Le lendemain, je me réveille dans une chambre déserte. Mordred a déjà préparé nos bagages - deux énormes sacs à dos - et m'attend sans doute dehors. J'enfile une chemise qui traîne là. Elle est trop grande : elle doit appartenir à Mordred.
Lorsque je sors de la chambre mon frère m'accueille avec un large sourire, tout comme mon père. J'aperçois mon ami, au loin, qui discute avec d'autres membres du clan de Tyra. Je les vois rire et s'amuser et cette vision m'enchante. Lorsque son regard croise le mien, son corps se détend. Mordred s'approche lentement de moi :
- Tu as bien dormi ?
- Oui, très bien, réponds-je.
- En es-tu sûr ? Tu as une petite mine...
- J'aurais sans doute eu moins froid si tu avais dormi à mes côtés.
Alors que ces mots m'échappent, mon sang emplit mes pâles joues. Je m'attends à une étreinte réconfortante comme chaque fois que je suis inquiet ou gêné, mais Mordred ignore ma remarque. Il se dirige vers notre chambre et en ressort chargé comme une mule. Je m'empresse d'aller l'aider et lui demande s'il est vraiment nécessaire d'emporter tout cela avec nous. Il rétorque froidement que oui. Il saisit ensuite un genre de selle aux dimensions démesurées qu'il a acheté il y a environ un mois. L'utilité de cette objet me paraît claire à présent : il s'agit d'un équipement pour wyverne. Encombré de tout ce matériel, il me fait signe de le suivre et se dirige vers la sorti de l'auberge. Je m'empresse d'aller faire mes adieux à ma famille et à la guilde avant de lui emboiter le pas. Il nous faudra deux heures de marche afin de nous éloigner assez de la ville et ne pas effrayer les gens avec le dragon.
La premier heure déjà bien entamée s'effectue dans un silence des plus complets : Mordred ne m'adresse pas même un regard. Je décide alors de me renseigner.
- Je ne t'ai pas demandé : as-tu bien dormi, toi ?
- Oui, me lance-t-il froidement.
Face à cet échec de communication, je me résigne à parler. Je ne l'ai jamais vu aussi distant depuis notre rencontre. Il est vrai qu'il est parfois nostalgique et pensif, mais il suffit d'une accolade pour le tirer de cette état et le voir revivre.
Nous arrivons enfin dans une petite clairière au milieu des bois. Notre ami ailé descend des cieux et nous rejoint sur la terre ferme, où Mordred l'attend avec la selle. L'animal se laisse sanglé sans trop de difficultés et nous accrochons les sacs à son dos. Je m'étonnes quand Mordred lui demande de nous suivre parmi les nuages, et j'en déduis que nous allons traverser le pays à pied. Lorsque j'y repense, il me paraît évident de ne pas demander à une créature si majestueuse de nous porter, nous et nos bagages.
Voilà une semaine que nous marchons, ne nous arrêtant que pour manger ou dormir, et ce silence mutique commence à entamer ma patience. Mordred ne m'accorde que la politesse, comme si tout ce que nous avions vécu n'avait plus d'importance. Las de cette situation et décidé à retrouver le Mordred que je connais, je décide, ce soir, de tirer cela au clair, une bonne fois pour toute.
- Que t'arrive-t-il ? lui dis-je sèchement.
- Rien, répond-il sans vraiment se soucier de moi.
- Cesse de jouer avec le feu et réponds-moi honnêtement : ai-je fais quelque chose de mal ?
À cette instant, je ressens comme une sombre colère sans égal dans mes souvenirs. Il pose la branche qui lui servait de tison et reste immobile. Je pense alors que ma réaction est démesurée. Mais avant que je n'ai pu m'excuser, je vois une larme perler sur la joue de Mordred. Je m'empresse de l'essuyer et passe mes bras autour de mon ami. Ses murmures étranglés tombent dans mon oreille coupable :
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Journal d'un Roi
FantasiTandis que les dieux semblent avoir abandonné Aerdir, quelques héros vont tenter de maintenir la paix. Qu'ils accomplissent leurs rêves ou renouent avec leurs origines, un destin glorieux les attend.