4 - Angie

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L'horloge.

Tic-tac.

Tic-tac.

Tactique.

Fixer cette horloge du regard n'était qu'un moyen, un trompe-l'oeil. Elle se disait que vous n'y verriez que du feu. Mais elle espérait surtout se tromper elle-même.

Elle espérait l'oubli.

Assise sur sa chaise, dans un jean trop ample pour ses formes, un sweatshirt gris lui tombant sur les épaules, elle était en train d'attendre. De fixer l'horloge.

Ses cheveux blonds, autrefois si soignés, pendaient, filasses, dans son dos. Dans la salle, les gens la dévisageaient. Quel dommage. Encore une gamine qui passait son temps à jouer à des jeux vidéos au lieu de s'occuper du plus important.

Ses tennis raclaient le sol. Mais elle fixait l'horloge. Comme on se raccroche à une bouée. Pour ne pas sombrer.

Lorsque sa mère sortit enfin du bureau du docteur, Angie se leva. Ses yeux quittèrent l'horloge pour aller se cheviller au sol. Elle ne voulait pas les voir.

Elle suivit sa mère, et quitta l'hôpital. Elle s'engouffra dans la voiture, et enfonça ses écouteurs dans ses oreilles. Elle ne voulait plus de ça. Elle avait passé trop de temps à penser, elle commençait à étouffer sous le poids de ses pensées. Alors elle se noya dans la musique que diffusait ses écouteurs. Ils étouffaient les pensées et les souvenirs qui l'étouffaient.

Elle plissa les yeux et fronça les sourcils. Elle ne devait plus y penser.

Machinalement, elle ramena les manches du sweatshirt sur ses poignets.

Un frisson parcouru son échine.

Le même que celui qui l'avait parcourue quand elle avait senti son haleine dans son cou.

Elle se rappelait ce qu'elle avait pensé quand ça avait enfin prit fin.

Pitié. Tue moi. Tue moi maintenant. Tue moi avant qu'ils essayent de me sauver.

Mais il n'en était rien. Et elle le pensait toujours.

Elle poussa un soupir résigné. Combien de temps encore cela allait-il la hanter ?

A la maison, elle sortit de la voiture, suivit l'allée d'un pas traînant, et s'engouffra dans la bâtisse chic dans laquelle elle avait grandi. Son père était cadre et sa mère avocate. Autant dire qu'elle avait reçu l'éducation clichée à laquelle tous les gosses de riches avaient droit.

Mais ses parents ne disaient rien à la voir s'habiller comme un sac.

Elle n'était qu'un fantôme.

Cette nuit-là, il revint la hanter.

Ses mains parcoururent son corps une nouvelle fois, la frappant si elle osait résister. Sa bouche embrassa ses lèvres encore, les mordant violemment quand elle laissait échapper un gémissement de détresse. Et sa voix rocailleuse dit encore, putride "détends-toi poupée, on va juste s'amuser...".

Elle se réveilla en hurlant.

Pitié. Tue-moi maintenant. Pitié.


Rattrapez-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant