu barbues, avec un parfum aussi envoutant que jamais son odorat n'a inhalé, mais vous savez un gentleman reste un gentleman, et il ne se permit point de la retenir plus longtemps, lui tirant la chaise et l'invitant à s'asseoir. Il ne manqua pas de lui dire oh combien elle est belle et ravissante, oh combien cette robe lui va, elle répondait par un petit sourire et des "merci" à n'en plus finir. Toute la lassitude s'était dissipée maintenant qu'elle était là. Elle voulut s'excuser pour l'attente, mais il lui fit la remarque qu'il attendrait encore des jours s'il le fallait, parce qu'une reine doit toujours prendre son temps. Elle était surprise de la réponse, comme qui dirait que quand un homme vous aime, vos erreurs les plus impardonnables, deviennent un péché mignon dont il ne faut pas s'en soucier. L'entrée venait d'être servie; du Gaspacho Andalous...
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Au delà du Fer et de l'Enclume
RomanceBasée sur une histoire vrai et vécue, cette chronique passe le peigne fin sur les réalités sénégalaises en se basant sur le vécu peu ordinaire d'un couple amoureux