A la suite des articles introductifs et de ma présentation de la lutte qui est non seulement un patrimoine culturel et sportif pour nous sénégalais, je m'en vais, dans l'espoir de ravir mes lecteurs et ceux qui raffolent des récits de fiction ou autres œuvres romanesques, vous faire une présentation de cet humble ouvrage nommé "le petit samba".
il est dédie à :
mes premiers lecteurs
vous tous qui partagez sans cesse et apportez vos contribution de par des encouragements et des critiques.
Merci!
"Le petit Samba"
La routine, encore la routine, tout le temps la routine, dans ce quartier très populaire du nom de « Geum sa Bopp » qui veut dire croire en soi. C'est un quartier comme les autres, perdu au fond de la banlieue de Dakhaar, capitale de « Sen Waar » (votre travail)
A l'image de sa ville et de son pays, « Geum sa Bopp » est le reflet exact d'un mixage hétérogène de tradition et de modernité ; Un carrefour de cultures et de croyances diverses où différence aucune n'est faite entre le diola, le sérère, et le toucouleur... allant des Baye fall aux Khadres, en passant par les enfants de Marie, les Hibadu et les Ceedo. L'unité et le respect d'autrui étaient des sentiments toujours bien préservés.
C'était encore elle, la routine, qui accompagnait chaque matin, de très bonne heure, nos mamans au marché, les enfants de l'école coranique Serigne Mor ou ceux de l'école publique, avant de rejoindre les quelques rares étudiants et les nombreux ouvriers, et pour finir, se joindre à nous qui occupions chaque angle du quartier ou place publique pour disserter sur tout et rien, de politique et de sport autour d'un bon « Ataya » (traditionnel thé) que l'on laissait cuir tout lentement, paisiblement avec beaucoup d'attachement. Vraisemblablement nous étions tels des gardiens du coin, les « font tout ». On connaissait tout le monde, on savait tout du dealer de chanvre indien et de ses clients les plus fidèles, de l'indicateur qui rodait tout le temps, du petit voleur et même des filles aux mœurs légères.
Toutefois, malgré le vacarme assourdissant qui existait dans le quartier, malgré la diversité de caractères, d'us et de religions, malgré sa popularité et la mauvaise réputation des jeunes qui y vivaient, c'était un quartier paisible et joyeux où s'exerçait une véritable « Teranga » et une communion entre tous les habitants, même s'il arrivait souvent que, mère Nogaye NDoye, une dame assez imposante de par ses rondeurs et sa voix grave, distribue les injures des plus fracassants et des plus vulgaires à qui voulait se frotter à elle. « Mère dolé » comme on avait plaisir à l'appeler, était notre protégée, et celle qu'il ne fallait surtout pas provoquer. Tantôt gentille, douce, souriante et à la seconde suivante le diable en personne, un guichet automatique à insultes.
La routine, encore elle, presque tout le temps dans le quartier « Geum sa Bopp » fixant du regard les enfants qui après des heures d'apprentissage prenaient plaisir à gambader par-ci par-là, à jouer à cache-cache ou au « fameux papa et maman ». A les regarder, j'avais le sourire qui pendait sur mon visage sombre et ruiné, me rappelant ces années passées, un temps heureux qui s'est échappé. D'autres par contre, préféraient venir s'assoir avec nous à écouter nos conversations. Une aubaine pour nous qui avions à notre disposition de petites jambes pour faire le trajet entre la boutique de Diallo et notre banc public. Parmi cette dernière catégorie d'enfants se trouvait très souvent le petit Samba. Un adolescent de 13 bougies, au teint noir, très noir, et aux yeux en sphères marron, les cheveux toujours dépeignés, mince et élancé. Samba avait l'air très heureux et respectueux. En classe de 6ème, il était intelligent et paraissait mature pour son âge. Il faut dire qu'il apprenait beaucoup, à fréquenter ses grands frères chômeurs, diplômés ou ouvriers et maîtres de la rue. Mais le petit Samba avait du mal à exceller en classe, à se faire de bonnes notes. Une situation qui déplaisait à sa maman Fatou Sarr, ménagère et à son père Aly Touré grand marabout du quartier, qui d'ailleurs aurait préféré que son fils s'engage dans l'apprentissage du coran.
Pour maman Fatou, l'idéal aurait été que samba fréquente Abdou, Adama et Awa, les seuls jeunes de notre génération à avoir atteint la classe de terminale, voyant un avenir prometteur pour eux. Tout le monde les appréciait dans le quartier sauf bien sûr nous. On n'avait rien contre eux en fait, juste qu'il était difficile pour nous de comprendre comment ils faisaient pour ne point aimer le sport, la bagarre, et l'école buissonnière, les virées nocturnes, et les soirées dansantes. Comment ils faisaient pour s'accrocher uniquement à leurs études, avec autant d'acharnement et de conviction, alors que pour la plupart d'entre nous, le seul fait de lire un roman aussi bon soit-il était comparable à un calvaire sans fin.
Le temps passa très vite. Deux années s'écoulèrent et le petit Samba en classe de 4ème voulut abandonner l'école à la surprise de ses parents.
Pour dire vrai, ce n'était pas une surprise pour moi. On était assez proche, le petit Samba et moi, et nous échangions souvent lorsqu'il venait s'assoir avec nous.
N'allez surtout pas croire que le petit Samba n'était pas intelligent ou ambitieux... loin de là.
Seulement, entre les moments de jeu pendant lesquels il s'amusait à lutter avec ses amis du quartier ou camarades de classes, les prouesses de son idole devenu très vite un grand lutteur connu à travers tout le pays et surtout le fait qu'il prenait plaisir à aller, chaque soir, admirer, les yeux pleins de lueur, ces milliers de jeunes à la plage, torses nus, poitrines bombées, muscles saillants, vêtus de « guimb », se mêlant entre eux, s'arrachant les uns les autres sous les cris, les applaudissements et les « baak », a germée en lui une passion indéniable pour ce sport.
_ J'ai pris ma décision, je veux devenir lutteur !
Me dit le petit Samba d'un ton ferme et d'une assurance pleine.
A l'entendre, j'étais, d'une part, ravi par la détermination de ce petit bout de bois de Dieu, sachant que le talent était présent et que ce don assimilé à cette hargne et à cette motivation dont il faisait preuve pouvaient le mener très loin. D'autre part, j'étais inquiet de voir un enfant de 15 ans abandonner l'école pour se risquer, si tôt, dans la jungle de la lutte. J'aurais préféré qu'il assimile son éducation scolaire à sa passion. Qu'il combine études et sport. Ce fut pour moi, le meilleur conseil à lui donner. D'ailleurs, pour trouver des exemples il ne fallait pas aller très loin, pas besoin de traverser la rue, nous étions de parfaits exemples et connaissions les méfaits autour de l'abandon de la vie scolaire et subissions les conséquences de cette regrettable décision jadis prise.
Cependant, les parents de Samba n'étaient pas du même avis que moi. Pour eux, la lutte est un sport indigne, un moyen de perdition pour la jeunesse, un rendez-vous avec la violence et le banditisme. A gros muscles, petite cervelle disaient-ils. Pas question de s'adonner à la lutte, c'est soit l'école pour devenir médecin, professeur, bureaucrate ou rien ! Continuer ses études peu importe le choix et les capacités de leur petit Samba sur qui ils avaient placé plein d'espoirs. C'était tout clair comme de l'eau de roche : soit l'école, soit la porte !
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Les Chroniques d'un Amateur de Lutte
Short Storydans un contexte où la lutte au Sénégal connait une période agitée après de beaux moments de gloire, un jeune amateur va décider de faire une analyse de la situation car conscient de la valeur de ce sport traditionnel mais aussi de son impact sur le...