I.

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Solstice
Ce matin j'ai tué le jour.

J'avais mis mon petit ensemble de soie Rouge, celui avec les fleurs courbant l'échine. Ma peau crissait sous le tissu. Le train de nuit m'avait déposée sur le quai, ma valise vide posée, là. Il était trop tard pour sourire. Les pendules n’étaient plus à l’heure, depuis trop longtemps. Mes paupières étaient closes. Je me cherchais une contenance, seule, sur cet asphalte qui chauffait mes pieds. Un terrain vague voguait derrière les rails, quelques fleurs tenaient tête au ciel noir. J'avais serré mon manteau contre ma poitrine, le tissu froissait entre mes ongles. Rouges. Mes mains pâles, par ces ongles, étaient peintes des heures prochaines. J'étais une petite abeille trempée dans le sang. Je savais que j'allais tuer, puis mourir dans le même battement d'aile. Cette certitude innocente gonflait tout contre mes paumes. J'avais épinglé la mort tout contre mon cœur. J'allais Tuer. Mes ailes déjà étaient sales.
Le temps d'un sanglot, j'avais aligné mes pas l'un derrière l'autre, en direction de son appartement. Le jour vivait dans un de ces lieux avec balcon, tendu au-dessus du monde, les barreaux ourlés de fer. Le parquet avait des échardes, le temps des écharpes ; il toussait à l'horloge, les secondes en éternuements. Les stores lourds hachaient minuit, derrière les vitres.

Je n'avais pas sonné.

J'ai franchi le seuil de sa porte, en tournant sèchement la poignée dorée. Le jour ne fermait jamais.

Je me souviens avoir inspiré plus fort, à ce moment-là. Avoir passé ma langue sur mes lèvres gercées. Ma salive avait ravivé la douleur, et une goutte de sang coula sur ma lèvre. Rouge.

SolsticeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant