Jayden

Lorsque je passe les portes de la piste d'aéroport, mon regard se pose immédiatement sur le seul avion allumé. Le fameux jet réservé qu'au patron, voilà mon dernier privilège. J'aperçois quelques gars se taper un fou rire à côté des escaliers qui mènent à l'intérieur de celui-ci. Sérieux, on entend que eux sur la piste. J'allume une cigarette avant de m'avancer, trainant mon sac d'affaire sur mon dos. En un temps record, j'ai réussi à embarquer l'ensemble de mes fringues et rendre les clés de la garçonnière qui me servait de logement. La seule chose qui va me manquer dans ce studio, c'est la vue sur New York. Dire que maintenant, je vais devoir m'habituer à voir des champs et des forêts à perte de vue. Broadly Woods, c'est le nom du foutu coin perdu ou James m'a transféré. À force de l'avoir harcelé de message, il a fini par me donner plus d'informations. Enfin, juste le nom de la foutue ville où j'allais devoir temporairement vivre. Quitte à être isolé dans un trou à rat, autant que je me renseigne dessus avant. En cherchant sur Internet, mes pires craintes se sont avérés être véridiques : c'est vraiment un coin perdu au bord d'un foutu lac et entouré de forêt. Mes yeux s'arrêtent sur la voiture garée à côté du jet lorsque j'aperçois du mouvement à l'intérieur. La porte arrière s'ouvre, interrompant brusquement les gardes dans leur échange. Immédiatement, je me fige en apercevant une longue chevelure rousse et un regard glacial que je reconnaitrais entre mille. Il ne manquait plus qu'elle. Un sourire se dessine sur son visage, lorsqu'elle me voit arriver devant les escaliers du jet. Comme d'habitude, elle porte une de ses robes, bien trop moulante qui enveloppe parfaitement ses courbes.

- Jay-Jay ! s'exclame-t-elle d'une voix suave qui surprit les gars dans son dos.

Elle tend les bras pour m'inviter à l'enlacer, mais malheureusement pour elle, je passe à côté sans lui adresser le moindre regard ou coup d'œil. Je n'ai qu'une envie, l'esquiver le plus possible. Je salue d'un mouvement de tête, les gardes qui sont bien plus concentrés sur elle que sur moi et monte rapidement les marches du jet. J'espère vraiment qu'il va décoller avant même qu'elle n'ait l'idée de me suivre. D'un geste brusque, je balance mon sac sur l'un des sièges et m'écroule directement sur la banquette, à côté des hublots. J'ai vraiment l'impression que cette nuit est interminable. Moi qui pensais, deux heures plus tôt, pouvoir me mater un film sans problème, voilà que je me retrouve à devoir partir dans un patelin, tout en évitant la femme de James, Christina. Je ne sais pas comment, elle a réussi à marchander pour venir jusqu'ici, mais elle doit être fière de son coup. J'entends des talons claquer contre les marches avant d'apercevoir une silhouette se dessiner face à moi. J'ai visiblement espéré pour rien...

C'est vraiment pas cool de m'abandonner comme ça, râle-t-elle en croisant les bras.

Je me redresse et feins de l'ignorer en fouillant dans mon sac. Je ne vais pas rester calme longtemps si elle continue de me parler. Bordel pourquoi cet avion met autant de temps à décoller...

- Écoute, t'es pas obligé de te comporter comme un con, on ne va pas se voir avant des lustres.

Tant mieux. Je me mords la langue pour me retenir de lui répondre ça. Je sais que c'est le mieux à faire. Ce qu'elle veut, c'est me voir céder et il est hors de question de lui faire ce plaisir. Sans lui accorder la moindre attention, je m'allonge à nouveau, le casque sur les oreilles en choisissant une musique. En ce moment, je pourrais écouter n'importe quoi, tant que ça couvre sa voix. Finalement, mon choix se porte sur "Save that shit" de Lil peep. Un son qui me rappelle un peu trop bien, ma relation passée avec la chieuse en face de moi. Je ferme les yeux et lâche un long soupir en l'entendant encore parler à travers les paroles. C'est dingue, jamais, elle s'épuise. Il faut dire qu'elle a toujours été persévérante. Malheureusement. Une forte odeur de parfum vient m'envahir les narines subitement, signe qu'elle s'est encore rapprochée de moi. Je vais jamais réussir à tenir si elle insiste.

