III

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- Ah! Tu es prête?

Sarah s'est habillée et préparée pendant que j'étais dehors. Elle prend son fils dans ses bras, attrape son sac, ses clés de voiture, et me souris. 

- On y vas?

Je la suis dehors, et je monte à l'avant de la voiture, pendant qu'elle attache Max à l'arrière. Le petit chante joyeusement tout le long de la route, ce qui couvre le silence. Sarah n'est clairement pas à l'aise. Ses mains serrent le volant et elle n'arrête pas de se racler la gorge. Pour ma part j'ai beau être consciente du malaise, je ne fait rien pour y remédier. Je laisse mon nouveau frère s'occuper de l'ambiance. 

Nous arrivons enfin devant le centre commercial. Je le regarde. Il n'est ni très grand, ni très imposant, mais c'est plus que suffisant. Je souris en me disant que je serai probablement plus présente ici qu'à la maison. Ma mère adorait ce genre d'endroit, et moi, j'adorais l'y accompagner. Ce sera bizarre sans elle, mais c'est toujours agréable de faire les boutiques. Ça vide l'esprit. 

- Richard a laissé de l'argent pour toi ce matin, spécialement pour redécorer la chambre.

Je hoche la tête et je commence à la suivre vers la porte principale. Le premier magasin que nous faisons est un magasin de meubles. Nous restons une bonne heure à faire le tour des produits et je choisis ceux que je veux. Le vendeur fait remplir une feuille à Sarah, pour que nos achats soient livrés à la maison. Les deux prochaines boutiques sont des boutiques de décoration. Je n'ai jamais été une grande fervente des bibelots inutiles qui prennent la poussière, mais ça ne m'empêche pas d'en choisir quelques uns. Dans le dernier magasin, alors que j'attends Sarah, qui est à la caisse, mes yeux se posent sur un cadre. Un cadre de taille moyenne, simple avec une bordure noire. Mais ce n'est pas l'objet, en tant que tel, qui attire mon attention. C'est la photo à l'intérieur. Un homme, une femme et une fillette. Ils sont en action, ils ont l'air heureux. Je peux presque entendre leurs rires résonner dans ma tête. Même si ce ne sont que des acteurs, des mannequins, même si la photo n'est là qu'en démonstration, je ne peux m'empêcher de nous imaginer moi, mon père et ma mère, à la place de ces mannequins. Comment aurait été ma vie si mon père n'était pas parti? Si ma mère n'était pas morte, et si nous étions encore tout les trois? Comme avant. Comme dans le temps où mon père était mon héro et où ma mère était son grand amour. Je sors de mes pensée, consciente du fait que je suis sur le point de pleurer. Je reprend le contrôle de moi-même et je réalise que Sarah est juste à côté de moi. Heureusement que je ne me suis pas mise à pleurer. Je lui souris et je quitte la boutique. Elle me suit, tenant Max par la main.

- Faiiiiiiiim! Ai faiiiim!

Sarah et moi nous regardons, surprises, puis elle éclate de rire.

- Oui bébé, on va aller manger.

Elle se retourne vers moi.

- Ça te dit un resto? Il y en a plusieurs au milieu du centre commercial.

Je hoche la tête et lui prends quelques sacs des mains. 

Arrivés au centre restaurants, je regarde ce qu'il y a. Je ne sais pas encore ce que j'ai envie de manger. 

- Oh merde! 

Sarah fouille nerveusement dans son sac à main.

- J'ai perdu mon porte-feuilles! Je dois l'avoir oublié dans le dernier magasin. Tu surveilles Max pour moi?

J'ai à peine le temps de hocher la tête, qu'elle est déjà en train de courir vers le magasin qu'on vient de quitter. Je baisse les yeux vers le petit garçon et il me souris à pleine dents. Je lui rends son sourire parce qu'il est vraiment mignon et que je sais que ce qui m'arrive n'est aucunement de sa faute.

- Alors Bonhomme, tu as faim? Tu veux manger quoi?


Sarah revient complètement essoufflée et, heureusement, avec son porte-feuille. Son regard passe de moi, à son fils, qui est couvert de sauce, mais heureux de vider son assiette de frites, et elle sourit. 

Après nous être tous rassasiés, nous rentrons à la maison. J'aide à décharger la voiture et je monte tout les sacs dans ma chambre. Une fois dans la pièce et après avoir posé tout les sacs près de la porte, je m'assois par terre, au milieu de la chambre. Je regarde autour de moi, et j'essaie d'évaluer l'espace. J'essaie de visualiser plusieurs façons de disposer les nouveaux meubles. Ils seront livrés d'ici une semaine, alors j'ai encore le temps d'y penser. Je finis par me coucher sur le dos. Je ferme les yeux et je réfléchis. À tout, à rien. Principalement à ma mère. Encore. Je pense à Jacob, que j'ai rencontré ce matin. Je pense au fait que je commence le Cégep dans une semaine. Que tout ça sera nouveau pour moi et que je commence plus tard que tout le monde. On m'a souvent dit qu'au Cégep, on est livrés à nous même. Que personne ne s'occupe de nous et qu'on doit se débrouiller. Je me connais et je sais très bien que, peu importe ce que j'ai manqué depuis le début de la session, je n'irais pas demander de l'aide. Ça risque d'être compliqué, mais tant pis, je me débrouillerai. 

Je sors de mes pensée quand j'entend cogner à la porte. Je me redresse en même temps que la porte s'ouvre. C'est Sarah. Elle hésite à entrer. Elle me sourit et je lui fait signe qu'elle peut venir. Elle s'approche lentement et s'agenouille par terre, pour être à mon niveau. 

- J'ai quelque chose pour toi.

Elle me tend un sac en plastique. Je le prend et je la regarde, perplexe. Elle me fait signe de l'ouvrir, alors je reporte mon attention sur le sac. Je regarde à l'intérieur, et je sors l'objet. Sarah guette ma réaction, mais je ne sais pas comment réagir. L'objet en question est un cadre de taille moyenne, simple avec une bordure noire, mais comme la première fois que je l'ai vu, c'est sur la photo à l'intérieur que mes yeux se posent. Cette photo qui n'a été prise que pour mettre le cadre en valeur. Je regarde de nouveau Sarah, elle ne m'a pas quitté des yeux.

- J'ai vu qu'il avait attiré ton attention tout à l'heure. J'ai vu qu'il te plaisait, alors je...

La scène repasse tout d'un coup dans ma tête : Nous au magasin. Sarah qui paie. Sarah qui remet son porte-feuilles dans son sac. Nous qui marchons pour aller manger. Sarah qui part en courant parce qu'elle a "oublier" son porte-feuilles...

- Ça va?

Je reviens à la réalité.

- Oui, ça va. Merci beaucoup.

Elle était retournée l'acheter. Elle pensait que c'était le cadre que je regardais.

- Bon, s'il te plait, je suis contente. 

Elle se lève en souriant.

- Je vais aller préparer le dîner.

Je la regarde partir, puis mon attention revient sur le cadre. Sur la photo du cadre. 

Ames SoeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant