Lupa ridet

2 - La griffe de l'Addanc

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*

— Attends !

Un craquement et Sahale se métamorphosa en voirloup, une immense créature au poil noir comme le charbon. Il la rattraperait sans aucun doute, cette fille ! Elle allait voir ! Une bouffée d'orgueil royal l'envahit : il était fier de ses accomplissements plus que de son sang bleu, mais n'avait pas l'habitude qu'on lui oppose la moindre résistance. Ni qu'on se montre si impertinent. Il était l'un des guerriers les plus prometteurs du royaume : il allait sans aucun doute réussir à rattraper cette fille à la course ! Il bondit, sans effort, humant l'odeur de la voirlouve qui s'était aussi transformée. Ses yeux, dans le feu de l'action, devaient lui faire défaut car il crut voir la forme d'un félin ocellé, une immense panthère, entre deux arbres. Les voirloups n'avaient pas un tel pouvoir ! Des chats, oui, bien sûr, mais une panthère... ?! Sahale peinait à rattraper la fille. Il tenta de communiquer avec elle par voie mentale, mais se heurta à un mur épais : elle savait se protéger. Peut-être même trop bien, puisque son esprit masquait toute tentative d'échange. Le prince réalisa brusquement que cette protection dont bénéficiait la fille allait plus loin : il ne pouvait même pas envoyer de message à son escorte, qu'il avait semée des dizaines de lieues plus loin. Cette inquiétude lui traversa lentement la tête, occupant un peu trop ses pensées. L'odeur forte d'une bête n'atteignit ses narines que trop tard : la voirlouve l'avait mené dans un piège.

Nulle part trace de la fille, mais Sahale fut obligé d'admettre qu'elle avait joué finement : il se tenait devant une tanière d'addanc. Compte tenu de l'énorme déjection fraîche qui se trouvait à l'extérieur, l'addanc était là. La brume étrange qui entourait l'esprit de Sahale s'effaça et il ne réalisa qu'alors que quelqu'un – cette fille, à coup sûr ! – avait nimbé ses sens pour l'empêcher de percevoir la présence de l'addanc et de comprendre qu'il fonçait tête baissée dans un piège. Une femelle, nota le voirloup sans plus bouger. Une portée de cinq petits, déjà assez grands pour manger de la viande.

Sahale n'avait aucune chance s'il les affrontait de face et il choisit donc la fuite. Se retirer n'est pas fuir, dirait bien plus tard Cervantès. Le vacarme et le souffle atroce de l'addanc femelle empuantit aussitôt les lieux, le monstre avait perçu la présence du prince. Ce dernier ne ressentit pas de peur, seulement de l'inquiétude, car le royaume connaissait une paix et un calme plus que précaire. Que l'héritier disparaisse et le pays sombrerait dans des guerres sans nom. L'addanc était trop près, la voirlouve avait bien fait son travail ! Cette traîtresse devait faire partie de ces rebelles dont son père lui avait trop souvent parlé. Dire que Sahale avait nié leur existence ! Il n'avait cessé de répéter au roi que la rébellion avait été étouffée depuis longtemps, que plus personne n'aurait osé un tel coup d'état ! Cette voirlouve l'avait mené à la mort. Le jeune prince galopait sans s'arrêter ou se retourner, dans l'épaisse forêt vierge, percevant derrière lui les arbres qui s'écroulaient sous le passage du monstre – un castor de la taille d'une petite maison et donc la mâchoire s'agrémentait d'une rangée de dents qui n'aurait pas fait rougir un caïman. Sahale ne savait qu'une chose sur les addanc : s'ils vous prenaient pour cible et que vous étiez seul, croiser son regard signifiait que vous étiez dix fois trop près, aussi le voirloup tournait le dos à l'addanc.

— Mais qu'est-ce que tu fais ?!

Le hurlement, à la fois plein de peur et de colère, lui parvint de la cime des arbres, sans qu'il puisse le localiser. C'était elle. Elle se moquait de lui ! La fureur emplit Sahale, qui ne se fit pas prendre à un piège si grossier. L'addanc, créature stupide s'il en est, ralentit un peu sa progression et leva la tête vers les arbres. Il était trop lourd pour grimper et il le savait. Il cracha sur Tala avec fureur mais reprit sa course.

— Qu'est-ce que tu attends ? Transforme-toi !

La voix de la fille, impérieuse, irritait Sahale au plus haut point. Qu'avait-elle besoin de le voir mourir ?!

— Idiot ! Transforme-toi ! Transforme-toi !

L'addanc le rattrapait, se désintéressant totalement des gesticulations et des cris furieux de la voirlouve. Le monstre lança une patte en avant pour faucher Sahale. Cette patte était pourvue de doigts aussi grotesques que ceux d'un aye-aye et était munie de trois très longues et très fines griffes – des aiguilles mortelles, car l'addanc, à l'instar de nos modernes nycticèbes, avait une salive au très fort potentiel allergène. Le premier coup épargna le prince. Le second lui déchira le dos.

Un cri de surprise et d'horreur tomba du ciel : la fille semblait fâchée de voir ce que l'addanc avait fait. N'était-ce pas elle qui avait piégé le prince voirloup ?

— Transforme-toi ! rugit la fille. Transforme-toi !

Sahale ne cessait pas de galoper, il ne voulait plus entendre cette horripilante créature ! Qu'elle aille se faire pendre ! La brûlure, sur son dos, lui semblait s'étendre. Il saignait à flots.

« Mais espèce d'imbécile ! Pourquoi est-ce que tu ne t'es pas transformé ?! »

« Laisse-moi ! Tu paieras pour ça ! »

« Tu n'avais qu'à te transformer ! »

Une immense panthère ocellée tomba des frondaisons devant lui, rugit avec fureur et se ramassa sur elle-même : Sahale ouvrit de grands yeux, cette fille n'allait tout de même pas...

Les muscles puissants du fauve le propulsèrent droit vers les yeux de l'addanc, toutes griffes dehors. Le prince ne put se retenir de se retourner pour admirer le choc du titanesque monstre contre la panthère. Cette dernière se plaqua, feulant et rugissant, contre la face immonde de l'addanc, lui laminant la peau, arrachant ses vibrisses avec les pattes arrière et tentant de lui crever les yeux de ses pattes avant.

« Va-t'en ! Va-t'en, je te donne de l'avance ! »

« Tu n'as pas à me donner d'ordres ! »

« Tu vas me gêner ! »

Furibond, Sahale accueillit cette phrase avec la superbe dont on se doute. Il rugit et se jeta à son tour dans la mêlée, mordant à pleines dents la patte qui lui avait infligé une si cruelle blessure. Ce qu'il ne réalisait pas était que le venin faisait effet, ralentissant sa pensée et ses gestes.

« Tu es trop faible ! Tu vas... »

La voix de la fille fut brutalement interrompue : l'addanc venait de la propulser contre le tronc d'un arbre, lui coupant le souffle. Un rugissement de rage fit vibrer les feuilles et l'addanc poussa un cri épouvantable, semblable au vagissement d'un nourrisson. Un nourrisson d'une tonne cinq. Sahale sentit la tête lui tourner et il trébucha. Il allait perdre conscience d'un moment à l'autre. Pourtant, il ne pouvait pas tomber, pas ici. Pas seul. Le royaume allait en pâtir. Il y aurait des arrestations et le peuple allait encore souffrir. Les feulements furieux de la fille sifflèrent dans la jungle et elle bondit loin des lieux du combat. Elle abandonnait le prince – qui lui en aurait voulu ? Le combat était bien trop inégal. L'addanc comprit un peu plus vite que Sahale où Tala se rendait et fit volte-face. La voirlouve n'avait eu d'autre choix que de faire diversion, se ruant dans la tanière du monstre afin de reporter l'attention de ce dernier sur ses petits.

Sahale comprit à demi cette stratégie. Il frissonna, la plaie sur son dos enflant à vue d'œil. Sa respiration se fit difficile, il avait froid. Il tomba en avant et vomit sur le sol de la forêt. Parvenant à se redresser, il tenta de se diriger vers la tanière, car il ne serait pas dit qu'un fils de Jamshid aurait fait preuve de lâcheté, mais son corps se détendit brutalement et il perdit connaissance, ses oreilles résonnant encore du brutal combat qui avait lieu près de la tanière de l'addanc.

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Hello ! Voilà la suite de LUPA RIDET, j'espère que ça vous plaît ?

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