- Dégage avant que je te fasse regretter d'être venu au monde, marmonnais-je tout en gardant les yeux fermés.

Bien qu'elle n'ait jamais été vraiment sensible à mes menaces et qu'au contraire ça l'a toujours amusée, une partie de moi espère que ça la persuade quand même de partir. Sinon, je vais vraiment finir par tenir parole. Loin de moi l'idée de vouloir jouer les fans comme les gardes avec elle. Certes, je ne peux pas cacher le fait qu'elle soit attirante, sauf qu'une fois qu'on connait sa vraie nature, elle est pourrie jusqu'à l'os. Je suis bien placé pour le savoir

À nouveau, des bruits de talons martelant la pauvre moquette du jet se font entendre. En jetant un coup d'œil discret, je la vois sortir sans se retourner. Elle me prend enfin au sérieux ? Non, j'arrive pas à y croire. Je me redresse et observe la pièce silencieusement. Elle a fait quelque chose, j'en suis sûr. Je la connais. J'attrape à nouveau mon sac, toujours posé sur les sièges à côté de moi, et le fouille. Bingo. Une feuille pliée en quatre est coincée dans le fond de celui-ci. Maintenant que j'y pense, c'est vrai que je l'ai vu triturer un bout de papier dans ses mains avant de me suivre. Elle espère qu'avec des mots, je vais me radoucir ? Grossière erreur.

Je me précipite vers l'entrée toujours ouverte et la retrouve juste en bas des escaliers. Elle fait mine de discuter avec un des gardes qui ne peut s'empêcher d'avoir des étoiles dans les yeux en la dévisageant.

"Wow, je discute avec la mannequin du boss !" voilà ce que je lis sur son visage d'ahuri. Elle arrive toujours à facilement manipuler les gens à ce que je vois.

Hé !

Ses yeux brun foncé, se tournent vers moi et à nouveau un sourire malicieux se dessinent sur son visage. Étrangement, j'ai une soudaine envie de vomir.

T'a oublié ta merde dans mon sac, crachais-je en la fusillant du regard.

Je lui jette son mot, réduit en une boule de papier qui tombe dans une flaque d'eau, à ses pieds. Son sourire s'efface et c'est à mon tour d'afficher un rictus moqueur en lisant la déception sur son visage. J'adore quand on inverse les rôles comme ça. J'adore la voir souffrir.

Le garde me jette un regard noir et me demande de retourner dans le jet soi-disant parce que celui-ci va bientôt partir. Enfin bon, ça fait plus de 30 min que j'attends ça.

Finalement, l'abruti en question, s'avère déjà, de un être le pilote et de deux, avoir raison. Pour la 3ᵉ fois, je me rallonge sur ce foutu canapé en cuir et cette fois, je sens l'avion démarrer. À travers les hublots, on peut apercevoir le soleil qui commence à pointer le bout de son nez, éclairant ainsi le salon du jet, remplis de trucs luxueux tout plus futiles les uns comme les autres. Franchement, tout ce luxe et ces objets brillants, c'est limite excessif. J'appuie sur les boutons pour fermer les rideaux des fenêtres, histoire d'éviter de devenir aveugle. Finalement, c'est en entendant une énième de musique du rappeur que j'arrive enfin à m'assoupir, repensant fièrement au visage dégouté de Christina. Le point positif dans ce départ, c'est que je ne verrais plus cette garce. Enfin plus pendant un certain temps.

Blood on the handsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant