Visites inattendues

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Sans le moindre mot, la brigade me repoussa, négligemment sur le sol glacial de la cellule, puis referma la porte dans une assourdissante symphonie de clé.

Je regardais tour à tour mes haillons d'émeraudes et de magnificences, symbole de femme de la Cour. Il ne me restait plus que ces lamelles de diamants, souvenirs d'une vie oisive de luxe et d'influence. Je ne pouvais espérer retrouver cette existence-ci, puisque je ne vivrais peut-être plus d'ici quelques heures. La reine était détrônée, prisonnière du roi qui attendait la voir déchue.

J'examinais ensuite l'immense pièce vide. Elle comportait un large amas de paille élevé d'une planche de bois : ce devait être ma couchette ; un lavabo de marbre fêlé, où mes prédécesseurs, épris de folie, s'y étaient déchaînés ; et une lucarne tellement étroite que je ne pouvais même pas y passer un bras. Les quatre cloisons d'or et les colonnes de cuivre de la geôle m'affirmèrent que ce fut la forteresse des arlequins les plus haut placés. Ainsi, je me trouvais à la prison du Pôle.

Le bourdonnant mutisme m'assommait les tympans comme des coups de tambour. Je n'entendais seulement que le rythme accéléré de ma respiration. Cette alvéole semblait me priver de tout autre sens que la vue : pas une senteur, ne serait-ce que celle de mes larmes de sueur, embaumait la pièce ; le sol et les parois étaient si impeccablement astiqués que ma paume les frôlait à peine.

Je me sentais désormais seule, confinée entre ces murs éclatants de vénustés. Je les observais, au plus profond de leur recoins luisants. Lorsque le ciel se fit de plus en plus sombre, je connaissais sur les bouts des gemmes, la moindre fissure, le moindre grain de poussière, et aussi cette étrange ruissellement, dont les gouttes gouttaient sur le carrelage remplissant le silence de son chant.

Non ce n'était pas une fuite, c'était un ruisseau entier qui s'écoulait à la manière d'une cascade, et qui devint au final une silhouette que je connaissais très bien. C'était Dieu. Dieu, avec ma propre apparence du jour où l'on s'était rencontré dans la forêt. J'étais tellement heureuse de le voir que je m'étais empressée de m'agenouiller à ses bas, ornant la cavité de pierres précieuses.

- Vous êtes venu pour me sauver, n'est-ce pas Dieu ? lui demandais-je euphorique.

- Non

La réponse était telle que je fus médusée sur place. Incrédule, je m'agrippai avec force au tissu grisâtre de sa tenue.

- N...Non ? articulais-je difficilement.

- Non, tu as bien entendu, ma petite.

Non, cela ne pouvait pas être possible ! Il devait y avoir une erreur. Je lui avais obéi à la lettre, avait tout fait pour que Farouk fasse ce qui était écrit. Alors pourquoi Dieu refusait de me sortir de cette impasse ?

- Eh...b...bien pourquoi êtes vous venu ?

- Scelle tes charmes... sèches tes larmes, me répondit-il en essuyant d'un revers de manche la tristesse qui s'emparait de moi. Je suis venu pour te dire que tu m'as terriçu déblement... terriblement déçu, moi qui te faifiance consais...faisais confiance. Jamais je ne t'avais demandé de comssé son paprendre...comprendre son passé, tu n'avais pas besoin de savoir tous ces sombrets secres...sombres secrets sur Odin. Tu va être puni, comme moi je l'ai été.

Sur ce, Dieu s'évapora en se transformant en un nuage qui s'échappa par la toute petite baie de ma cellule. Décidément, je commençais à croire que j'avais fait autant d'effort pour n'arriver à rien.

Folle de rage par la trahison de Dieu, j'arrachai les perles de ma tenue, frappai à mains nues les murs et l'évier de marbre qui ne cillèrent pas, balançai la paille de tout part, et morcelai le miroir scintillant d'un coup de poing.

𝕸é𝖒𝖔𝖎𝖗𝖊𝖘 𝕯'𝖚𝖓𝖊 𝕮𝖍𝖗𝖔𝖓𝖎𝖖𝖚𝖊𝖚𝖘𝖊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant