Ma grande dame !

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Il va falloir la jouer fine. Le roi est occupé à trier ses pailles : il va bientôt désigner l'aveugle. Discrètement, je renverse le contenu de ma flûte dans le pot d'un majestueux ficus. Pas sûre qu'il apprécie l'alcool ! Je remplis ma flûte d'eau, en vérifiant que personne ne me voit. Si quelqu'un découvre la supercherie, je suis grillée. Je retourne à ma place l'air de rien. En tirant la plus courte des pailles, Pioupiou vient de se désigner aveugle. Les yeux bandés, il avance vers moi. En prenant soin de placer ma canne derrière ma jambe, je recule. Je vais m'étaler c'est sûr ! Que ne ferais-je pas pour toi, ma comtesse... Un pas en arrière puis un deuxième, je perds l'équilibre : génial ! Tout en m'affalant lamentablement, je lance le contenu de ma flûte sur ta jolie robe. Le bleu ciel s'obscurcit. Deux de mes collègues se précipitent pour m'aider à me relever. À peine debout, je m'exclame :

— Oh non ! Ta robe va être tachée, ma chérie. Faut absolument nettoyer ça.

Un jeune valet s'approche :

— Si ces dames veulent bien me suivre.

Mais avec plaisir, mon petit gars. Tu n'as pas été dupe. En souriant, tu me remercies d'un clin d'œil. Tu en es quitte pour un petit massage de ma fesse droite. Nous suivons le jeune homme dans un dédale de couloirs qui nous amène dans une salle de bain absolument somptueuse. Marbre sur les murs, baignoire digne des jacuzzi de spa, douche à l'italienne aussi grande que notre chambre. C'est à peine si nous osons entrer. Je prie le valet de nous laisser, nous retrouverons notre chemin seules. Nous l'observons s'éloigner puis en un unique regard, nous éclatons de rire. Tu ris à gorge déployée, et c'est bon. Terriblement bon ! Mes projets de fin de soirée me reviennent d'un coup en voyant ta poitrine tressaillir. Tu déposes avec délicatesse un baiser sur ma joue. D'un air mutin, tu me prends la main.

— On visite un peu ?

Je suis un peu déçue. J'aurais préféré rentrer en mode rallye et tirer sur ce fameux ruban taquin. Tu me traînes vers la première porte. Un débarras ! Et oui, même dans les châteaux, il y en a ! Tu refermes et me conduis vers la porte suivante. Je te suis un peu étonnée de te voir aussi exubérante. Et ce petit nœud qui volette dans ton dos ! Tu ouvres et nous restons en arrêt devant la beauté de la chambre. Bon, j'avoue : les moulures, dorures, tentures, lit à baldaquins, armoires et commodes style Louis XIV je suppose, ce n'est pas ma tasse de thé ! Mais faut reconnaître que l'ensemble est magnifiquement agencé.

Nous avançons à pas de loup, je referme : la chambre est déserte, pas d'autres portes. Tu admires le travail des différents artistes, une source d'inspiration pour des dessins futurs. Je remarque la clé sur la serrure, mes idées coquines refont surface : je donne un tour. Les arabesques aux murs me font penser à celles que tu aimes dessiner sur ma peau. J'ai un peu chaud : j'enlève ma perruque et dénoue ma cravate. J'ignore pourquoi j'ai ce genre d'association d'idées quelque peu saugrenue mais le bandeau du colin-maillard, ma cravate et mon envie de toi s'associent.

Tu contemples un portrait, celui de Louis XIV j'imagine. Je m'approche doucement, t'enlace : ton corps entier s'appuie sur moi et ta tête vient se poser au creux de mon épaule. Après ces huit jours de bouderie et de crispation, je te retrouve enfin, je suis bien. Mes mains se placent d'elle même sur ton ventre que je caresse doucement. Mes lèvres se pressent sur ta nuque, tes cheveux me chatouillent le nez, alors j'abandonne, avant de transformer ce moment de sérénité en une salve d'éternuement.

Mes mains glissent sur tes flancs puis sur tes hanches. Ton souffle se fait légèrement plus rapide, tu te retournes assez vivement. Tes mains entourent mon visage et tes lèvres se posent sur les miennes sans douceur. Tu as envie de moi, c'est ta façon de faire. L'une de tes jambes s'insinue déjà entre les miennes. Pas de paroles inutiles, je réponds avec ardeur. Tu veux prendre les choses en mains mais il n'en est pas question. Je ne te laisserai pas contrecarrer mes plans : d'abord ôter ton corsage puis tes jupes. Et oui, il y avait plusieurs jupes à cette époque et elles ont toutes un nom !

Prémices - Ecriture à quatre mainsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant