II

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Je sors de la salle de bain. Je viens de prendre une douche, et ça m'a fait du bien. Je descend les escaliers en pensant à ce que je pourrais bien faire de ma journée. Dans la cuisine, Sarah s'active. Je ne l'ai pas entendue se lever, et je n'étais pas prête à la voir tout de suite. Elle se retourne pour poser quelque chose sur la table, et c'est là qu'elle me voit. 

- Oh, bonjour! Tu m'as fait peur!

J'essaie de sourire le plus naturellement possible. Un peu de bonne volonté Sam, sinon ces deux ans vont être long.

- Je suis Sarah.

- Je sais.

Elle écarquille légèrement les yeux et se met à regarder le sol. Bien joué Sam, toi qui vient de parler de bonne volonté, tu pouvais pas être plus froide. J'essaie de rattraper le coup.

- C'est parce que mon père me l'a dit.

Elle relève la tête et me souris. 

- Tu as bien dormi?

- Ouais.

- Si tu veux, on peut décorer ta chambre aujourd'hui. J'ai pris congé et toi, tu ne reprend pas les cours tout de suite.

- Ouais, ça me va.

Elle a l'air gentille, mais c'est sa jeunesse qui me perturbe... Sans parler du fait que c'est ma belle-mère et que je vais avoir beaucoup de mal à digérer le fait que mon père ai pu remplacer ma mère. Parlant de choses à digérer, un enfant entre dans la cuisine en courant. Il se jette dans les bras de Sarah et se met à se rire, sous mon regard surpris. 

- Ah, je te présente Max! C'est ton... demi-frère.

Elle prononce les derniers mots avec une légère hésitation, guettant ma réaction. Je savais que mon père avait une nouvelle femme, mais j'aurais aimé être au courant pour l'enfant. Je ne sais pas comment réagir et j'ai toujours eu du mal à cacher mes émotions. Je décide quand même de sourire. Vaut-il mieux un sourire faux, ou de l'indifférence? Je crois qu'en fait, l'indifférence était mieux. Quoi qu'il en soit, je ne supporte plus ce malaise, alors je décide de sortir dehors. 

Je descends les trois premières marches du perron, m'asseyant sur la troisième. Il est 10H et la rue est déjà bien agitée. C'est une grande rue passante. Des voisins s'activent et des voitures passent tranquillement. J'observe ce qui se passe un peu partout. Un homme tond sa pelouse. Une femme fait tomber sa clé de voiture par terre. Un couple passe en vélo. Une jeune femme promène un énorme chien. l'air est encore frais, mais c'est agréable. Arrivé à ma hauteur, le chien commence à tirer sur laisse pour se rapprocher de moi. Malgré les efforts de sa maîtresse pour le retenir, l'animal réussi à me sauter dessus. Je ris en caressant le chien, trop heureux pour se soucier de sa maîtresse qui vient s'excuser en tentant de le maîtriser une bonne fois pour toutes. Cette fois, c'est elle qui gagne. Le chien se remet à la suivre et je les regarde s'éloigner. Je sors de mes pensées quand j'entends le bruit d'une porte de garage. C'est celle de la maison d'à côté, d'où sort un garçon qui doit avoir à peu près mon âge. Je ne m'étais pas vraiment rendue compte que je le fixais, jusqu'à ce que mon regard croise le sien, et qu'il se mette à sourire. Mon cœur se met à battre et, malgré le vent, je commence à avoir chaud. Regarde par terre, il va partir

- Salut!

raté.

Je lève lentement la tête vers lui et essaye de lui rendre son sourire. Par chance, il est à contre jour, ce qui fait que je ne le vois pas vraiment, même s'il n'est qu'à quelques centimètres de moi. 

- ... Bonjour.

- C'est la première fois que je te vois ici. 

- Je viens d'emménager.

Le garçon regarde la maison, puis son regard reviens sur moi. 

- Chez Richard et Sarah?

- Ouais.

- Pourquoi?

- Parce que.

- Je voulais pas être indiscret. Je voulais simplement savoir savoir quel lien tu avais avec eux.

Je baisse la tête. Je réalise que j'ai été froide, et ce n'est pas le meilleur moyen de se faire des amis. Nouveaux amis Sam, tu te souviens? Souris et raconte ta vie. 

- En fait, je suis la fille de Richard.

- Je savais pas qu'il avait une fille.

Ma colère reprend le dessus malgré moi. 

- Il n'a jamais parlé de moi, parce qu'il espérait que je ne reviendrais pas dans le décor et qu'il pourrait continuer sa petite vie comme si de rien n'était. Malheureusement pour lui, le retour à la réalité fait toujours très mal. 

Je suis trop agitée et je ressent une soudaine envie de me lever, ce que je fais, mais trop vite. Mon élan me projette vers l'avant. Je ferme les yeux, comme si ça pouvait m'aider. Une main m'agrippe et me ramène vers l'arrière. Dans le mouvement, je retombe assise sur la même marche que tout à l'heure. Ça a fait mal, mais beaucoup moins que si j'étais tombée la tête la première. 

- Calme toi un peu. En plus, je suis sûr que tu te trompe. J'ai dit que JE ne savais pas que ton père était... ton père. Ça ne veut pas dire qu'il n'a jamais parlé de toi. Mes seules conversations avec lui se résument à : Bonjour voisin! Ça va? et Bonne journée!

Je ne dis rien. Je ne sais pas si j'ai honte de m'être presque étalée par terre, ou si la honte vient du fait que je suis en train de me faire remettre à ma place par un inconnu. Le garçon soupir et reprends.

- J'espère que la prochaine fois qu'on se parlera, ce sera plus.... joyeux? Au fait, tu t'appelles comment? 

- Sam.

- Pour Samantha?

- Pour Samuel.

- Tu t'appelles Samuel?

- Non.

- Je suis pas sûr de comprendre.

- C'est une longue histoire. 

- J'ai hâte de l'entendre! Moi c'est Jacob.

Sur ce, il me fait un clin d'œil et repart. Je le regarde monter dans sa voiture et partir. Quand je ne peux plus le voir, je me lève et rentre à l'intérieur. 

Ames SoeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant