8 Janvier 2018 (J-180)

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Mes journées sont très rythmées. A 7h00 du matin, c'est le réveil en fanfare. Chacun au garde à vous,  les mains à travers les espaces situés entre les barreaux, nous attendons le service du petit-déjeuner. Jusqu'à 8h00, nous faisons notre toilette et nettoyons notre cellule. Elle est si sombre et grise qu'il est impossible d'obtenir une pièce rayonnante et éclatante. La poussière à beau se faire anéantir par notre ménage, elle persiste à revenir quelques heures plus tard.

Par la suite, jusqu'à 11h30, je travaille. J'ai cette impression d'être un esclave. Une dizaine de gardiens surveillent que l'on accomplisse bien notre tâche. Si d'aventure nous venions à faire une courte pause, l'un d'eux commence à lancer des insultes haut et fort pour intimider et tenter de garder la supériorité. Parfois même, il tabasse le prisonnier. On doit transporter de lourd matériaux d'une extrémité à l'autre du centre pénitencier afin de reconstruire l'un des bâtiments victime d'un effondrement suite à un fort séisme. Nous avions un quota minimum de matériaux à déplacer. S'il n'est pas respecté, une sévère sanction nous est donnée et la rumeur dit qu'au bout de la troisième fois, la fureur de la directrice de la prison s'abat sur nous et qu'elle nous fait tellement regretter notre geste que les prisonniers qui sortent de son bureau sont traumatisés. Heureusement pour moi, ma force ne me fait pas défaut mais les 3h30 de corvées sont difficiles, fatigantes  et strictes ce qui rend parfois la matinée dure.

Ensuite, vient enfin le repas. Il a lieu dans une cantine commune. Je retrouve le cliché des films et séries où le cuisinier propose des substances liquides à l'aspect d'une éjection gastrique, à la texture fort peu agréable de gelée, à l'odeur d'une charogne en décomposition et au goût d'un semblant d'escargot vivant, le tout accompagné d'une eau calcaire et d'un sourire invisible sur les lèvres des serveurs. Il faut quand même que je me force à manger pour avoir la force de finir ma journée.

A 12h15, je retourne dans ma cellule pour retrouver mon camarade. Nous restons 45 minutes durant lesquelles je décide de me reposer un peu. Du moins j'essaie car le bruit incessant des prisonniers qui parlent d'une pièce à une autre et ceux qui provoquent les gardes pour les effrayer. Je peux difficilement être tranquille. Sur mon lit, je ferme parfois les yeux ou j'écris ce journal.

Etant donné que je travaille, j'ai l'autorisation d'aller à la promenade des détenus de 13h00 à 14h00. Je profite de cet instant pour respirer l'air pur qui m'entoure sans avoir de contraintes. Je m'assois sur un banc et regarde les autres, prêt à intervenir si un problème se présente. Souvent, c'est cette heure de la journée qui est la plus rapide car elle est la plus appréciable.

Puis, jusqu'à 15h30, je dois retravailler car le bâtiment doit être reconstruit dans un délai d'un an. Ce qui n'est pas bon signe car cela signifie que je ferai le même travaille tout le long de ma peine. Le soleil éclaire à son maximum la prison à ces horaires, alors les gouttes de sueur se font le plaisir de sortir de mon corps et couler le long de mon visage jusqu'à humidifier mon vêtement orange. Une pause n'est toujours pas de mise, même pour s'hydrater un peu.

Et lorsque l'heure limite arrive, je peux enfin faire mes loisirs. Il y a une bibliothèque, une salle de télévision, une salle d'ordinateur à laquelle je n'ai pas l'accès, et surtout la cour où je décide de faire des exercices de sport. Soulever des haltères est mon passe-temps favoris. Mon record s'élève à 112 kg. Ici, le maximum à soulever est de 70 kg. Je réalise plusieurs exercices et le plus souvent il me reste 30 minutes. Pendant celle-ci, je suis à la bibliothèque pour écrire mon journal. Je n'ai rarement le temps de le finir.

Par la suite, nous avons 30 minutes pour prendre une douche. Ce n'est pas très agréable car elles sont collectives. Des regards indiscrets sont jetés dans tous les sens pour regarder ou juger la taille  de "vous savez quoi"... Cela est assez gênant et frustrant. Je met 5 petites minutes pour me laver, cheveux y compris.

Je remange enfin le même repas délicieux qui nous est offert le midi avant de regagner ma cellule à 19h00 et ce, jusqu'au lendemain 8h. Durant cette période, il se trouve que je ne dors malheureusement pas. C'est très compliqué car j'ai l'impression de dormir sur du béton rugueux avec des imperfections qui donne des reliefs aléatoire à celui-ci. Je prend donc du temps pour terminer ce journal et tenter de dormir. En règle générale, mes nuits durent environ 6h. Seulement 6h de sommeil pour des journées aussi chargées et intenses...

Prisonnier De L'injusticeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant