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- Sam! Ça fait longtemps. Tu as grandit.

- En effet, les enfants ça grandit, surtout en 6 ans.

Je guette sa réaction. Il ne dit rien et se contente de rire, comme si j'avais simplement fait une blague. 6 ans. Ça fait 6 ans que je ne l'ai pas vu et je m'en portais très bien. Il ne s'est jamais battu pour avoir la garde partagée. Il est juste parti, comme ça. Il est allé refaire sa vie comme si il n'avait jamais eu de fille. Ça a été trop facile pour lui. Beaucoup trop facile. Maintenant, le voila qui débarque dans ma vie, comme s'il ne s'était absenté que deux jours. Cet homme étant mon père, c'est évidemment chez lui que je dois rester, jusqu'à ma majorité. Une chance pour moi, c'est dans moins d'un ans. Mon père prend ma valise et me fait signe de le suivre : ce que je fais. Je l'observe. Mon père. Cet homme qui était mon héro. Si fort, si grand, si rassurant. Maintenant, je fais presque sa taille et il parait soudainement petit, plus vieux. On entre dans la maison et je continue à le suivre jusqu'au deuxième étage. On entre dans une pièce et il pose ma valise près d'un lit, le seul meuble de la chambre. Il se retourne pour me faire face et je dois lutter de toute mes forces pour ne pas lui demander son nom. Pas que je l'ai oublié, ça aurai été juste impossible, mais juste par provocation. Pour lui montrer que je vivais très bien sans lui et que je l'aurais oublié si j'avais pu. La seule chose qui me retiens est l'image de ma mère. Son sourire.

- Voici ta nouvelle chambre, Sam. Comme tu peux le voir, elle est vide. On a pensé que tu préférerais la décorer toi-même.

- Merci pour l'intention.

Bien que j'essaie de me montrer polie et reconnaissante, mon ton me trahi. Je vais devoir faire des efforts de ce côté là. Mon père ne me lâche pas des yeux. Il semble mal à l'aise. Il ne sait clairement pas comment s'y prendre avec moi, et mon attitude ne l'aide pas. Il a quitté une petite fille docile, polie et toujours de bonne humeur, et maintenant, il se retrouve avec une adolescente en pleine crise. Je le plains intérieurement, avant de me rendre compte que c'est moi l'adolescente et que j'agis ainsi volontairement. Il pousse un léger soupir en pinçant les lèvres, puis il se dirige vers la porte. Je le suis des yeux et au dernier moment, il se retourne de nouveau vers moi.

- Je suis content de te voir, Sam. Vraiment.

Il sort et j'entend ses pas dans l'escalier. Je m'avance et je me laisse tomber sur le lit. Je pince les lèvres pour étouffer un sanglot, mais trop tard. Les larmes coulent toutes seules. Je me couche sur le côté, en faisant face au mur et j'arrête de retenir mes pleurs. Des souvenirs de ma mère me submergent. Ce n'est rien, seulement un petit moment de faiblesse.


Je me réveille, mais j'ai du mal à ouvrir les yeux. Ils ont gonflé à cause des larmes. Je ne m'étais pas rendue compte que j'avais pleuré autant et j'ai du m'endormir d'épuisement . Il fait noir dans la chambre. Je me retourne pour allumer la lumière et je comprend que les rideaux sont fermés. Je me redresse en enlevant la couverture et je découvre que la porte aussi est fermée. Je suis certaine de l'avoir laissée ouverte, tout comme les rideaux. Mon père a du les fermer hier soir. Je me lève et je vais ouvrir les rideaux, mais cela ne change pas grand chose, parce que finalement, il fait noir aussi dehors. Je vais prendre mon cellulaire pour regarder l'heure.

4H37

Génial. Voila ce qui arrive quand on s'endors au milieu de l'après-midi. Maintenant, je suis pleinement reposée, mais je dois attendre que tout le monde sois réveillé. Je décide d'aller voir mes notifications, mais il n'y a rien. En venant ici, je n'ai quitté aucun ami, aucun copain, parce que je n'avais rien de tout ça dans mon ancienne ville. Il serait peut-être temps de m'en faire, des amis. C'est ce que ma mère voudrait. Seulement, je ne sais plus comment aller vers les gens. Je suis restée seule trop longtemps et j'y ai pris goût. Je prend un des livres que j'ai emmené et je commence à lire. Malheureusement, je me lasse vite de cette occupation, alors je laisse dériver mes pensées. Principalement vers ma mère. Je pense à des choses qu'elle a dites, à des choses qu'elle aurait faites à ma place, à son sourire. Elle me manque tellement. Je n'étais pas prête à ce qu'elle parte si tôt. J'ai l'impression de vivre un cauchemar, et j'espère qu'à mon réveil elle sera là pour me consoler.

Je m'ennuie encore quelques heures avant d'entendre du mouvement dans la maison. Je regarde l'heure de nouveau.

8H30

Je décide d'attendre un peu, mais après quatre heures de patience, je tiens à peine dix minutes de plus. Je sors de la chambre et je descend. Mon père est assis à table avec un café. Il était absorbé par son téléphone, mais quand il me voit, il se lève d'un bond. Je m'arrête, surprise de sa réaction. Il se racle la gorge pour me dire bonjour, avant de se rasseoir.

- Tu veux quelque chose?

- Merci, mais je peux me débrouiller.

- Bien sûr... euh... ne te gène pas, tu peux fouiller dans les placards.

- Merci.

J'ouvre d'abord le frigo et je sors le lait. Mon père m'indique où sont les verres et me dit qu'il reste aussi des croissants de la veille. J'en prends un et je vais m'asseoir au bout de la table. Nous restons silencieux jusqu'à ce que mon père se lève.

- Je dois partir travailler.

Je ne dis rien.

- Sarah devrais se lever bientôt.

Toujours rien.

- Tu vas voir, elle est gentille.

Je hoche la tête.

- Bon.... et bien j'y vais.

- Tu es toujours ophtalmologiste?

Ma question me surprend moi-même. Cette démonstration d'intérêt n'était pas prévue. Mais, mon père en est encore plus surpris que moi. Il sourit naturellement, pour la première fois depuis que je suis arrivée.

- Oui, tu sais à quel point j'aime mon métier.

Je hoche la tête et baisse les yeux. Je ne le regarde pas, mais je sais qu'il reste debout à me regarder, car il se passe un temps avant que je n'entende la porte se fermer.

Ames SoeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant