Prologue

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 Son visage restait dans l'ombre d'une immense capuche grise, si bien qu'on ne devinait rien de ses traits. Était-il blond, roux, jeune, vieux ? Impossible de le déterminer. On n'aurait même su dire s'il était un « il ». Peut-être était-ce une étudiante ? Il y en avait des centaines autour de cet être empli de mystère. Et assis à cette table en bois foncé, des livres éparpillés à ne plus pouvoir les compter, il ou elle aurait pu être n'importe qui. Sans données supplémentaires, cet inconnu faisait juste partie du flot de personnes qui allait et venait au fil de la journée. Rien de plus, rien de moins. Une ombre dans l'obscurité, un être vivant parmi tant d'autres. Alors au final, peu importe qui il ou elle était.


Au moment où mon portable vibre contre la table, j'ai l'impression que d'innombrables paires d'yeux me brûlent le dos. Je jette un coup d'œil autour de moi, le cœur battant, mais personne ne s'intéresse à ce que je fais.

Absolument personne.

Parfait.

D'un mouvement aérien, je trace quelques mots sur le papier vieilli d'un livre à la couverture bleue, avant de le refermer brusquement. Le bruit résonne dans l'immensité de la bibliothèque, et durant une seconde, j'ai peur que quelqu'un ne m'ait vu abîmer ce bouquin que personne ne lit plus depuis longtemps.

Mais non, les étudiants aux alentours gardent la tête baissée sur leurs cours, probablement dépassés par la charge de travail imposée par cette prestigieuse université. Je pourrais presque en rire, sauf que je fais moi-même partie des pauvres moutons qui œuvrent toute la nuit.

Un soupir lourd de fatigue m'échappe. Vivre pour quelqu'un d'autre m'épuise au quotidien, mais je ne regrette pas mon choix. Je sais qu'il s'agit du bon, de celui qui m'aide à avancer, à rentrer dans le moule. C'est ce que tout le monde attend de moi de toute façon. Me fondre dans la masse est devenu confortable, j'en ai l'habitude à force de jouer le jeu. Avec l'entraînement, le poids sur mes épaules ne me paraît plus aussi lourd qu'auparavant. Nous nous sommes, en quelque sorte, apprivoisés l'un l'autre tels deux vieux amis se saluant de loin.

J'enfonce le capuchon de mon stylo sur son embout puis le glisse dans mon sac à dos avec le reste de mes affaires. Après un dernier coup d'œil rapide à ma montre, je me lève et repose les nombreux livres sur les étagères déjà bien remplies, avant de finalement quitter la grande salle à l'allure victorienne sans un regard en arrière. L'air frais m'aère l'esprit après ces longues heures de travail. Je me dis qu'un jour peut-être, ces mots gribouillés dans ce vieux livre bleu trouveront un destinataire. Qu'ils feront sourire quelqu'un qui en a besoin.

Le bleu de l'espoir [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant