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Un dernier coup d'œil à mon salon, certain d'oublier quelque chose, et je referme la porte de mon appartement. D'un pas calme, je me dirige vers l'ascenseur au bout du couloir et pénètre dans celui-ci qui s'ouvre en un Ding sonore. Je descends au rez-de-chaussée et Val', l'hôte d'accueil de l'immeuble me salue formellement, comme il le fait tous les matins. Je lui rends son salut dans un sourire crispé avant de sortir de l'immeuble, sous la pluie battante. Je ne comprendrais jamais pourquoi il fait ce boulot, vraiment. Il était dans le même collège puis le même lycée que moi, nous n'avons jamais été plus que des connaissances l'un envers l'autre, il était déjà en quatrième quand je rentrais en sixième, mais dans tout l'établissement tout le monde le connaissait. Il était, disons une forte tête, l'un des seul à ne pas se soumettre à la conformité du milieu duquel nous étions tous issus. La haute comme on dit. La haute avec ses codes et ses règles, son étiquette. Alors le voir derrière cette banque d'accueil d'immeuble bourgeois, dans cet habit impersonnel et d'une sobriété rigide, lui qui ne daignait pas même porter l'uniforme du lycée, m'a profondément choqué. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé mais c'est comme s'il avait renié toute sa personne, toute la couleur et le rayonnement de sa personnalité. Et ça me dérange profondément, moi qui l'avait toujours pris pour un exemple parce qu'il osait s'affirmer et briser les lois d'un monde trop codé là où ne savais que courber l'échine. Et je prends son échec désormais flagrant comme un coup de couteau à chaque fois qu'il me lance ce salut monotone, départi du sourire taquin qui le caractérisait autrefois. Alors tous les jours, je réponds vaguement et je m'en vais le plus vite possible car son absence de réussite, lui qui partait du lycée si confiant, diplôme en poche et sourire aux lèvres, ne fait que me renvoyer à mon propre échec d'émancipation, moi qui suis forcé de compter sur la fortune de mes parents, même à des kilomètres d'eux, simplement pour me loger et qui n'ai jamais rien accomplit par moi-même. Bien sûr me plaindre de la richesse ancestrale de ma famille est carrément hypocrite, je ferais mieux de me concentrer pour faire de bonnes études et investir cet argent dans de bonnes œuvres une fois que je serais à la tête de l'empire familial avant de me faire bouffer par tout ce pognon mais tout cet étalement de fric n'est clairement pas pour moi. Et si ça ne tenait qu'à moi, je laisserais volontiers les rênes de la fortune familiale à mon petit frère Jonah, lui il est fort, il a la tête sur les épaules et saura investir pour faire le bien tout en préservant la famille. Malheureusement je suis l'ainé et c'est à moi qu'il incombe cette lourde responsabilité, pour ne pas dire ce fardeau, et je n'ai en aucun cas mon mot à dire. Alors je me contente de fuir, au moins le temps de mes études.

Un crissement de pneu me tire de mes pensées alors que je traversais la route et avant que je ne puisse esquisser un seul geste pour éviter le véhicule qui risque de me percuter, une main enserre mon poignet et me tire en arrière. Je tombe en arrière sur le trottoir, lâchant mon parapluie noir tandis que le conducteur ne condescend même pas s'arrêter pour s'assurer que personne ne soit blessé et continue sa route alors que je peine à reprendre mes esprits. Il n'est vraiment pas passé loin.

« Ça va ? Pas blessé ? »

Une voix légèrement rauque, comme enrouée me pousse à me retourner une fois de nouveau sur mes deux jambes.

« Non, c'est bon. » Répondis-je, l'esprit ailleurs, détaillant la manche de ma veste de costume à présent tachée.

« Je suis désolé pour ça. Je pourrais l'emmener au pressing. »

Je lève les yeux vers lui, les sourcils froncés, et tombe dans ses yeux bleus. D'un bleu lagon profond et agité d'une lueur rieuse mais pas mesquine comme j'ai l'habitude d'en voir. Non, ses yeux étaient sincères, les plus sincères que je n'ai jamais croisé. J'en eu le souffle coupé un instant.

Pᴏᴜʀ ᴜɴ ᴘᴜʟʟ ʀᴀʏᴇ́ ᴇᴛ ϙᴜᴇʟϙᴜᴇs ᴄᴇɴᴛɪᴍᴇsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant